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Billet de blog 14 octobre 2013

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Il faut mettre d'urgence tous les élus sous tutelle citoyenne

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Lutter contre le Front national, ce n'est pas mettre des sacs de sable pour éviter la crue quand la digue a craqué mais de construire un mur avec ce qui reste d'intelligence politique. S'il en reste encore assez. La clairvoyance politique est comme la musique militaire, ce n'est ni de la clairvoyance d'un côté, ni de la musique de l'autre. Il faut d'urgence mettre tous les élus sous tutelle citoyenne, et pas seulement lors des échéances électorales. La démocratie, telle qu'elle est aujourd'hui, est un faux nez. Elle exhale des parfums de baronnie, de paradis électoraux, de territoires occupés par des idéologues fourbes, des lotissements à perte de vue où se dresse l'immobilier des politiques aux emprunts financés par leur électorat. A tous les niveaux de pouvoir hexagonal, du plus grand au plus petit, le citoyen est écarté au détriment de la transparence et du dialogue élementaire, au détriment de la raison d'être d'une société pluraliste. Le citoyen qui ne peut pas peser sur la réalité du quotidien, le citoyen impuissant à infléchir des décisions collectivement nocives,  est le candidat naturel à la contestation politique extrême : comme il ne peut pas agir au long cours, il sanctionne aux échances. C'est comme manoeuvrer le Titanic, il faut s'y prendre à l'avance pour engager le gouvernail dans un corridor qui évite l'iceberg. Cela demande de l'anticipation.

Il n'émerge de cette démocratie, qu'une toute puissance politique qui grossit sur le dos des électeurs comme la richesse se repaît de la plus extrême pauvreté. Plus il y a de très pauvres, plus il y a de très riches. La richesse électorale utilise le même ressort que la richesse capitalistique, elle dévore la laine sur le dos de la base, celle qui parvient encore à voter, celle qui n'a pas le dégoût génétique du bulletin de vote et par dessus tout, ce qu'il incarne d'illégitimité et d'irrespect, de violence et de brutalité. Il faut mettre d'urgence tous les élus sous tutelle citoyenne et rétablir la libre circulation des idées et des décisions collectives. A cela, il faut déroger à la règle qu'il n'existe pas des idées de gauche et des idées de droite que chacun exècre car elles sont étiquettées. Il existe des idées, des concepts, des formules, des équations, des axiomes qui ont le grand privilège d'être utiles à toutes et à tous avant de servir de légumesdans les soupières politiques. Les extrêmes naissent d'absence de consistance des parties antérieures qui les irriguent. Le vrai pouvoir politique, ce n'est pas prendre des décisions radicales pour faire baisser la dette, inventer des taxes, tricoter le mariage pour tous, le vrai pouvoir politique c'est installer durablement dans les consciences citoyennes, les fondations d'une lumière douce, propre à la pousse d'une société apaisée. Le politique, dans sa conception rigoriste, est incapable d'établir, avant même de le rétablir, le bonheur de la vie en groupe.

Il en est incapable car de la vie de ses idées politiques dont il n'est pas le dépositaire, mais seulement le représentant, est soumise non pas à la critique constructive mais au couperet d'une décision tranchée : le vote. Si le vote est devenu une sanction, c'est que le citoyen juge qu'il est impératif de punir et de cet impératif naît aussi l'idée, solide et dure, d'une absence totale de réinsertion sociale des promesses non tenues. Du coup, il y a récidive et cette récidive emporte les électeurs dans les abîmes des extrêmes... Car ces extrêmes n'ont pas plus d'idées que les autres. Ils n'ont pas plus de légitimité. Ils ont seulement l'avantage de la mise en forme. Et cette forme est libérée de toutes obligations puisqu'ils n'ont pas le pouvoir, ils ne cherchent donc pas à le conserver, ils cherchent juste à l'acquérir. On a vu des expériences frontistes municipales faire long feu dans des villes du sud. La gestion du F.N est aussi désastreuse que les autres partis politiques. Seulement, le F.N n'a pas encore eu l'opportunité de montrer sa véritable impuissance à gérer une situation critique.  Que font les autres partis, morts de trouille ? Du replâtrage, les gros yeux, des avertissements, le doigt en l'air, la promesse d'une fessée idéologique. Ils jouent aux instituteurs de la Troisième république avec leurs arguments à la craie et le tableau noir de leurs pauvres certitudes.

Il faut mettre d'urgence tous les élus sous tutelle citoyenne,c'est le seul moyen de faire fonctionner une démocratie saine. Le vote tous les six ans n'est pas assez. Il faut un contrôle permanent des élus, tant à l'échelon local, départemental, régional que national. Le ballet du gouvernement reste un ballet, rythmé par des danseurs avec plus ou moins de talents. La réthorique est une brume permanente sur les institutions. Les débats sont artificiels, ils ne s'en dégagent aucune plus-value de l'intelligence politique. Au contraire, les débats servent à distancer de plus en plus chaque parti du précédent auquel il ne veut surtout pas être assimilé. Le beau texte, la belle parole fait place à l'invective. La communication pourrit l'information. L'acte politique reste un acte éphémère, temporaire. Comment lutter durablement contre l'idéologie frontiste si  l'on ne se donne pas la peine d'asseoir une réflexion à long terme ? Une philosophie de société qui ne répond pas, coup pour coup, aux diatribes d'un parti d'extrême-droite qui ne vit que sous les feux médiatiques. Sa progression, dans les esprits, s'installe naturellement parce que les idées auxquelles adhèrent les citoyens, ne sont pas des idées UNIQUEMENT d'extrême-droite. Ce sont des idées qu'il faur combattre comme étant de mauvaises idées et non pas des idées d'extrême-droite. Le racisme n'est pas que le fait du F.N. Il est latent, dans notre société. Il serpente comme un feu malin et au moindre courant d'air, il explose. 

Il faut mettre d'urgence tous les élus sous tutelle citoyenne. La démocratie mérite cette construction intellectuelle. De cette façon, elle va à l'encontre des intérêts particuliers car malgré ce qu'il dit, l'élu agit peut-être dans un but collectif, mais ce but est rattaché à sa situation particulière avant tout d'homme ou de femme dans l'obligation de gagner de l'argent pour se nourrir, se vêtir et s'abriter. Il ne fait pas de la politique professionnellement par choix, car si les électeurs le renvoient à son néant, il fera autre chose, il le fait par opportunisme. Il fait de la politique parce que, déjà, la politique paye, nourrit, engraisse avec ses avantages, qu'il faut qualifier parfois, souvent, de honteux dans certaines sphères du pouvoir national notamment. Comment le citoyen peut avoir un avis positif sur des élus perfusés en permanence d'argent public, d'avantages de la République que eux ne pourront jamais posséder ? Le citoyen doit se réapproprier la politique, au sens intellectuel du terme, car il en bannira forcément les avantages matériels si la démocratie créée des structures collectives de décision du pouvoir comme la démocratie participative devrait les inventer et les faire vivre. Multiplier, à bon escient, les référundums locaux sur des projets importants par exemple. L'élu doit être le locataire du citoyen. Aujourd'hui, le malaise vient que l'élu se prend pour le propriétaire exclusif du citoyen.

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