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Billet de blog 27 octobre 2014

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AFFAIRE CAHUZAC :

LES REPRÉSAILLES ?

Au lendemain de l’affaire CAHUZAC on nous a assuré en haut lieu que les lanceurs d’alerte seraient désormais protégés. Le sort que me réserve aujourd’hui l’Administration fiscale prend l’allure d’une vile vengeance contre quiconque ose dénoncer publiquement les graves dysfonctionnements qu’elle couvre et entretient.

Un rappel des faits s’impose.

Par arrêt du 30 mai 2013, la Cour administrative d’appel de Bordeaux annule vertement l’avertissement disciplinaire que m’avait infligé arbitrairement le ministre Éric WOERTH en décembre 2008, pour avoir consulté le dossier fiscal de son prédécesseur dans le cadre de ma mission de recherche et programmation.

Cette décision définitive fait suite à l’arrêt rendu le 15 novembre 2010 par la même cour de justice décidant l’annulation de la sanction d’exclusion de fonctions que m’avait infligée Nicolas SARKOZY en 2004.

Ces deux sanctions disciplinaires servirent de prétexte à la Direction générale des finances publiques pour me refuser l’accès au grade de fin de carrière malgré d’honorables états de service.

Selon jugement du 19 novembre 2013, le Tribunal administratif de Bordeaux annule ce refus de promotion entaché selon lui d’erreur de droit.

Le Ministre s’incline alors devant l’autorité de la chose jugée.

Par arrêté du 13 février 2014, je suis nommé rétroactivement au grade d’inspecteur départemental des impôts à compter du 2 janvier 2010 et ce pour une période de six mois jusqu’à mon admission à la retraite.

La majoration du montant de ma pension de retraite, calculée selon l’indice de traitement de mes six derniers mois d’activité, semble alors s’imposer comme une évidence. Lorsque je la sollicite à cet effet, la Direction du contrôle fiscal Sud-ouest (DIRCOFI) m’assure par écrit le 2 avril puis le 3 juin 2014 qu’elle a entrepris les démarches auprès du Service des retraites à Nantes pour la révision de ma pension.

Le 10 juin 2014, je renouvelle ma demande, cette fois auprès du Directeur général, M. Bruno BÉZARD qui sera d’ailleurs promu le 28 juin 2014 au prestigieux poste de Directeur général du Trésor. Ce dernier se garde de me répondre et le Directeur des ressources humaines m’informe par courriel du 16 juin 2014 que le calcul du rappel de ma rémunération d’activité du premier semestre 2010 a été réalisé. Mais il ne se prononce pas au sujet de la révision de ma pension qui constituait pourtant l’objet principal de ma requête !

Le 24 septembre 2014, fort de la position formellement exprimée par la DIRCOFI, j’interpelle M. Bruno PARENT, nouveau Directeur général, qui ne me répond pas, puis je transmets le même courriel le 1er octobre 2014 au Chef du Services des retraites. La réponse dudit chef dénommé Alain PIAU tombe enfin le 8 octobre 2010.

J’analyse cette réponse en trois points portant sur la date de la décision (1), l’excès de pouvoir et ses conséquences (2) et un jugement prématuré (3).

1-Une décision longtemps occultée.

Le refus de M. PIAU tombe comme un couperet :

« La sous-direction du personnel de la DGFIP m'a transmis, en mars 2014, votre dossier en vue de la révision de votre pension. Je l'ai informée par note du 20 avril suivant de l'impossibilité de réviser votre pension. Je peux vous en résumer les principaux motifs ci-après. »

Ainsi le refus de réviser ma pension de retraite était déjà décidé le 20 avril 2014, sans que j’en sois informé et la DIRCOFI Sud-Ouest, ma direction d’affectation, n’aurait même pas été mise au courant. Quant aux Directeurs généraux, ni M. BÉZARD ni M. PARENT, n’ont pris le risque d’assumer cette décision. Serait-elle si honteuse ?

Elle s’inscrit dans la continuité puisque j’ai déjà dénoncé les mensonges flagrants et les propos diffamatoires à mon encontre, assenés par les plus hauts représentants de l’Administration fiscale et de son ministère de tutelle devant la commission parlementaire sur l’affaire CAHUZAC.

2- Excès d’exécution sur excès de pouvoir.

Le Conseil d’État estime depuis son arrêt n°140588 du 12 juillet 1995 que les intéressés ne peuvent se prévaloir d’actes intervenus après leur admission à la retraite et modifiant rétroactivement leur situation, qu’en cas d’exécution d'une loi, d'un règlement ou d'une décision du juge de l'excès de pouvoir. Dans l’esprit, cette jurisprudence fait simplement obstacle aux promotions tardives de pure complaisance. Mais M. PIAU l’écarte en fait par une interprétation restrictive du droit à révision :

« Tel n'est pas le cas en ce qui vous concerne : dans son jugement n°1001210 précité, le tribunal administratif de Bordeaux a seulement enjoint à l'administration de se prononcer de nouveau sur votre inscription au tableau d'avancement au grade d'inspecteur départemental de 3ème classe au titre de l'année 2010. L'arrêté de promotion précité du 13 février 2014 excède donc la mesure d'exécution imposée par le tribunal. »

Or, ma nomination rétroactive au grade de fin de carrière résulte directement de l’exécution du jugement n°1001210 du 19 novembre 2013 qui annule le refus de promotion pour excès de pouvoir caractérisé notamment par une grossière erreur de droit.

