Il existe, dans les replis de la Gauche, une gauche qui n'est ni communiste, ni socialiste, ni radicale, ni ouvrière. Une gauche qui n'appartient à aucune chapelle officielle encartée, amidonnée dans un dogme si structuré qu'il en est rigide donc cassant et fragile. Une gauche dépassionnée, c'est-à-dire qui ne nourrit aucun élu, aucun parti, donc qui n'a aucune obligation envers une ligne plus qu'une autre. Une gauche libre, avec une sensibilité de gauche, des idées de gauche, mais une intelligence qui n'est pas uniquement de gauche, sinon elle serait limitée forcément. Cette gauche existe. Elle n'est pas dans le camp des puissants, c'est-à-dire des élus qui une fois élus réfléchissent en fonction de leurs prochaines élections, non, une gauche qui est dans le camp de ceux qui votent simplement, de ceux que l'on appelle à la rescousse pour grossir la file des militants, assez nombreux pour coller des affiches, pas assez pour faire le lit victorieux d'une élection. De cette gauche qui fait la pluie et le beau temps de la gauche, non pas par idéologie structurée et évidemment contradictoire, non, par envie, par désir, par passion aussi. Une gauche anarchisante, capable de critiquer les autres et de se critiquer soi-même, capable d'admettre que les idées des autres ne sont pas toute stupides car elles émanent des autres justement qui ne pensent pas comme la gauche socialiste, communiste, radicalisante, extrême, la gauche de la gauche de la gauche.
Du coup, on pourrait croire que cette gauche-là est du centre mais le centre n'existe pas plus que la clairvoyance universelle des élus de tous bords. Non, cette gauche-là est prête à voter pour un projet municipal, pas un projet personnel (d'un côté les Communistes qui veulent conserver leurs statistiques, de l'autre des Socialistes qui veulent éviter la casse de la sanction). Oui, il existe des gens de gauche libres, des gens de gauche dont l'esprit n'est pas corseté dans des réunions où l'on apprend, à dire ensemble, la même chose comme des choristes qui chanteraient un programme appris par coeur. Une gauche libre, oui, anarchisante, mouvante, imprévisible. Or, les élus aiment ce qui est prévisible. Dommage. La gauche officielle, qu'elle soit de gouvernement (P.S) ou dans l'opposition systématique (P.C), qu'elle soit reconnue apte à ne jamais vouloir gouverner (L.O), à être sur le fil des tentations électoralistes de tous bords (PRG) etc., cette gauche officielle-là a le travers d'agir dans un but individuel et non pas dans celui d'agir collectivement, pour le bien de tous. Fantasme, on le sait. La gauche communiste est rassie, la gauche socialiste est pantouflarde, elle est fonctionnarisée, comme dit Jacques Brel.. Au milieu, votez chers électeurs, mais votez pour nous ! La droite ne fait pas peur à la gauche, la gauche ne fait pas peur à la droite. Ce qui les affole, c'est le Front national. Parce qu'ils savent, droite et gauche, que c'est grâce à eux que l'extrémisme de droite est, selon les médias officiels, aux portes des municipales. Et qu'ils devront laisser une part de gâteau au F.N, si la gauce, cette fois-ci, n'a pas l'intelligence de ses ambitions. Pendant ce temps-là, la gauche anarchisante se demande encore si les rideaux roses et rouges s'ouvriront sur le théâtre de Guignol ou sur le premier acte fondateur d'une pièce enfin sérieuse. Alors, vive la gauche anarchisante.