Mesdames les Députées, Messieurs les Députés,
Le projet de loi MACRON se fonde sur un rapport de l'IGF particulièrement sujet à caution, plus encore depuis que son chef de mission Monsieur FRIBOURG, qui avait quitté le service de l'Etat pour une banque d'affaires, est l'unique associé d'une société de prise de participations financières... Mais ce projet n'en porte en réalité que le nom, tant il est lacunaire, partial et orienté. Tant il ignore la réalité du terrain et l'impact réel que son adoption en l'état pourrait avoir sur l'emploi et les professions concernées, ainsi que le déplore l'avis du Conseil d'Etat.
On tente de nous faire croire que les notaires sont de vieux rentiers aigris, des hommes avides et cupides, passéistes, misogynes, incapables de se moderniser, d'accueillir des jeunes, de prendre des responsabilités nouvelles pour soulager les finances publiques, ..., bref, j'en passe et des meilleurs. Le tout porté comme il se doit par une nébuleuse de personnes aussi bien intentionnées que parfaitement informées et totalement désintéressées.
Pourtant les notaires n'ont rien contre les jeunes, ni contre les réformes, ni contre le modernisme. Poussiéreux et anachroniques les notaires ? Ils signent des actes électroniques, cautionnent les emprunts des nouveaux installés, se garantissent collectivement au plan national, mutualisent leurs compétences pour rendre un service toujours plus rapide et plus efficace aux usagers du service public notarial et à l'Etat, sans coût pour les finances publiques !
A en croire Monsieur MACRON, il faudrait demain confier le sceau de l'Etat sans contrôle pour le seul bénéfice de jeunes qui n'ignoraient rien des difficultés d'installation lors de leur entrée dans la profession ? Il faudrait demain que le tarif du service public soit négociable, pour des motifs toujours obscurs à ce jour, mais pour des bénéficiaires clairement déterminés (les plus riches), au détriment d'autres citoyens tout aussi identifiés (les moins aisés) ? Enfin, il faudrait demain que ce service soit rendu par des professionnels exerçant aux seins de filiales, de holdings, bref de structures commerciales, à mille lieues de l'indépendance et de la neutralité qui doivent présider à l'exercice du service public de la Justice ?
Au-delà du notaire, le citoyen et le père que je suis n'en veut pas, ni pour lui, ni pour ses enfants. Nous ne parlons plus de partage, d'entrée des jeunes, d'ouverture, nous parlons uniquement de l'arrivée des anglo-saxons et de leur système de droit fondé sur la puissance, l'argent, l'entregent, le copinage. Nous savons où nous mène ce système : selon que vous serez puissant ou misérable...
Maintenant, face à des semaines de dénigrement de mon métier et par-delà de ma personne même, j'ai pu savourer le soutien toujours réaffirmé de mes clients, ébahis par la violence des attaques, par les collusions médias - politiques, par la dissolution des volontés individuelles dans la ligne des partis, par l'abandon de toute idée de démocratie, de représentation du peuple. Des citoyens qui finissent malheureusement par ne plus aller voter, ou qui, pire encore, choisissent les extrêmes.
Aujourd'hui, face à un projet de loi tout autant fourre-tout que gruyère, je souhaite que vous puissiez voter en votre âme et conscience. Pas sur la base de rapports. Pas sur la base d'une doctrine de parti. Sur la base de votre intime conviction, que tous les notaires de France sont prêts à vous aider à forger : il s'agit simplement de franchir le seuil de leurs études. De discuter avec eux. D'apprécier la passion qu'ils portent à leur métier, le service qu'ils rendent à l'Etat et aux citoyens. De comprendre la logique actuelle des mécanismes d'installation et la protection qu'ils apportent aux usagers. De comprendre l'utilité du tarif à taux unique et non négociable, permettant de recevoir sur un pied d'égalité tous les types de clientèle et une grande majorité d'actes sous leur coût de production. De comprendre enfin la nécessaire indépendance du notaire, pour sa neutralité et le désintérêt du conseil donné. Et je ne doute pas un instant que vous ne pourrez que rejeter le projet que l'on vous propose aujourd'hui, pour forger utilement le notariat de demain, non pas contre, mais avec les notaires. Et avec la Chancellerie, leur ministère de tutelle.
Le projet de Monsieur Macron ne sème que du vent, tant il est vide et creux. Et pourtant cette brise qui semble bien légère ne peut que se transformer en ouragan : destruction de milliers d'emplois, fin du maillage territorial, mort de la neutralité. En créant des offices de manière inconsidérée, en diminuant sans aucun discernement la rémunération attachée aux actes, en créant un corridor tarifaire dont tout le monde ignore aujourd'hui les contours et enfin en faisant entrer la finance dans la profession, le projet la paupérisera, obligeant demain à une libéralisation du tarif, tuant le maillage, créant des structures nationales riches et puissantes au détriment du citoyen, offrant enfin le droit de propriété du territoire français aux investisseurs étrangers. Oui, celui qui sème le vent récolte la tempête...
Vous en souhaitant bonne réception,
Et restant à votre disposition,
Je vous prie d'agréer, Mesdames les Députées, Messieurs les Députés, l'expression de mes salutations distinguées.
Rémi VIBRAC