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Billet de blog 13 mars 2013

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les inédits de Nantes et d'ailleurs !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Préfarce.

Daniel BOT ne nous avait pourtant pas demandé de produire une préface à son nouvel ouvrage. Qu’à cela ne tienne, loin d’en être honoré, nous avons concédé à nous adonner à cet exercice. Nous avons pris le risque d’accepter et de peut-être courir à la perte de l’estime de nos plus fidèles lecteurs. Nous en sacrifions l’idée et c’est pourquoi nous resterons donc anonymes.

En effet, malgré toute l’amitié, l’affection qui caractérise notre relation avec Daniel BOT, nous ne pouvons pas laisser les lecteurs de ce recueil sans les avertir du danger qu’ils courent à poursuivre au-delà de la présente. Nous les invitons à sortir de la torpeur de leur innocence et à se faire rembourser intégralement sinon à revendre au plus vite et si possible plus cher ce détestable livret ou encore mieux, si cela vous sied, à en faire cadeau au plus indésirable de vos proches.

Venons-en au cœur de cette préface. Même si on ne s’obligera pas à en sourire et moins encore à en rire, le titre seul « Les inédits de Nantes et d’ailleurs » souligne à la fois l’esprit soit disant farceur de l’auteur tout en démontrant une fois de plus et de trop la véritable facette de cette farce tant son niveau affligeant reflète bien l’état lamentable dans lequel baigne ce cerveau probablement mal irrigué, à coup sur sans génie, nous dirons même arriéré, perdu dans les profondeurs des époques les plus reculées de l’humanité naissante, plus bestiale que grandie de dignité civilisatrice.

Cette préface à face et à double face ne supporterait néanmoins d’aller au-delà de la bassesse de la condition dans laquelle elle prend naissance sans remonter à la source de ses origines. Donc, l’auteur de ce livret nous avait confessé ne jamais avoir mis le bout d’un seul orteil à Nantes. Nous nous en doutions, Daniel BOT nous a habitués à ne fréquenter que lieux et gens douteux, aux mœurs incertaines et aux vertus qui n’en sont plus depuis mathusalem tant les débauches les plus sinistres ont ravagé leur pureté, le cœur de leur enfance jouvencelle ainsi volatilisée en mille éclats comme des lambeaux de chair humaine éparpillés aux cent diables après que l’innocent eut posé le pied sur une mine antipersonnel.

Car Eddy de Nantes est un personnage qui n’a rien d’un philosophe, d’un humaniste, d’un ange ailé et reconnait se ranger d’ailleurs lui-même du coté des infréquentables, n’a d’égal comme de référence que la plus abjecte des figures mafieuses reléguant les hordes barbares Vandales, Wisigoths, les Huns et les autres Goths au rang des sympathiques bandes de jeunes pratiquant les jeux hilarants du bizutage.

Quant à l’édit de Nantes, c’est à notre bon roi Henri IV que nous devons que l’an de grâce 1598 fut synonyme de salutaire pacification entre factions religieuses plus portées à rependre avec force tumultes et bonheurs le sang si impur de l’autre église que de fraterniser et méditer sur l’infamie de ces religions et papes de toutes espèces qui n’apportent au final à l’humain qu’asservissement de leurs biens matériels et immatériels, de leurs chairs, de leurs pensées, de leurs progénitures, se faisant glorification d’amorales et sempiternelles croisades, conquêtes guerrières des maitres de la Terre comme à leurs égaux ceux des Cieux.

Nous vous mettons en garde car Daniel BOT utilise jusqu’à l’outrance les mots qui sont les siens, ceux de la basse classe de son milieu d’origine dont il n’a su se départir, et qui sont autant de drôles et de drôlesses aux accents teintés de gouaille argoteuse dégoulinante, revêtus des oripeaux effrontés et malsains des faubourgs, gueux sans âme et presque sans âge, chevaliers sans foi ni loi de l’apocalypse arpentant sans peur mais pas sans reproches, le pavé purulent où rampe la vermine aux cotés de laquelle coure, galope en toute impunité et libertinage scrofule, blennorragie et syphilis.

Chez cet énergumène, aucune culpabilité, rien ne l’émeut plus que le malheur des autres, c’est là son machiavélique bonheur. Sa jouissance atteint là son degré de paroxysme le plus élevé. Voilà où tient l’élévation de son âme à ce mal élevé : au plus bas niveau, dans le caniveau de l’échelle de l’humanité s’il en reste un tant soit peu chez lui, dans la boue, la moisissure, l’eau croupie de ses desseins assassins.

Car au fond que sont ces « Inédits de Nantes et d’ailleurs » ? Non content d’être de nulle part, puisque Nantes reste une avouée illustre inconnue pour le triste olibrius qui a composé ce titre pompeux ; ils sont aussi d’ailleurs. Mais « ailleurs », c’est où si ce n’est également nulle part ? D’ailleurs, où cela mène-t-il d’aller nulle part ? Nulle part bien entendu ! Ita missa est !                                                   La Chapelle Saint-André, le 27 février 2O13.

Tous petits riens de rien d’ici et là par Daniel BOT.

