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Billet de blog 22 novembre 2025

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Jean-Luc Mélenchon se trompe sur Trump

Dans plusieurs interviews récentes, Jean-Luc Mélenchon a dit que « Trump a tourné la page de 40 ans de néolibéralisme ». Cette affirmation est d’autant plus surprenante et déconcertante que la LFI est, pour le reste du monde, un modèle d’opposition de gauche au néolibéralisme.

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Depuis quand « Trump a fermé 40 ans de néolibéralisme » [1] (min 56:40) ? Trump est plutôt venu à la rescousse de son ami ultra-libéral Javier Milei en Argentine avec une aide de 40 milliards de dollars… S’agit-il d’une erreur d’appréciation? Quoi qu’il en soit, la question de savoir si les politiques de Trump sont néolibérales ou pas n’est pas sans importance et mérite une clarification.

Le néolibéralisme ne se réduit pas à des politiques tarifaires. Si l’une des caractéristiques du néolibéralisme fut en effet l’accroissement du marché mondial par la création de nouveaux espaces de marché avec des baisses de tarifs, ce n’est pas tout. Le néolibéralisme se caractérise surtout par une remise en cause du capitalisme d’état inspiré par Keynes et appliqué dans une certaine aux États-Unis dès les années 1930 avec le « New Deal » de Roosevelt. Cette remise en cause, qui a commencé sous la présidence de Jimmy Carter [2], s’est faite (et continue à se faire) avec des politiques d’austérité. Elles comprennent des baisses d’impôts pour les plus riches, le bloquage des salaires, la relocalisation internationale de la production industrielle et des attaques aux acquis syndicaux et sociaux en général, y compris la santé et l’éducation, comme on le vit aussi en France. Le résultat du néolibéralisme est certes une augmentation du commerce international, mais surtout celle des inégalités économiques et sociales, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale (cause des migrations du sud vers le nord).

S’il y a un président américain qui a timidement remis en cause le modèle néolibéral, c’est le prédécesseur de Trump, Joe Biden, qui, avec son « Build Back Better » (Reconstruire meilleur - réduit à une peau de chagrin à cause de l’opposition républicaine), avait pour but une politique de relance à travers des investissements dans la construction et les énergies renouvelables. C’est d’ailleurs ce qui explique que la gauche du Parti démocrate (AOC) et Bernie Sanders aient soutenu Biden jusqu’au bout. Quant à Trump, il vient de faire passer son « Big Beautiful Bill » (Grande belle loi), qui représente une réduction sans précédent d’impôts pour les plus riches, une réduction massive des aides aux plus pauvres et une augmentation de 20% du budget militaire (pour atteindre mille milliards de dollars). En effet, à l’ère du réchauffement climatique, le capitalisme américain, qu’il soit de teinte républicaine ou démocrate, n’est pas prêt à renoncer à son complexe militaro-industriel.

Le succès de Trump est d’avoir su récupérer, avec un discours nationaliste et raciste, la frustration croissante de la population contre l’establishment néolibéral. Mais, s’il existe des différences entre néolibéraux (démocrates aux États-Unis et libéraux ou sociaux-démocrates partout ailleurs) et néo-fascistes (Trump, Milei, Meloni, Modi, Poutine, etc.), ces différences ne remettent pas fondamentalement en cause le modèle néolibéral. Pour reprendre l’exemple de l’Argentine, si Milei a décidé de diminuer les échanges commerciaux avec la Chine et de les augmenter avec les États-Unis, rien n’a changé quant à la destruction à la tronçonneuse de ce qui reste de l’État social argentin. Quant à Trump, si sa politique tarifaire a pour but affiché de freiner le déclin du dollar, cette politique ressemble davantage à un spectacle démagogique et chaotique qu’à une stratégie impériale pour créer des emplois et améliorer les conditions de vie de la population [3]. La capitalisme actuel (que l’économiste Yanis Varoufakis appelle « techno-féodalisme » et progresse avec l’alliance des « tech bros » avec Trump) ne permet pas un retour en arrière avec de simples politiques tarifaires. 

Comprendre la dynamique du néolibéralisme international et sa tentation néo-fasciste est indispensable pour éviter que l’extrême droite continue à faire des ravages à travers le monde. Contrairement à l’Italie, la France peut encore ouvrir une nouvelle voie vers un autre modèle, celui de la gestion démocratique d’une économie véritablement éco-socialiste avec pour buts de réduire les inégalités sociales et les émissions de carbone. Mais, tout comme le néolibéralisme est le résultat d’une dynamique internationale « par le haut », son alternative sera le résultat d’une dynamique internationale « par le bas ». Il y a un an et demi, grâce à un élan populaire qui a dépassé les partis de gauche, la France a réussi à endiguer l’arrivée du RN au pouvoir. LFI étant devenue la principale formation de gauche en France, sa responsabilité est grande pour développer une stratégie (y compris tarifaire) et des alliances avec d’autres formations politiques et les mouvements sociaux, en France comme ailleurs, pour une véritable rupture avec le néolibéralisme. 

Notes
[1] https://www.youtube.com/watch?v=KfVaVXHnn1M&t=1565s (min 56:40).
[2] https://www.mediapart.fr/journal/international/090125/jimmy-carter-pere-de-l-impasse-politique-du-parti-democrate
[3] https://www.mediapart.fr/journal/international/161125/la-nouveaute-de-trump-c-est-sa-remise-en-cause-des-alliances-les-plus-strategiques-pour-les-etats-u

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