L’ONG Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture publiait ce mardi un rapport dressant un état des lieux du phénomène tortionnaire dans le monde. Il révèle, en autre, que la Grèce a été épinglée à plusieurs reprise par la Cours Européenne des Droits de l’Homme
Avec 11 condamnations en 2012 par la CEDH pour violation de la Convention européenne sur l’interdiction des traitements inhumains et dégradants et de la torture. C’est clairement l’usage excessif de la force par les policiers et le traitement infligé aux personnes privées de liberté qui sont montrés du doigt par ce rapport. Les poncifs habituels diront que la Grèce est le berceau de la démocratie. Pourtant, même certaines démocraties ne sont pas épargnées par des actes de torture. En effet, un pays sur deux la pratique encore dans le monde et il ne s’agit pas systématiquement d’Etats totalitaires. Malheureusement, la Grèce n’en est pas à son coup d’essai en matière de discrimination et de torture d’immigrés.
Les Roms dans le collimateur des autorités grecques
Dans un communiqué de presse de mai 2013 Amnesty International sommait la Grèce de « cesser immédiatement de scolariser les enfants Roms séparément des autres enfants. » Et déplorait que « malgré trois arrêts distincts de la Cour européenne des droits de l'homme, la Grèce n'ait toujours pas mis un terme à la discrimination contre les élèves Roms et à la violation flagrante de leur droit à l’instruction. » Les Roms sont loin d’être majoritaires dans le pays puisqu’ils représentent seulement 3,5 % de la population grecque. Selon l’étude de l’ACAT, ils représentent « 20% des victimes de décès par balles tirées par les policiers. »
Pour expliquer ce phénomène, le rapport contextualise son propos par la crise politique, économique et sociale que traverse la Grèce depuis 2008. La politique de rigueur menée par la coalition au pouvoir des conservateurs de la Nouvelle démocratie et les socialistes du PASOK a une répercussion négative sur la situation des Droits de l’Homme. L’ACAT cite notamment : « la fermeture de la radiotélévision publique ERT en juin 2013, la montée constante des crimes de haine à caractère raciste, commis en particulier par des militants du parti néo-nazi Aube dorée et le durcissement de la répression policière contre les manifestations et les grèves. »
Augmentation des violences policières
Athènes a été vivement critiquée pour la traitement de ses immigrés dans le cadre de l’opération baptisée « Xenios Zeus » (Zeus Hospitalier) et menée par le gouvernent d’Antonis Samaras en Août 2013. De nombreux médias internationaux avait à l’époque réagit sur « ce curieux sens de l’hospitalité grecque. » L’opération d’arrestations massives et de détentions d’étrangers sur critères uniquement ethniques a aboutit à 85 000 arrêtés durant les 7 premiers mois pour finalement trouver que 6 % de sans-papiers. Les conditions de détentions sont directement mises en cause par l’ACAT qui déplore « des conditions épouvantables constitutives de traitements inhumains et dégradants. »
Dans sa partie consacrée au cas grec, le rapport « Un monde tortionnaire » consacre tout un paragraphe aux violences policières. Ainsi, les policiers de la police antiémeute (MAT), souvent masqués tout de kaki vêtu, mi Tortue Ninja mi Robocop, seraient réputés pour « exercer des mauvais traitement aux cours des manifestations. » De très nombreuses plaintes à l’encontre de la police pour abus et cas de tortures ont été rassemblées par Amnesty International. Un évènement révélateur a notamment attiré l’attention des médias étrangers, à défaut des locaux. Des cas de torture contre des militants anarchistes sont également à déplorer.
Récit d’un avocat
Le soir du 30 septembre 2012, une manifestation antifasciste a eu lieu à moto dans le quartier Aghios Panteleimon, non loin du centre d’Athènes. Quelques jours plus tôt, plusieurs dizaines d’hommes avaient attaqué un centre de la communauté tanzanienne. Mais deux ou trois citoyens grecs, vraisemblablement des membres ou sympathisants d’Aube dorée, ont pris à partie les motards. La police est intervenue immédiatement puis a arrêté un premier groupe de quinze manifestants dont deux femmes qui ont été emmenés puis torturés à la Direction Générale de Police d’Attique (GADA). Selon Panos* un avocat d’un des manifestants, interrogé mardi, les manifestants ont subi un « traitement spécial de la police ». Les manifestants, identifiés par un témoin, sont restés dans un couloir du bâtiment, sans la possibilité de boire, ni manger, ni d’aller aux toilettes et sans recevoir la visite d’un avocat pendant 19 heures. C’est pour eux le début du cauchemard. « Les policiers leur ont dit qu’un citoyen était en train de mourir par leur faute, ils ont utilisé une torture psychologique » explique l’avocat. Dans le couloir, les manifestants arrêtés ont été frappés et injuriés. L’un a même reçu un tir de Taser en voulant s’échapper. Les policiers ont aussi utilisé des torches et des lasers en ciblant les yeux des manifestants pour les empêcher de dormir. « L’officier supérieur qui était présent n’a rien fait pour empêcher ça » raconte l’avocat.
Le Guardian a révélé l’affaire le 9 octobre 2012. Nikos Dendias, ministre de la protection des citoyens et Christos Manouras, porte parole de la police, ont nié les faits. Quant au témoin, raconte l’avocat, il s’est révélé être un membre d’Aube dorée et a depuis été condamné à 3 ans de prison pour avoir attaqué des boutiques d’immigrés. Un avocat de quatre manifestants, cité par le Guardian, expliquait à l’époque : « Ce n’est pas juste un cas de violence policière qu’on entend parler de temps en temps dans tous les pays d’Europe. Cela ce passe tous les jours. Nous avons les images, nous avons les preuves de ce qui se passe aux gens qui se font arrêter, luttant contre la montée du parti néo-nazi en Grèce. C’est le nouveau visage de la police, avec la collaboration du système judiciaire ».
Klervi Drouglazet et Rémy P. (www.lepetitjournal.com/athenes) Vendredi 24 janvier 2014
*le nom a été modifié
Signez, ici, la Pétition de l’ACAT contre le mauvais traitement des immigrés en Grèce.
Lien de l'article: http://www.lepetitjournal.com/athenes/societe/175538-torture-discrimination-en-grece-la-democratie-a-l-epreuve-du-raciste