Que reste-t-il des jours qui se suivent ? Peut-être un soupir à la fin de la journée de travail, à la fin du jour qui décline, à la fin de la vie. Peut-être le soulagement de ne plus être à disposition, de l’employeur, du banquier, du percepteur, de la société, de l’agressivité, la lassitude, le rythme des paroles, de leurs flots, leurs absences, des codes rangés si disciplinairement et qui donnent le sentiment que les jours qui se suivent se ressemblent atrocement. Janvier 1980

Il nait tous les jours plusieurs centaines de milliers d’extra-terrestres à la surface de notre planète. Ils ont une tête, deux yeux, un nez, sont potelés. Ils vieilliront avec nous, sans nous, loin de nous et pour la plupart ne resteront jamais que des extra-terrestres. 13 février 1980, Paris quartier République

Citoyen, camarade, réveille-toi ! Les sirènes de ton réveil et de l’usine hurlent, va t’en gagner ton pain, Tu fêteras ton vote une autre fois. Tu rêves encore que l’odeur du pain que tu vas gagner ne soit plus celle collée par ta sueur. Réveille-toi citoyen, mon camarade ! mai 1981

Avec mon air d’avoir débarqué d’ailleurs, d’avoir tout oublié en chemin et d’avancer au petit bonheur, je chantonne un joli refrain que j’aurai pu composer si j’avais été musicien en offrant ici et là un clin d’œil, un bouquet de cil à l’air que je respire et chante. Juin 1981

Faut-il s’inquiéter lorsque votre fer à repasser fait de la température et a des vapeurs ? 1983

Il vaut mieux mourir de sa belle mort que de sa belle-mère. Février 1984

L’automne venu, les arbres qui bordent nos routes se retrouvent dénudés. C’est qu’à force de traverser, ils sèment leurs feuilles à la pèle. 13 mars 1984

Vous sentez mauvais de la bouche ? Consultez vite un dentiste, vos dents se déchaussent ! 14 mars 1983

Votre colonne vertébrale fait des nœuds, craque et se coince… Une solution, une seule, avant chaque repas buvez un grand verre d’huile de table, de vidange, de coude, etc… Aout 1984

Après l’ère primaire, l’ère secondaire, tertiaire et quaternaire, vive l’air conditionné ! 12 octobre 1984

La vaisselle, c’est gras et ingrat et plus c’est gras plus c’est ingrat. 15 octobre 1984

Et si on squattait les casernes ? A la rue les militaires, sous les pavés, les barricades ! 17 octobre 1984

Ne passez plus à coté de l’autre sans le voir. Sachez dérider vos rencontres dans la bousculade du métro. Ne vous excusez plus la prochaine fois que vous écraserez malencontreusement les arpions de celui-ci ou celui-là. Sachez prendre avec lui les choses du bon coté, fraternisez et enchantez vous avec de votre rencontre. 25 octobre 1984

Le comble pour un drogué ? Que sa voiture ait l’arbre à came en tête. 13 mars 1985

Le fait de ne pas mâcher mes mots n’a rien à voir avec le fait d’être carnassier mais prend toute sa mesure quand ma bouche rit. Je ne fais pas ici dans la dentelle et même ma mère se rit. 13 mars 1985

Y-en a marre, alors que les opticiens sont aux p’tits soins, que les ferrailleurs aillent faire ailleurs et que les métallos se mettent à l’eau ! Non mais ! 24 novembre 1985

Quelle impression étrange, mystérieuse et mystique de croiser quelqu’un qui vous salue et que pour autant vous ne reconnaissez pas vraiment tout en ayant le sentiment de l’avoir peut-être rencontré hier soir dans une eau de vie… 1er février 1986

Plus les Dieux sont loin dans les cieux, plus les Dieux sont odieux. 20 mars 1986

Monsieur le Président, voici le remède aux excès de vitesse sur les routes ? Faites rentrer vos gendarmes et leurs fourbis, engagez et placez une péripatéticienne tous les dix mètres le long des routes de France et voyez comment le conducteur normalement constitué ralenti, et même parfois s’arrête sur le bas coté. Quant aux conductrices, faites pression pour qu’elles n’obtiennent plus le permis de conduire ou quelles ne le conservent que pour mieux servir l’Etat en se rendant au travail ; œuvrant ainsi pour le bien de la Nation et la préservation de la sécurité routière. Juin 1986

Solution au chômage : faites une formation, c’est un métier où il n’ya que des débouchés. 25 septembre 1986

Le saviez-vous ? Les chaussures bien noires des croque-morts s’appellent, dans le jargon professionnel, des pompes funèbres. 21 octobre 1987

Plogoff-Larzac.

               Chaque fois que je débarque sur cette petite planète bleue et verte, chaque fois c’est pareil : j’ai envie de la serrer très fort contre moi. Je la connais, elle me ressemble. Mère d’amour, mer, armor, terre fécondée par la vie.

Plogoff, air et feu, molécule de sang, flot de vie battant au rythme du cœur interne de la lande, recroquevillée dans la sève salée de tes marées, balayée de tes vents marins emportant dans leurs lits les graines de Celtie, les graines de genets piquants, coupants, fendant les brumes d’un trait jaune.

Plogoff et tes grands pêcheurs aux yeux clairs, glacés comme la mer et le ciel indissociables. Plogoff, pointe du Raz, pointe du Van et des ilots parsemés jusqu’à Sein, jusqu’à l-au-delà. Plogoff, baie des Trépassés, bae an Anaon, celle où chaque année les âmes des défunts noyés se réunissent et recherchent celles et ceux qu’ils aimaient.

Plogoff site nucléaire !

Plogoff, 24 et 25 mai 1980 de l’ère nucléaire, 100 000 âmes qui reviennent, 100 000 armes qui noient cette plage ondulée des Trépassés et ainsi en devenir d’être baie et plage des mazoutés, des irradiés…

Des gens de Plogoff, des paysans, des jeunes souvent chevelus, des vieux, tous riant, buvant, gueulant, pleurant, muets, chantant, dansant dans fête de nuit des solidarités, dansant jusque dans les départements les plus éparses de feu la Nation de France, jusqu’en Belgique, en Allemagne, au Royaume-Uni.