Saisie d’un recours pour excès de pouvoir, la justice administrative n’a d’autre choix que de valider ou d’annuler la décision attaquée. En aucun cas, elle n’est autorisée à se substituer à l’Administration pour prendre une autre décision. Dès lors l’acte, en l’occurrence l’arrêté ministériel du 13 février 2014, qui corrige l’erreur de droit sanctionnée pour excès de pouvoir, excède forcément le jugement du tribunal.

L’interprétation restrictive de M. PIAU n’a donc aucun sens. Il dénature au moyen d’une argutie la disposition jurisprudentielle claire et constante qui devrait au contraire profiter à tout retraité ayant bénéficié de l’annulation d’une décision pour excès de pouvoir. Telle est bien ma situation.

3- Les caprices du calendrier.

M. PIAU fait une analyse obsolète d’un jugement prématuré :

« A cet égard, dans le jugement n°1002775 du même jour, cette même juridiction a rejeté la contestation de votre titre de pension, en conduisant le même type de raisonnement.

Au vu de ces deux jugements et de leurs attendus, je ne peux faire procéder à la révision de votre pension. »

M. Philippe FERTIER-POTTIER, alors Chef du département des retraites et de l’accueil, m’avait adressé le « titre de pension » du 25 mai 2010 (reçu le 31 mai), avec cette conclusion :

« Tout recours contentieux contre les bases de liquidation de la pension doit être formé dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle il a été accusé réception du présent certificat de pension. Ce recours doit être présenté devant le tribunal administratif dont dépend le comptable chargé du paiement de la pension… »

Afin de respecter le délai prescrit, j’ai donc déposé un recours pour excès de pouvoir le 22 juillet 2010, alors que par ailleurs l’article L55 du code des pensions civiles et militaires, prévoit que la pension peut être révisée à l'initiative de l'Administration ou sur demande de l'intéressé à tout moment en cas d'erreur matérielle ou dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension en cas d'erreur de droit.

Concernant cette requête n°1002775 en matière de retraite, le tribunal a choisi de fixer l’audience et la lecture du jugement aux mêmes dates que celles retenue pour mon recours n°1001210 contre le refus de promotion.

Dès lors sa décision de rejet du 19 novembre 2013 n’intègre pas les conséquences de l’annulation pour excès de pouvoir dudit refus entaché d’erreur de droit. À plus forte raison le tribunal ne pouvait alors se prononcer sur les effets de ma nomination au grade de fin de carrière par arrêté du 13 février 2014.

Prétendre à l’instar de M. PIAU que le tribunal a conduit le même type de raisonnement par rapport à une décision non encore effective relève d’un anachronisme fallacieux.

Il convient de lui rappeler enfin que la justice administrative formule non pas des attendus, réservés aux cours et tribunaux de l’ordre judiciaire, mais des considérants.

Son point de vue manque en effet de la considération que je sollicite en vain depuis treize ans.

CONCLUSION

Cette affaire pose bien une question de principe, alors même que l’enjeu financier reste très modeste, à savoir cinquante euros en montant brut par mois depuis janvier 2010. Il conviendrait de rapprocher cette somme des retraites que toucheront les anciens ministres CAHUZAC et THÉVENIUD, sans crainte de voir leurs droits contestés.

La justice administrative a annulé toutes les sanctions officielles ou déguisées qui m’avaient été arbitrairement infligées. L’entêtement criminel de l’Administration a déjà conduit à douze condamnations de l’État qui perd ainsi tout crédit.

M. PIAU persiste néanmoins dans cette voie sans issue honorable.

Il refuse de réparer les erreurs de l’Administration au mépris de la chose jugée. Sur le fond, il bafoue le droit et l’équité. En outre, dans la forme, le cheminement de cette décision trahit une honteuse provocation.

Détournement de pouvoir, abus de fonctions, harcèlement moral, acharnement morbide sont les mots qui me viennent spontanément à l’esprit. Un autre délit pourrait peut-être qualifier cette attitude, celui de « forfaiture », issu de l’ancien code pénal.

La phobie administrative qui frappe certaines élites politiques risque bel et bien de contaminer jusqu’au petit peuple. Pour reprendre l’image récemment exposée à titre d’avertissement par M. Charles de COURSON, député de la Marne qui présida la commission CAHUZAC en 2013, « l’herbe dans la savane est tellement sèche qu’il suffit de la moindre étincelle pour tout embraser ».

Et pendant ce temps, l’esprit vengeur de l’Administration fiscale semble frapper d’autres victimes bien ciblées pour leur rôle dans la révélation du scandale CAHUZAC, tandis que les multiples responsables et coupables d’errements et de dysfonctionnements variés poursuivent leur ascension sans être inquiétés.

Je demande donc solennellement à M. Bruno PARENT et à M. Christian ECKERT, Secrétaire d’État au Budget, de revenir immédiatement sur la décision de M. PIAU et de désavouer cet intolérable abus de pouvoir.

Rémy GARNIER

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