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Billet de blog 24 juillet 2013

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Maintenant, on braque les cafés !

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Irène a mal dormi. La patronne du troquet de Beffes (Cher), 700 habitants sur douze kilomètres carrés, se repasse le film dans sa tête. Celui d'un homme, la tête enfouie dans un casque intégral et qui, avec une arme de poing, exige la caisse ! Assoupi dans la torpeur beffoise, le bar-tabac Chez Irène, exulte son faits divers. Maintenant, on braque les cafés. Trois cents euros, un fond de tasse plus qu'un fond de caisse. Le grand banditisme s'attaque maintenant à des bouchons sans défense. Chez Irène, braqué ! Aux morts-de-soif succèdent les morts-de-faim, avides de fric facile. Le bistrot de Beffes irrigue l'évidence de son existence jusque dans les impasses environnantes. Que resterait-il de Beffes sans le bar Chez Irène ? Une façade borgne sur laquelle le soleil lisserait ses rayons caniculaires ? Dans quel oasis les clients épancheraient-ils leur soif de collectivité ? Quel braqueur sans conscience peut s'ériger ainsi, en pilleur de licence IV, sans que les foudres divines ne le grille sur place ? Trois cents euros de butin. Sait-il ce que c'est, le braqueur avide, trois cents euros de butin dans un café rural dont les larges lettres rouges délavées dessinent "bar-tabac" dans l'horizon qui grésille ? Il s'est enfui dans une Audi sombre, passager d'une berline de luxe pour tirer la caisse d'un troquet sans histoire. Chez Irène, les sirènes de la dévotion citoyenne, ont tinté chez un témoin de la scène qui, derechef, a pris en chasse l'impétrant sans lui mettre le grappin dessus. Irène a donc mal dormi. Actrice malgré elle d'un film qui a mal tourné : l'irruption, le flingue, l'argent volé, la fuite. Le comptoir en ruisselle de bavardages. Et dans l'enfer des braqueurs où toutes les portes sont verrouillées sans l'espoir de ne pouvoir en ouvrir aucune, ça cause de ce braqueur sans envergure. Braqué le bistrot de Beffes, dans le code d'honneur des malfrats, c'est empiéter sur un terrain déjà occupé. Sous son casque intégral, il a grillé son billet d'entrée par la grande porte. Chez Irène a retrouvé le calme  des bruissements liquides, rafraîchis des murmures qui s'étirent et vacillent. Un sujet de discussion, en ces temps de crise, ça ne se refuse pas. Irène aurait certainement préféré qu'on lui livre des fleurs. Histoire de braquer, en douceur, la surprise que le bouquet aurait engendré. Braqué le bistrot de Beffes. Pourquoi pas chourer le haut de la tour Eiffel ?

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