Le Larzac était là aussi, gavottant en Diable, laissant aller ses moutons trouvant en Plogoff un site propice à brouter « encore une herbe que les nucléaires n’auront pas ».

Gens de Plogoff, paysans d’ici et du Larzac, fraternisant avec ces milliers d’autres, sales, chevelus, multicolores, courant dans les vagues tout habillés ou complètement nus, s’écroulant sans aucune violence sous le poids de la bière, fumant en toute quiétude toutes sortes de choses bizarres et gaies, brandissant, des pétitions, des tracts, des affiches, des journaux (une dame âgé de 82 ans, en lutte depuis les débuts du siècle, y vendait « Le réfractaire »…).

Et puis ces drapeaux, noirs et blancs de Bretagne, totalement noirs aussi…

Deux jours de lutte et de fête, des gens dormant autour de feux de bois, dehors ou sous tente ou bien encore dans des véhicules parqués sur des kilomètres.

Deus jours de musiques d’Occitanie, de Bretagne, de France, de Rock, deux jours pendant lesquels des éoliennes et des panneaux solaires ont fonctionné pour fournir l’électricité nécessaire, deux jours de cris de mouettes, de femmes, d »’hommes, d’enfants, de mer et de vent, de communauté et Radio-Plogoff émettant dans le Finistère et parait-il même jusqu’à Paris !

Higelin, disant qu’il n’était pas là en tant qu’Higelin, en tant que vedette, a chanté « Paris-Plogoff, Plogoff-Paris ». Tache noire sur Plogoff suivie d’un immense Claude Besson.

Un seul combat la vie sans le risque nucléaire, sans ses flics, ses politiques, technocrates, industriels, sans ses déchets, ses retombées, sa mort… Ouvrir sa gueule, ça ouvre les yeux aussi et il ne faut manquer d’ouvrir ses yeux, ça aide aussi à ouvrir sa gueule ! Marée humaine solidaire et anarchique, grands sourires et fatigue salutaire d’une fête réussie et du sentiment d’avoir au moins manifesté de la résistance.

Daniel BOT, Rambouillet le 29 mai 1980.

Hamac.

Il existe quelque part dans mon jardin un endroit tranquille où le soleil joue à cache-cache avec des petits nuages et chatouille les branches paresseuses des arbustes qui tombent et se roulent dans l’herbe en riant de toutes leurs feuilles.

Ce coquin de soleil semble bien s’amuser à se faufiler ainsi entre tout ce petit monde frémissant, s pose avec délicatesse sur le sol, faisant de grosses taches claires de lumière qui vont, partent et reviennent avec le moutonnement du  vent léger.

Un jour, une grosse poule blanche à casquette rouge que je ne connaissais pas se posa d’une manière indélicate sur le rebord du hamac où reposaient mes yeux. Du même coup, elle tira mes yeux du sommeil et moi-même du rêve dans lequel je flottais au fond de l’océan entre deux jolies sirènes en robe d’écaille et d’algues. J’étais sur le point de choisir celle qui deviendrait devant Neptune ma femme-poisson, celle qui porterait les trois cent et quelques bébés poissons qui naitraient bientôt.

La poule, un peu penaude, s’excusa de cette intrusion et se présenta. Elle venait d’un pays lointain, le pays des poules et des canards qu’on appelle Basse-cour était fatiguée de ce long voyage et avait besoin de se reposer avant de poursuivre son voyage. En fait, elle m’expliqua qu’elle choisissait avec soin les gens dans les endroits où elle pensait se poser. Si celui-là avait une tête à la lui tordre le cou pour la faire mijoter au fon d’une marmite, elle donnait de grands coups d’aile et allait plus loin. Si cet autre avait l’air d’être une personne qui lui offrirait un abri et un peu de grain, alors elle s’arrêterait, ferait connaissance et répondrait à sa curiosité, lui raconterait une histoire de Basse-cour son pays.

Finissant de l’écouter et toujours pris dans mes préoccupations aquatiques, je vis bien que je l’avais déconcertée lorsque je lui avais avait raconté mon rêve et demandé s’il y avait des sirènes dans sa Basse-cour.

Elle m’expliqua qu’elle n’en connaissait pas mais qu’elle avait un ami à la Basse-cour, un minuscule oiseau sans queue qui sautillait toute la journée entre les pattes de tout le monde, un petit moineau si léger qu’une tulipe eut suffi à lui offrir un nid de ses pétales. C’était un ami différent des poules et des canards qu’on trouve habituellement dans la Basse-cour, mais un ami cher et qui était le bienvenu, et tout le monde avait envie qu’il se considère comme chez lui à la Basse-cour.

Avant de s’endormir près de moi, la poule suggéra que ce serait peut-être plus agréable que j’invite une amie ressemblant un peu au petit oiseau de la Basse-cour, une amie avec qui j’offrirai le nid enveloppant de mon hamac plutôt que d’écouter le chant d’une sirène qui  ne faisait que noyer ma solitude dans un rêve sans fond.

Daniel BOT, 1981.

Une belle journée d’escargot.

Un escargot roulé en boule

Sur le chemin déboule

Vers son ami le ver vert

Tout engourdi dans la salade d hiver.

L’escargot grimpe sur la salade

Et secoue le petit ver malade

Car en se roulant dans la pâture

Le petit ver a mangé trop de verdure.

