Née en 1935, l'historienne Catherine Coquery-Vidrovitch est issue d'une famille juive, de Mykolaiv, en Ukraine actuelle. Rétrospectivement, son vécu d'enfant de la Seconde Guerre mondiale a certainement joué un rôle dans sa sensibilité envers le travail forcé subi par les Africains pendant la période coloniale. Son grand-père est mort en déportation à Auschwitz-Birkenau et son père pendant la drôle de guerre. https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/a-voix-nue/un-quotidien-clandestin-sous-l-occupation-7969304
Quand elle part rejoindre son mari Michel appelé en Algérie, pendant la guerre coloniale, à Oran elle retrouve une ambiance qui lui rappelle l'Occupation. Surnommée "Mama Africa" Catherine Coquery-Vidrovitch a une grande aura en Afrique francophone. À Yaoundé des étudiants camerounais ont fait le pied de grue pour la voir en raison de son travail mémoriel essentiel. Dans "Petite histoire de l'Afrique" (La Découverte, 2016) Catherine Coquery-Vidrovitch écrit: "Pourquoi l'histoire de l'Afrique est-elle-même si méconnue, marginalisée, oubliée. À l'origine de ce mépris se trouve la traite dite éloquemment négriere". Il y a un continuum historique dans l'exploitation avec l'esclavage pendant la traite négrière au travail forcé pendant la colonisation. En 1965, Catherine, qui passe sa thèse d'État cinq ans plus tard, exhume le Rapport Brazza de 1905, du nom de Savorgnan de Brazza, cet explorateur italien naturalisé français. Ce dernier dénonce avec force les mauvais traitements subis par les "indigènes" en Afrique équatoriale française, particulièrement au Congo et en Oubangui-Chari (future République centrafricaine). Il faut attendre 2014 pour que ce document exceptionnel sur les ravages de la colonisation française soit publié aux éditions Le Passager clandestin. https://www.lepassagerclandestin.fr/catalogue/transparents/le-rapport-brazza/
Quatre ans plus tard, le travail de Catherine autour de ce rapport a fait l'objet d'une BD Congo 1905 Le Rapport Brazza (Futuropolis) https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/culture-africaine/congo-1905-une-bd-choc-sur-le-colonialisme-sanglant-denonce-par-brazza_3054397.html
Congo Océan, des milliers de morts
L'ecrivain André Gide qui fréquente le bal nègre, ira au Congo en quête de sensations. Dans "Une saison au Congo " qui sort en 1927 chez Gallimard il découvre l'envers du décor et décrit la ligne "Congo-Océan" de 885 kilomètres qui se construit entre Pointe-Noire et Brazzaville comme "un effroyable consommateur de vies humaines." Sur ses traces, le journaliste Albert Londres ira un an plus tard enquêter sur les milliers de victimes congolaises, tchadiennes, camerounaises, d'Oubangui-Chari et même des coolies chinois, dues aux maltraitances de la société des Batignolles. https://www.radiofrance.fr/franceculture/albert-londres-lanceur-d-alerte-en-afrique-sur-les-crimes-de-la-colonisation-3886193
Félicien Challaye dans " Un livre noir sur le colonialisme" (1935) enfonce le clou. https://lesnuitsrouges.com/produit/les-nuits-rouges/disponibles/un-livre-noir/
À la suite de la présentation une discussion s'est ensuivie avec le public. Gilbert Lazaroo, maire de Biert, a notamment évoqué les premiers Vietnamiens "transférés" en Nouvelle-Calédonie à partir de 1891 pour travailler dans les mines de nickel. https://dvan.org/2019/11/autrefois-une-ile-de-residence-la-diaspora-vietnamienne-en-nouvelle-caledonie/
Une autre personne est revenue sur les nouvelles formes d'exploitation avec l"ubérisation" de la société. Le cinéaste Eyal Sivan a évoqué le Code noir de 1685 qui régissait l'esclavage dans lequel les Juifs étaient assimilés à des Noirs.
Le film "Congo-Océan un chemin de fer et de sang" (2023) de Catherine Bernstein, qui a été projeté à la suite de la rencontre avec Catherine Coquery-Vidrovitch, raconte cette épopée coloniale teintée de cauchemar. https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/70357
En 2014, le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) a poursuivi la société Spie Batignolles pour crimes contre l'humanité.