Renaud Le Berre (récent candidat de la NUPES aux législatives dans la 5e circonscription) et François Ralle Andreoli, élus à l’Assemblée des Français de l’étranger, expliquent pourquoi ils soutiennent la liste sénatoriale menée par l’écologiste Mathilde Ollivier et le socialiste Jean-Yves Leconte dans un contexte de division de la gauche qu’ils regrettent (Liste du Parti Socialiste menée par l’ancienne ministre du gouvernement Hollande Hélène Conway et liste LFI), alors qu’eux mêmes ont créé les conditions du rassemblement dans leur région, par le biais de la plateforme citoyenne Agissons Ensemble, qualifiée au 2e tour des législatives en 2017,2018, 2021.
La longue et continue dégradation des conditions d'élu.e des Français de l'Étranger
par Renaud Le Berre, président de la commission des Finances, du Budget et de la Fiscalité à l'Assemblée des Français de l'Étranger (AFE), membre du Conseil d’administration de la MGEN
Élu pour la première fois en mai 2014, comme conseiller des Français à l'étranger et siégeant à l'AFE, j'ai connu la détérioration de nos conditions de travail, le manque de moyens pour exercer notre mandat et le peu de reconnaissance dont nous disposons.
La réforme de 2013 a permis certainement de renforcer la figure d'élu de proximité mais de façon paradoxale au détriment des moyens pour l'exercer. Avait-elle pour objectif principal de réaliser des économies ? Seul, parmi les législateurs de gauche à l’époque, le sénateur Jean-Yves Leconte, avait combattu cette réforme et continuait à défendre les élus consulaires préoccupés dans la même période par la baisse de moyens et les suppressions de postes (fermeture de postes consulaires à Valence, Alicante et aux Canaries dans mon pays de résidence).
Élu confronté à la réforme de la représentation des Français de l’étranger en 2013, je me souviens que de 2014 à 2019, nous bénéficions d'une indemnité de nuitée de seulement 60 euros pour pouvoir siéger à Paris !
Je faisais déjà partie de la commission des Finances, du Budget et de la Fiscalité et à gauche nous étions très peu au début à réclamer une revalorisation de nos remboursements pour nous loger décemment à Paris. La critique de la réforme de 2013 était considérée comme un crime de lèse-majesté. Depuis 2014, le budget de l'AFE n'a cessé de se dégrader et le montant des indemnités des élus n'a pas bougé.
Le texte de la réforme était mal ficelé et rendait difficile les conditions d’exercice de notre mandat Durant les deux dernières mandatures, plusieurs conseillers ont d’ailleurs été dans l'obligation de renoncer à siéger à l'Assemblée des Français de l´Étranger car ils ne pouvaient pas faire face aux coûts engendrés par leur déplacement à Paris, une aberration contraire aux principes démocratiques. Beaucoup de conseillers des Français de l’étranger font le même constat sur leurs indemnités trop justes pour sillonner des circonscriptions parfois très vastes.
Mais l'argent n'est pas tout.
Je me souviens que mon prédécesseur, Jean Nesins, élu à Barcelone, militant à Français du Monde, qui me sert encore de modèle et me prescrit toujours de précieux conseils, disposait au consulat général d'un bureau avec un créneau horaire pour recevoir nos compatriotes.Les élus de l'époque étaient reconnus et le protocole les plaçait juste après le consul général ou l'ambassadeur. Actuellement, le rôle de l'élu est très encadré par le MEAE et nous sommes à la merci du bon vouloir des chefs de poste consulaires pour bien exercer notre mandat.
Nous sommes le plus souvent ignorés par les diplomates en poste et absents à toutes les réunions ayant un lien avec l'économie, la fiscalité, le commerce extérieur et l'implantation d'entreprises françaises dans notre circonscription.
L'élection de Mathilde Ollivier et la réélection de Jean-Yves Leconte seront pour moi les seuls garants avec nos deux autres sénateurs de gauche élus en 2021 de réformer en profondeur notre rôle d'élu en lui donnant les instruments législatifs et financiers pour mener à bien l'exercice de ces mandats. Je sais à quel point Jean-Yves Leconte a été un sénateur dévoué et courageux à la cause de tous les progressistes dans le monde. Il nous faut concentrer nos voix sur la liste majoritaire pour faire un maximum d’élus. Voilà pourquoi j’invite les grandes électrices et électeurs à voter pour la liste “Agir pour les Français·es du Monde”.
Un système des bourses AEFE en crise depuis la réforme de 2013
par François Ralle Andreoli, conseiller des Françaises et Français d’Espagne, administrateur pour l’AFE au CA de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger,
Malaga, 2015. Je ne me souviens plus du prénom de cette petite fille qui, lors de ma première réunion publique comme élu des Français•es d'Espagne, arborait un uniforme flambant neuf d'une école chrétienne privée sous contrat (dont les frais sont presque inexistants dans la péninsule). Sa maman, harpiste française dans l'orchestre municipal, bien à gauche et attachée à son pays, m'expliquait comme tant d'autres que son taux de bourse s'étant effondré, elle avait fait le choix de ne plus « sacrifier les vacances de sa fille pour le lycée français » qu'elle avait quitté définitivement.