L’escargot emporte son ami sur son dos

Et le réchauffe ainsi de son manteau.

Mais bien vite, l’escargot baillant de fatigue

S’enroule bientôt dans sa coquille.

A la vitesse de la course sombre du ciel

Tous deux glissent vers le sommeil.

Et le petit ver trouve qu’il est joli, très joli

Le gentil ami escargot qui va au lit.

Daniel BOT, Valence-en-Brie, le 26 février 1981.

Oiseau.

  • Et le temps qui est passé

Comme l’oiseau printanier,

Est rentré, a dit « bonjour »

Est ressorti par une porte

En laissant juste une note ;

Celle qui peut-être a dit amour.

  • Le temps s’est envolé,

Le ciel l’a emporté, loin allé

L’horizon l’a absorbé, c’est fini...

Mais non, il a trouvé un nid

Dans les replis blancs de l’hôtel

De la fine brise en dentelles.

Daniel BOT, Le Liège (Indre-et-Loire) le 11 avril 1981.

De bon cœur.

  • Il y a bien des maisons

Où le temps n’a rien à faire,

Où son cœur mécanique

Cesse de battre sa démesure,

Où il prend sa vraie dimension.

  • Alors, le rire se glisse sous la porte,

Entre sans frapper ni crier gare ;

Des verrous et des serrures il se rit.

Et le voilà avec ses clochettes qui tintent.

Là, il faut l’accueillir par un large sourire

Et puis… rire de bon cœur avec lui.

Daniel BOT, Montereau le 22 avril 1981.

Songe.

Un matin où le soleil commençait à se lever sur le vaste océan et que le sable mouillé collait à mes pas, mon regard fut attiré par un rocher luisant, éclaboussé par le fouettement régulier de lourdes vagues brunes. Les algues accrochées à ce rocher balayaient mes yeux de leurs tresses mouvantes, animées de mer.

Mon regard fut cependant attiré et intrigué par une neige d’écume naissante au pied des vagues mourantes. Car cette écume là n’avait rien de semblable avec cette multitude de petites bulles crépitantes qui inondent ordinairement les coquillages posés sur ce sable couleur soleil. En effet, cette forme d’écume là n’en finissait plus de moutonner, ne parvenant pas à se libérer des grains roux du sable.

Qu’est-ce que cela pouvait bien être ? Comme je m’approchais un peu plus de cette étrange et légère mousse laiteuse, Dame Lune, qui s’évaporait avec douceur devant la naissance du jour et qui avait bien repéré mon embarras, me tint à peu près ces mots : « Allons mon cher, n’ai pas peur, ramasses-le, sèches-le un peu aux premiers rayons du soleil et poses-le délicatement sur une main en soufflant dessus. Aller, ne me dis pas qu’un petit nuage tombé sur l’eau t’effraie à ce point, souffles fort et laisses-le s’envoler ! ».

Fatiguée de sa nuit de veille et d’être obligée d’intervenir auprès d’un terrien dans mon genre, elle bailla et s’en fut loin dormir tout le reste du jour.

          Daniel BOT, Saint-Michel-Chef-Chef (Loire-Atlantique), le 16 avril 1981.

Où êtes-vous nez ?

Où je suis né, allez savoir ? Peut-être est-ce devant un miroir…

En voici l’histoire.

Presque tout le monde sait que l’une des grandes passions et occupations de ma vie, c’est de tourner le nez des gens que j’aime bien entre deux doigts et de le vriller en tire-bouchon.

Cela n’a rien de cochon, n’est pas saoulant pour deux ronds et, en général, le nez ainsi gentiment tordu reprend très vite sa forme naturelle.

En général… Un jour que je me mirais béatement devant une glace de ma salle de bain, je me pris à me sourire, à me lancer de gros clins d’œil, en un mot à me plaire. Et hop, je me sers de deux doigts pour former une pince et me tourne mon nez en rigolant franchement.

Je me marrais de moins en moins quelques instants plus tard lorsque je retirais les doigts de mon nez…

Alors là, j’interromps un instant ce fort instructif récit afin que certains petits plaisantins n’en profitent pour conclure hâtivement et de façon déplacée que je me farfouillais les trous de nez ! Ai-je dit cela ?

Soyons sérieux et reprenons. Donc, à ma stupéfaction, une image atroce apparait dans mon miroir : mon nez, mon si joli nez, mon nez en colimaçon !

Aussitôt, je reforme une pince avec mes doigts et tourne dans l’autre sens. Le nez refuse de revenir en place !

Pire encore, il bouge, un liquide visqueux en sort, au secours, il se déplace ! Et le voilà qui glisse lentement, remonte doucement sur mon visage, passe entre mes yeux, laissant derrière lui une large trainée baveuse. Le voilà sur mon front, le voilà qui broute mes cheveux !!

Il y a de quoi s’arracher les cheveux… Mon nez, mon si joli nez, quasi merveille du monde, le voilà, je ne sais comment, transformé en mollusque, en escargot mangeur de cheveux.

Que faire ? Soudain, je saisis ce nez-scargot  et le pose sur le lavabo. C’est pas possible, je rêve ?

Ce n’est pas fini, voilà qu’il se cabre, il veut revenir sur moi, me grimper dessus. Atroce, vite une idée ! Je coure chercher de la salade dans le frigo, je lui donne une feuille, il la renifle, s’ébroue et repars dans ma direction. Le l’évite de justesse. Que faire ? Sortir, chercher de l’aide ? Oui mais en me cachant le visage. Oui mais avec quoi ? Avec un cache-nez ? Et il continue de me poursuivre et j’ai envie de le traiter d’espèce de… de petit morveux, tiens !

