Comme il est utile et salutaire de ne pas laisser la politique aux mains des seuls politiques, il est vivifiant et urgent de ne pas laisser l'humour aux mains des humoristes. Le monopole, dans quelque que matière que ce soit, n'est jamais bon pour la qualité de ce que ce monopole prétend défendre. La blague de François Hollande, président de la République, renvoie aux clous les coincés, les rigides, les amidonnés en tous genres et met le chef de l'Etat au même niveau que ses concitoyens. L'humour est une qualité redoutable, c'est avant tout une qualité, pas un défaut, qui vise surtout celles et ceux qui n'en ont pas, d'humour. Son champ se rétrécit au fur et à mesure que la libre circulation des propos s'intensifie. A croire que la liberté de l'humour est inversement proportionnelle à la liberté d'expression. Les courbes se rejoignent. Le communautarisme que les réseaux sociaux ont dressé en vertu, le communautarisme rendu possible via internet, ce communautarisme-là dresse ses ergots dès qu'une communauté qui n'est pas celle dans laquelle on se trouve, ose dépasser sa tête du rang. Par l'humour notamment, parce que l'humour se voit de loin. Mettre des bornes à l'humour, c'est plumer les ailes de la liberté. Décréter que telle catégorie de la population, y compris la suprême fonction de président, n'a pas droit à l'humour, c'est compartimenter et communauratiser un peu plus notre société, découpée en groupe ceci, en groupe cela, en groupe truc. Ainsi, il y aurait ceux qui sont la cible de l'humour des autres et ceux qui ne doivent pas en user. Le président de la République occupe une fonction qui, au contraire, lui donne droit au chapitre de l'humour. Sa blague sur Manuel Valls revenant d'Algérie ne porte pas plus atteinte aux Algériens qu'elle n'écorne les relations internationales. Bien sûr, et là, ce n'est pas marrant du tout, les opposants politiques, ce coup-ci, se ruent sur cette blagounette pour vomir leur fiel et se pousser du coude afin d'être le plus indigné possible. C'est moi, non c'est moi, ah non, c'est moi ! L'indignation politique est devenue un sport national. L'humour enquiquine les ennemis de la démocratie comme elle enquiquine les ennemis du bon goût car l'humour est un style dont ne peut pas se prévaloir tout à chacun. L'humour permet de dire des choses graves sur un ton léger comme elle permet de dire des choses légères sur un ton encore plus léger. Or, le rire est le meilleur communiquant qui soit. Faire rire un peuple et vous voilà populaire. Faites rire une nation et vous remonterez dans les sondages. La droite qui critique le président de la République ferait bien de regarder le bout de ses souliers avant de mettre l'humour de François Hollande sur un billot et de tenir la hache. Il n'y a pas d'humour de droite ou d'humour de gauche, il y a l'humour et ses variantes : de mauvais goût, noire, l'humour juif et l'humour arabe, l'humour belge et français, l'humour des blondes, des culs-bénits, des culs d'ours, bref, il y a une multitude d'humour qui correpond à autant de communautés d'individus. Encourageons justement le président de la République a faire de l'humour, dans ses discours, dans ses voeux, dans ses déclarations. Il y a tant d'humoristes qui font de la politique, pour laisser aux politiques le soin de faire de l'humour. François Hollande est après tout un être normal, un déconneur nous a-t-on répété, un amuse-la-galerie. Et dans la morosité de l'information, l'humour est un bon moyen de décompresser. Elle ne manque de respect à personne, elle n'interpelle que celles et ceux qui ne la comprennent pas. Et à quoi entretenir des relations avec des gens qui ne comprennent pas l'humour ? C'en était...
Billet de blog 27 décembre 2013
Monsieur le Président, faites entrer l'humour dans la Constitution
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