L'écriture n'est pas un acte divin, pas plus que l'inspiration n'est un modèle breveté. L'écriture arrive comme les bonnes nouvelles et les mauvaises, dans le matin clair d'une vie que l'on croyait rangée. Ce n'est que plus tard que s'installe la servitude littéraire, avec plus de principes que l'on peut imaginer, et l'hommage, mille fois pensé, de son égo à la grâce de ses doigts agiles sur les touches moelleuses d'un écran relié au monde. Ecrire n'est pas un acte surnaturel. Si tel était le cas, pourquoi lire ne le serait-il pas puisque le processus de l'imagination du lecteur a autant de mérite que celui de l'auteur ? Ce qui différencie l'écrivain du non-écrivain, n'est autre qu'une action linéaire qui déverse, d'une façon invisible, une épaisse bouillie de ce monde, dans les veines d'un homme commun. Il se réveille au beau milieu d'une envie, une envie d'écrire, plus forte que les marées tirées comme des couvertures par des mains lunaires, et le voilà épris, à jamais, d'une irrépressible envie de repenser le monde à sa façon et de le soumettre à celels et ceux dont ce n'est pas le vertu.
Décrire le monde n'est pas suffisant, devenir l'axe d'un monde à soi fait pour les autres est beaucoup plus séduisant. Ecrire est un geste mécanique qui, dans la douleur ou le bonheur, possède la vertu de toutes les vertus : l'écriture est une production humaine, donc limitée aux actions humaines et, attachée aux ressorts du fini. Les auteurs ont toujours à voir avec leurs personnages. Ce qui est irritant, dans certaines déclarations de certains écrivains, c'est de les voir parler de leurs personnages comme des êtres détachés d'eux-mêmes. C'est faux. Les actions, les lieux, les gens, les situations, les histoires, tout ce magma magnétique vient d'une seule source : l'écrivain. Il est le seul comptable de ses situations, de la moindre virgule, du bouton sur le nez du commun des mortels qu'il relie au monde par la magie des pages. Ecrire est aussi facile que de peindre pour celui qui sait peindre ou chanter pour celui qui sait chanter. Mais l'écriture a toutes les dimensons requises pour faire d'un être humain un sur-être humain, c'est le seul univers où tout est possible, où tout le devient en tout cas, sans le frottement de l'air sur la matière ou le scellement du liquide sur une peau nue.
L'écriture file à la vitesse de la lumière et traverse des galaxies de lecteurs dont le bonheur est annexé au talent de ce qu'ils lisent. Le talent est la relativité autour delaquelle varient les meilleurs récits et les plus petits morceaux d'histoire banale qui peuvent très vite devenir des chefs d'oeuvre. Il n'y a pas de petits sujets, il n'y a que de piètres auteurs. Dès lors, la mécanique de l'écriture ne peut s'exonérer, malgré ce qu'ils en pensent, de l'égo de chacun. Un roman arraché au vide, au silence et à la virgnité, est une partie intégrante de l'égo de l'écrivain. Il a beau, sous sa barbe de trois jours, évacué cette occurence, l'écrivain reste et restera toujours l'arbre de son livre, la sève de sa production., la galaxie de ses propres étoiles. Il n'est rien de moins désobligeant que d'entendre un auteur marcher à côté de son récit. Ce qu'il produit est le résultat de ses propres croyances, de sa foi même, de ses rêves, de ses vies rêvées, de ses mots fantasmés, de ses peurs, de son envie à faire partager sa vision aux autres. Il n'y a pas plus égocentrique qu'un auteur. Imaginez un instant (pour les non-écrivains) que du jour au lendemain, des milliers, des dizaines de milliers, des centaines de milliers de gens se régalent d'une partie de vous, pensez-vous que votre égo sera intact ? Indifférent à l'effet que vous produisez sur les foules ?
La littérature est remplie d'égos démesurés, d'orgueil étouffé pour ne pas exploser en plein vol. Bien sûr que l'écriture est un acte égocentrique, le plus égocentrique qui soit, car il mêle à la réalité du lecteur, la fiction à laquelle nous aspirons tous. Si le livre existe, alors l'histoire qui en sort existe aussi. A partir du moment que l'imaginaire se durcit en récit, il existe. Toutes les histoires du monde existent car tous les auteurs du monde les font exister. L'écriture est un big-bang chaque fois renouvelé, chaque fois quelque chose naît de rien et s'étend dans l'univers parallèle de la littérature, créant sa propre matière et son propre espace-temps. Ecrire c'est exiler le monde au-delà de ses prorpes torsions. Lire, c'est activer le processus de l'écriture. L'écriture sans la lecture, c'est mourir. C'est un avis de non-écrivain, purement imaginé. Un non-écrivain purulent de frustration.