Oui, c’est un morveux, vite un mouchoir !

Là aussi, permettez que je stoppe le cours de ce récit palpitant car je flaire bien que certains aimeraient me faire un pied de nez et je voudrais leur dire que cela se remarque comme le nez au milieu de la figure. Avec moi, vous vous cassez le nez car les trucs du genre : « Comme ça ce sera plus pratique, il pourra faire un nez à son mouchoir » ou encore « il n’a pas son nez dans sa poche » et puis aussi, quand il est passé entre mes yeux, j’entends l’allusion : « Il a placé la nasale en orbite ».Je crois que j’ai eu le nez creux d’arrêter cela avant que ça ne dégénère, j’ai eu le nez fin et j’ai fais mouche.

Reprenons et terminons-en. Comme j’étais fatigué, je me suis endormi. J’ai piqué du nez.

Et au réveil, devant la situation inchangée, j’ai décidé d’adopter le fait que mon nez traine dans mes affaires. Depuis, il me tient compagnie et de plus, il est très propre et ne salit plus ses mouchoirs et nous coulons des jours heureux.

Daniel BOT, Valence-en-Brie, juin 1981

Crache ton levain.

Tout commença lorsque l’homme en blanc me pétrit le corps. Il me passa de ses doigts enfarinés dans une machine infernale qui me donna le tournis avant de soumettre à une douleur cuisante.

Bien que crevassée, roussie et même brulée par endroits, alors que ma peau refroidissait doucement, une vieille dame entra dans la boulangerie et demanda un pain.

Quelques secondes plus tard, une petite fille jolie comme un papier cadeau tout neuf entra à son tour et ce fut le mien. « Une baguette pas trop cuite s’il vous plait madame. Euh non, maman m’a dit de prendre une demie baguette seulement ». J’étais encore tiède mais un frisson me parcourut. La boulangère me saisit et me passa sous son couperet, m’ajusta et tchac !

Triste demi sort que le mien, je fus emporté de moitié par cette vilaine jolie petite fille afin d’alimenter son petit déjeuner. Après tout, pourquoi pas !

Hélas, loin du comble de mes souffrances, en arrivant chez sa maman, la petite fille avait tellement mangé de bonbons qu’elle déclara finalement ne pas vouloir son bol de chocolat au lait et mes tartines beurrées.

Très justement, la maman colla une bonne paire de claques à cette horrible jolie petite fille et, la mère très énervée, versa le chocolat dans l’évier et me jeta  à la poubelle.

Un peu plus tard, j’aboutis à la rue, sur le trottoir, avec d’autres détritus mal odorants. Des bestioles me lorgnaient, m’abordaient comme si j’étais un vieux crouton.

Pendant ce temps, mon autre moitié était restée invendue… Et moi qui ne connaissais un traitre mot d’anglais, on me transforma en pudding. Quelle horreur ! Je sentis que le chocolat dont j’avais été absorbé me fit mal au cœur et je vomis tout le rhum dont on m’avait imbibé.

Comme un malpropre, on me jeta à la rue comme où, en compagnie de mon autre moitié, nous crachâmes tout notre levain.

Daniel BOT, 25 janvier 1982.

Paulette.

Paulette était une poulette

Une véritable pipelette

Qui faisait des claquettes

Les patelettes de Paulette

Oubliaient qu’elle était poulette

Et ses œufs, aux oubliettes

Paulette la coquette,

Paulette claquette

Paulette cliquette

Paulette a fait une omelette !

                              Daniel BOT, 2 mars 1985

Tête à queue (de poisson).

Sacha, un chat de Cholet

S’acharnait sur son lait chaud.

Hélas, chialant il le salait

Et lassé, il léchait le sot.

D’un pas non pas lent

Le chat nonchalant

Rêvait au chalut

Qui verrait son salut.

Sacha avait un plan

Vraiment pas laid.

Avec un palan pas lent

Il se hisserait en ce palais.

Mais le chat était si gras

Que le chalut chavira

Et le pauvre chat vira,

Dans l’océan se noya.

Moralité s’il y en une : quand y-a plus d’merlu, on s’envoie du merlan.

Daniel BOT, Montereau, le  4 juillet 1985

Sage passage.

C’est fini, j’trainerai plus mes savates

Dans des lieux vaseux et saumâtres.

Dorénavant, j’trainerai mes péniches

Comme un escargot porte sa niche

Sur les canaux, sur toutes les fréquences ;

Grandes et petites ondes pas de préférence.

J’aurai même pas peur quand l’écluse est close

Car elle ouvre le passage vers de vraies choses.

Daniel BOT, 13 janvier 1986

Les muses du musée.

Trois jours que j’glandais dans la capitale,

Que j’cherchais à m’remonter l’moral

En trainant mes baskets aux quatre coins

De cette ville de boulevards et de tintouin.

Y-a pas à dire, j’crois qu’j’ai loupé l’coche.

J’ai pas lésiné sur les expos, l’musée, l’cinoche

Mais j’me suis planté sur toute la ligne

En pensant m’éclater dans cette ville maligne.

J’ai même essayé d’m’accrocher aux trousses

D’une passante, d’une blonde, d’une rousse

Une qui agrippe le regard, le boit et s’débine

En laissant l’œil éteint au fond d’une bibine.