Comme elle, des dizaines de familles ont quitté les établissements français d'Espagne suite à la réforme des bourses de 2013 mise en place par le gouvernement de l'époque, supposément de gauche. J'avais été pour ma part élu en 2014 grâce au soutien de 2 merveilleuses conseillères socialistes militantes Français du monde-ADFE, Soledad Margareto et Monique Morales, qui nous avaient rappelé qu'être de gauche, c'est ne jamais transiger sur les questions sociales et nous avaient fait promettre à ceux de ma liste que nous n'oublierions pas ces familles sacrifiées et cette réforme mise en place « pour faire des économies ».
Mon poste consulaire, qui contient l'un des principaux réseaux scolaires français de la planète, avait été choisi pour faire des simulations et nous avions observé en commission de bourses une série de phénomènes évidents : l'effondrement général des quotités, la baisse inquiétante du nombre de dossiers à 100%, les difficultés que rencontraient les dossiers monoparentaux, c'est à dire à 95% des foyers tenus par des femmes seules !
À l'inverse, on voyait curieusement se multiplier les dossiers à très faible quotité proches du Quotient Maximum qui en avaient moins besoin (effet indirect ? aubaine électoraliste tournée vers la classe moyenne plus aisée qui avait bénéficié de l’illusoire Prise En Charge sous Sarkozy ?). Les départs ont été nombreux et même quantifiés à l'époque par notre chargée des affaires sociales. D'ailleurs, 10 ans plus tard, il y a la moitié moins de dossiers présentés qu'en 2013 (moins de 600 contre 1200) dans notre consulat. Il a fallu attendre presque 10 ans, le travail de nos élues et élus et des associations comme FdM-ADFE en commission nationale des bourses, pour compenser les pertes vécues par les foyers monoparentaux que nous avons dénoncées à l'époque. Mais le mal était fait.
Le directeur de la scolarité de l'époque, Jean-Luc Massin, de passage chez nous, l'avait reconnu haut et fort. Cette réforme avait été conçue « pour faire des économies » et ne le satisfaisait pas. L'austérité était la règle unique, appliquée à tous les domaines de la vie de nos compatriotes hors de France (et en France) : suppression de postes d'agents consulaires, suppression de postes d'enseignants et premiers refus de détachement par les académies, sans soutien du ministère… Pour les bourses, l'apparition de la CPS (grosso modo une taxe sur les aides sociales de 2%, devenant dégressive au-dessus de 80% de taux de bourse) nous paraissait scandaleuse.
Mais nous étions loin d’avoir imaginé à la lecture du texte de la réforme de 2013 que cette même CPS permettrait 10 ans plus tard à un gouvernement macronien de servir de variable d'ajustement pour faire tenir systématiquement les besoins dans l'enveloppe. Ainsi en l’augmentant de 5 points, tout en clamant que les dossiers de bourses les plus faibles seraient moins touchés, la Macronie fait de l’austéritaire en se cachant derrière le réglementaire.
Mes aînées socialistes Monique et Soledad, nous avaient prévenus Renaud Le Berre et moi même. Elles quittaient le bateau en nous passant le flambeau, elles qui avaient aussi compris que la réforme du « statut de conseiller consulaire de 2013 » réduirait considérablement les moyens d'action, le rôle et l'impact sur le ministère et les diplomates des élus des Français de l'étranger. 10 ans plus tard, on doit malheureusement leur donner raison sur ce dossier là aussi.
On était bien seul comme élu de gauche lorsque l'on élevait la voix à l'époque. Notre camp, la gauche, subissait une crise contradictoire (un gouvernement austéritaire détournait nos compatriotes de nous), crise dont il n’est pas encore sorti. Il fallait compter sur le courageux soutien de 3 élus qui ont été depuis nos alliés et nos amis, aux courage desquels nous sommes redevables : le député écologiste Sergio Coronado d'Amérique latine, le socialiste en rupture de la 9e circonscription, Pouria Amirshai et Jean-Yves Leconte, socialiste fidèle mais valeureux et qui n'a pas changé de ligne depuis. La question de la responsabilité des uns et des autres est importante en politique. L’oublier, c’est mal comprendre pourquoi tant de compatriotes se sont détournés de nous depuis les années 2012-2017.
Aujourd’hui, les sujets d’inquiétude sont plus nombreux que jamais pour les Français·es de la planète, en particulier dans le domaine scolaire où l’augmentation des frais de scolarité crée des effets de seuil qui provoquent de nouveaux départs dans un contexte inflationniste, l’attractivité du réseau AEFE pour les enseignants titulaires et de droit local est en crise profonde, les bricolages gouvernementaux de notre service public d’enseignement suivent une stratégie du chaos que les vautours des opérateurs privés apprécient.
Ces fronts exigent des élus déterminés pour leur faire face. Voilà pourquoi aujourd’hui pour construire et renforcer cette alternative à l’austérité et le mépris subi depuis tant d’années par nos compatriotes et leurs élus, je soutiens la liste du plus vaste rassemblement à gauche, capable de faire élire deux élus et surtout d’arriver devant la droite, “Agir pour les Français•es du Monde” à laquelle participent Jean Yves Leconte, Mathilde Ollivier et Martine Vautrin-Jedidi, les 16 et 24 septembre.