Un jour pourtant, en l’an deux mille et des bretelles,

Elles seront toutes folles de moi, émoi d’elles,

Lorsqu’au musée de l’Homme et de ses pareils,

Je paraitrai vêtu dans mon plus simple appareil.

Daniel BOT, Valence-en-Brie, février 1986.

Sans vouloir offenser personne.

J’ai bien l’honneur de ne rien avoir à déclarer

Sauf qu’hier, j’étais juste un peu beurré,

J’étais rond comme une queue d’pelle, scié,

Et sauf vot’ respect, j’étais vraiment givré, cassé.

Aujourd’hui, j’suis encore un peu pété, un peu noir,

Aussi j’voudrais confesser devant tout l’auditoire

Que c’matin au curé j’ai raconté c’t’histoire

Et qu’en sortant j’ai pris l’bénitier pour un urinoir.

Faut dire que j’me tape une sacrée gueule de bois

Mais je jure devant Saint-Frusquin et la Sainte Croix

Que j’sens qu’ mes vraies racines sont africaines

Et qu’à partir de maintenant, j’veux qu’on m’appelle Ebène.

Daniel BOT, 4 mars 1986

Superficialités.

Il m’aura suffi de plus d’un tiers de siècle pour découvrir cette éblouissante vérité qui ne tient qu’au fil noueux et méandreux qui caractérise ma pensée et qui m’a conduit à sa racine par je ne sais quel cheminement cogitatoire autopropulsé.

Dévidons sans plus tarder ce ressort énergétique avec la prestance qui me caractérise, et avançons sans rougir ni fléchir des genoux, tentant de faire abstraction de tout sentiment qui habite et envahit malgré nous nos régions cutanées.

Ne laissons plus le doute troubler notre raison autant qu’il peut actuellement troubler ce propos douteux, qui n’a pas seulement commencé et qui n’a que trop trainé au fond de mes sinusses infectés en ce moment et qui , raison de plus, vous invite à vous accrocher quelques instants afin de vous abreuver au bouillon de culture dont j’ai honneur et privilège d’être  l’un des serviteurs les plus avantagés.

A nom de Dieu, que ce délecter d’un tel verbiage est autant inutile que flatteur pour l’égo pour celui qui l’écrit !

Donc, par une nuit d’été de cette année là où je ne parvenais plus à roupiller sur le matelas pneumatique de mes congés, je m’étais réveillé en sursaut avec une acide envie qui baigne les dents du fond.

Je suis sorti respirer, ai levé les yeux plus haut que mon nez et ai maté la voie lactée en me disant que de ce chemin nourricier, j’en avais déjà profité un bout sur cette planète, que les étoiles qui la jonche comme des cailloux jonchent le torrent du temps me regardaient peut-être déjà affalé au fond du trou.

Le temps de naitre et de ne plus être, et puis l’entre deux qui, comme la route qui va d’une étoile à sa voisine, offre juste le temps très long et pourtant terriblement court de vivre.

Daniel BOT, juillet 1986.

Présidentielles.

C’est au cours de l’assemblée générale qui s’est déroulée cette année à Saint-Eustache-les-Troubledious (dans la bien nommée Somme) que j’ai eu le plaisir de proposer aux militants du Mouvement des Personnes Fatiguées (le M.P.F, prononcez « mpf ») ma candidature à la candidature aux élections présidentielles de mai 1988.

Conformément à l’article 15 des statuts du mpf, le vote s’est bien fait à tête reposée et ma candidature a été acceptée puisque j’ai obtenu 100 °/° des voix sur les cinquante camarades présents ; les autres étant excusés car rattrapés par un manque à gagner de sommeil. Tous m’ont portés aux nues en exprimant des ronflements appuyés qui en disaient long sur leurs intentions. Le bain de foule qui a suivi m’a tant épuisé que je me suis endormi au milieu d’une myriade d’affriolantes militantes assoupies et vêtues de vêtements de nuit presqu’inconvenants.

Mais revenons à mon programme chers lecteurs et électeurs, vous qui me lisez et surtout si vous m’élisez à l’Elysée. Ce sera simple, franc et direct et se résumera par un slogan unique qui m’évitera de rabâcher un tas de lieux communs tous plus soporifiques les uns que les autres. Pourquoi se fatiguer si un seul mot d’ordre suffit à endormir vos espoirs autant que vos appréhensions ? Voici ce slogan : « Les jeunes au dodo, les vieux au boulot ! »

Je tiens seulement à prévenir les jeunes qu’ils ont cependant intérêt à se lever pour m’élire : avec moi, ils auront la retraite à 20 ans et ne se verront contraints et forcés de bosser qu’à partir de 88 ans. Pourquoi 88 ans ? Parce que c’est le chiffre symbolique correspondant à l’année 1988, année de mon premier septennat comme Président de la République.

Avec mon programme social, fini le chômage des jeunes. Avec mon programme, on ralentira les cadences avec des salariés de 88 ans et plus !

Avant que de laisser rapidement ma fonction par intérim au Président de l’Assemblée Nationale afin de pouvoir me reposer des suites de la campagne électorale, je veillerai (si je puis dire) à ce que le gouvernement composé de vieilles connaissances prenne des mesures afin d’éviter la délinquance sénile des 88 ans et plus qui tenteront d’échapper au travail.

Daniel BOT, Montereau le 20 septembre 1987.

Qu’on se le dise : c’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme.

Suite à la tempête Joachim, j’ai pu voir des photos magnifiques de l’échouage du cargo « TK Bremen » en décembre 2010 sur une plage près de la ria d’Etel entre Quiberon et Lorient.

Magnifique ! Ce qui l'est moins, c'est la connerie. Faut être au moins un peu con, inconscient ou les deux pour prendre la mer par un temps pareil.

Mais qui est le plus imprudent : le capitaine du bateau ou les autorités françaises sous les traits du législateur ? Pour moi, ce sont les deux mon capitaine.

Mettre en danger potentiel un équipage, un bateau relève de l'incompétence notoire. Qu'il redescende dans la soute à charbon (à pétrole) et laisse sa place et ses galons.

Quant au législateur, c'est-à-dire nos élus endormis sur leurs lauriers dans leurs chambres respectives et qui légifèrent parfois pour bien moins que cela, bien que ce type de catastrophe écologique se renouvèle périodiquement depuis des décennies (1967 : le Torrey canyon, 1978 : l’Amoco Cadiz, 1999 : l’Erika) ont à ce sujet "oublié" de se réveiller.

Et ce n'est pas un conte de fées mais de faits néant, de fainéants et le bon prince qui les réveillera n'est hélas peut-être pas encore né. Faut dire qu'il faut mettre du cœur à l'ouvrage ou/et, même s'il s'agit d'un sujet purement maritime, être un tantinet à voile et à vapeur pour embrasser sur la bouche ces vieux croutons là !

A moins encore que tout cela ne soit qu'une nouvelle affaire de liquide ; je veux dire de pognon, car l'on sait fort bien que ni vents ni marées n'arrêtent cette machine infernale qui pollue nos jours comme nos nuits et c'est peut-être pas seulement l'inconscience, la connerie, le hasard Total qui ont conduit ce bateau à s'échouer sur la plage et les précédents à sombrer en rejetant leur cargaison de mazout.

Si c'est le cas, y-en aura peut-être encore d'autres avant qu'on réfléchisse mollement à de peut-être éventuelles légères modifications des règlements en vigueur...

Y-a bientôt des élections, alors Bretons et les autres, il y a peut-être moyen qu'une vague de colère puisse faire bouger ceux qui nous mènent parfois un peu trop en bateau !

                                                                                                                                         Daniel BOT, Fontainebleau le 28 décembre 2010.

Honnis soient ceux qui enfoncent des portes ouvertes, qui ne font que brasser, pomper l’air au lieu d’en apporter. A ceux qui tentent de jouer les passe muraille, qui participent à ouvrir patiemment des portes et fenêtres là où elles n’existaient pas, à ceux là je me joins.                                                                 Daniel BOT, Fontainebleau septembre 2012

L’autostop

Les congés, c’est comme des notes de musiques,  il y en a de toutes sortes, rangées en bon ordre dans le code pas si facile à mirer du travail. Comme c’était pas facile de se dire qu’on était obligé de travailler, il fallait certainement inventer un code au travail, alors on l’a fait.

               Il peut pleuvoir des cordes, depuis que des gens ont fait des pieds et des mains pour éviter que mourir au boulot ne soit la seule règle convenable, même sans tambours ni trempettes, les congés fusent et, même sous la pluie,  leur mélodie ne lasse pas de ne pas en finir.

Qu’ils soient  payés, de maladie, de récupération d’heures supplémentaires, de jours fériés, même sans solde ou encore sabbatique, ils sonnent aux oreilles d’une égalable beauté, d’un lyrisme qui transporte.

Régalade des sens, j’en passe et des meilleurs, j’y pense et j’en oublie tellement il  yen a, j’en passe et j’en ressasse tellement ça fait du bien par ou qu’ ça s’passe et qu’ça repasse.

Alors quand la pluie des congés et du ciel tombent à l’unisson, il me prend l’irrépressible envie de m’évanouir dans le paysage, de quitter tant de lieux communs, tants d’encombrements qui font des bouchons kilométriques et qui tordent les boyaux sans avoir pour autant la flagrance et l’effet euphorique escompté de l’eau de vie.

Dans les villages, quels sont ces visages accrochés aux nuages ? Ce ne sont que lugubres gargouilles qui dégoulinent jusqu’au pavés trempés.

Au bord de la route, dans la buée du pare brise, deux doigts levés j’aperçois tout là–bas. Jusqu‘au bout j’y crois et puis à deux pas, ce sont les cornes d’un escargot que voilà. Nouvelle déception…

A force de rouler, rouler encore et toujours, le joli mois de mai s’est évanoui dans la pluie, s’est dilué comme une goutte d’eau dans l’aquatique été. Rien à l’horizon que l’humidité automnale et ses tendres promesses d’abondantes averses.

Et c’est bientôt Noel, le décor de la route s’enrichit encore: voilà qu’en plus maintenant il pousse au coin des rues des villages et villes, sur les ronds points, des sapins, des paquets cadeaux en veux-tu en voilà, des guirlandes lumineuses.

Il y a même le père Noel ! Enfin presque, il est tellement démultiplié que s’enfilant quelques verres de plus derrière la cravate ne rime plus à rien puisqu’il n’est pas seulement double mais partout…

On se croirait au pays des nains de jardin, manque plus que Blanche Neige et, tandis que je demeure tapi au volant, la route devient tapis volant. Après la pluie, le mauvais temps et la voilà qui tombe la blanche neige. Elle tombe pas dans mes bras, elle tombe en flocons, j’ai les guiboles en coton.

Congés congelés, les essuie glace sont gelés, figés sur le pare bise amoureux du vent qui vient embrasser et caresser doucement sa chevelure filament. Et je file, amant désormais bourré d’incertitude, désespéré de ne trouver sur ces routes enneigées le pouce tendu tant attendu.

Je file sous les pluies de mon ciel et de ses tourments, prenant congé d’une année embrumée pour prendre la route d’un an plus jeune,  pluvieux.et sans panne des sens.

Daniel BOT, La Chapelle Saint-André, mai 2012 à janvier 2013.

Pestface

Comme si une préfarce ne suffisait pas, voici donc un épilogue à ce quatrième chapitre de la publication encore partielle de mes œuvres. Pour mémoire, dans cette série, il ya eu trois précédents avec « Voyages » puis « La justice ne balance pas du coté des points d’interrogation » et « Demain est une aventure que nous vivrons peut-être si nous survivons jusque là » ; dont quelques exemplaires sont encore tous disponibles pour celles et ceux à qui ils manqueraient.

Point d’orgue de cette pléthorique production littéraire qui n’en est peut-être pas à son dernier mot, il y aura désormais, incontournables, « Les inédits de Nantes et d’ailleurs ».

J’ai d’ailleurs pris la décision de ne plus signer Daniel ou Daniel BOT comme j’ai pu le faire antérieurement, mais plus simplement encore par mes initiales : DB. Car je me sens maintenant tout en proximité des grands écrivains, poètes, philosophes de mon époque, si proche de BHL, JP, BV, RD, KM, RTT, JR, D2R2[1] à qui je m’en vais illico proposer de constituer une Pléiade[2] version moderne. Et puis, cela me plait beaucoup, fait propriétaire paraphant en bas de page chez le notaire.

Mais j’en vois déjà quelques uns qui décrochent… Bandes d’ignares que vous êtes, vous n’avez donc pas compris que c’est en vous abrutissant de façon quotidienne à coup d’acculturation que vous remplissez les stades plutôt que vos méninges ? Vous n’êtes que des illuminés, illuminés par le foot et les supermarchés avec leurs néons et leurs flonflons où, tas de viandes pas fraiches, vous achetez le pouvoir saladifère et patatifère à portée de vos bourses molles.

Et ce pouvoir d’achat au rabais, il vous mixe le cerveau tant liquéfié qu’il vous fait passer sans la voir, pire en l’ignorant, à coté de la pauvre betterave sanguinolente écrasée sur le carrelage froid de la grande distribution où vous n’aurez même pas de prix, même pas celui de la consolation. Vous vous êtes rabaissés et non content encore, vous vous inclinez encore un peu plus, vous n’êtes que des ramasseurs de miettes, vous êtes des cireurs de pompes de ceux que vous adulez et qui vous méprisent, vous ignorent.

Vous jouez au tiercé, au loto, petits joueurs que vous êtes et si votre foie baigne dans le pastaga, c’est là un monde que j’ai fuis qui, vu de l’endroit où je me suis élevé, m’amuse à le contempler avec distance et dégout depuis que je suis devenu un artiste. C’est maintenant au casino que je joue pour uniquement perdre et au champagne très cher et très mauvais que j’irrigue ma bile en bonne et hilare compagnie, avec mes nouveaux amis des beaux quartiers. Nous n’avons plus les mêmes valeurs, la même dignité, la même qualité, nous ne fréquentons plus le même milieu, j’arrête sinon je sens que je vais commencer à me fâcher.

Mais revenons un bref instant sur cette préfarce, ce torchon anonyme ou presque, qui a fait office de préliminaire aux « Inédits de Nantes et d’ailleurs ». J’en ai courageusement accepté la publication. On reconnait là l’érudition catastrophique, le niveau du footballeur amateur, à travers la basse œuvre, la terne prestation d’un sans renom, d’un sans talent qui s’imagine brillant et qui, sans mon téméraire consentement, serait resté à tout jamais non édité, aurait brulé dans l’enfer où les inédits s’y damnent. N’est pas Zinedine Zidane qui veut !

Les lamentables jeux de mots de cet anonyme y sont faciles et, cet anonyme, je le connais bien. L’auteur de la préfarce est un proche, un ami de plus de trente ans, à la fois un autre et pour ainsi dire aussi un double de moi-même. Nous avons le même âge, nous sommes « de la classe » mais n’avons pas la même classe. Le lecteur ne s’y est pas trompé et a fait fi des élucubrations sordides de son auteur en dépassant l’ignominie de ses propos pour me rejoindre dans la pureté artistique qui caractérise cette nouvelle œuvre. On n’est jamais mieux trahi que par les siens et JC (à qui je demanderai bien de faire parti de ma Pléiade) ne me contredira pas lorsqu’il y a maintenant un peu plus de deux mille ans a été dénoncé et a accepté le sacrifice pour, comme KM, sauver le genre humain.

En attendant qu’il réponde à mon invitation et de partager avec lui un repas bien arrosé au banquet que j’organiserai entre nous et avec les autres initiales de ma Pléiade (on évitera d’être treize, ça porte malheur), je préfère clore cette pestface avec l’idée de célébrer bientôt le sacrifice d’un agneau un bon verre de rouge à la main, fut-il en compagnie de mon égal, de « mon égaux », de mon préfarceux de pire ami.

DB, Fontainebleau, le 4 mars 2013.


[1] Bernard Henri Livide, Jacques Prévert, Boris Vian, Raymond Devos, Karl Marx,  RTT (Réduction du Temps de Travail), JR (« Dallas »), D2R2 (« La guerre des étoiles »)

[2] Espèce de nuls, La Pléiade a été un groupe de sept poètes français du XVIe siècle rassemblés autour de Pierre de Ronsard et Joachim Du Bellay.

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