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Billet de blog 23 mai 2014

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1914-2014, cent années d'enseignements  suffiront-ils à en finir avec « l'ensaignement » ?

Il n’y a aucune grandeur pour une humanité qui véhicule de la barbarie. La grande guerre n’a eu de grandeur que par sa durée et par son étendue quasi mondiale. Elle a d’abord été celle d’une famille désunie par le jeu des alliances et des mésalliances à la tête de monarchies et d’empires et de leur frénétique course au pouvoir colonisateur et à l’armement.

Les divers états-majors ont souvent été généreux avec la vie. Elle a coûté cher à toute une génération de gamins et d’hommes enrôlés pour défendre leurs patries respectives. Elle a aussi pris la vie de civils de tous âges et sexes qui pour beaucoup n’ont pas été épargnés par les bombes, les maladies, les privations, les exactions de tous ordres de l’ennemi.

Mais cette guerre là a été révélatrice de progrès fabuleux aussi bien en matière sociale, civile que militaire. Devenue rapidement moderne en étant une guerre industrielle, elle a été un accélérateur fantastique à beaucoup de niveaux. Ainsi le développement extraordinaire des industries métallurgiques, chimiques et de ses applications militaires éventuellement dissuasives bien que meurtrières, ainsi le travail, le soutien des femmes en particulier à l’arrière du front (marraines de guerre et aussi dans les champs et les usines) avec des prolongements vers des horizons émancipateurs, ainsi la médecine, la chirurgie de guerre ont permis des avancées scientifiques, sanitaires significatives au plan civil. Sans oublier que des fortunes colossales et des marques de renom ont émergé aussi grâce à cette guerre. N’en déplaise, la guerre a été source de progrès, d’ouverture sur un monde modernisé, a permis de reconstruire.

Le temps a fait son œuvre et si les survivants de cette hécatombe organisée ont maintenant totalement disparu après avoir vécu le calvaire des blessures ancrées dans leurs chairs comme dans leur conscience durant tout le reste de leur existence. Leur mémoire, comme celle de leurs camarades disparus aux combats, n’a pas été effacée.

Les monuments aux morts de nos villages et de nos villes égrènent des listes parfois interminables des noms de valeureux soldats tombés pour leurs drapeaux et probablement aussi d’autres qui n’en menaient pas large et qui ne participaient que contraints à cette boucherie. Au passage, on peut regretter que les civils, les mutins qui ont payé de leur vie n’y figurent pas aussi.

Ce séisme a aussi coûté la vie à nombre de pacifistes dont Jean Jaurès a probablement été l’un des plus illustres et fervent piliers. Il n’est pas le seul et on n’a probablement pas suffisamment fait l’éloge de ces poignées de politiques, intellectuels, artistes qui ont eu la bravoure de s’ériger peu ou prou contre la guerre à l’arrière comme ceux en ligne dans les tranchées. Mis face à face baïonnette au canon, ouvriers, mineurs, paysans sont devenus du jour au lendemain belligérants des uns et des autres. Ceci grâce à des frontières tracées sans eux, malgré eux, façonnant ainsi des territoires nationaux à la gloire tout autant que sujets de discordes et de conflits armés de leurs monarques.

On n’a probablement pas suffisamment fait l’éloge de ces rares communes qui ont fait le choix de monuments aux morts aux connotations pacifistes clairement affichées : Ainsi, on peut y lire « Que maudite soit la guerre », « Guerre à la guerre, fraternité entre tous les peuples », « Maudits soient les responsables de la guerre et honneur à ceux qui ont travaillé pour la paix », « L’union des travailleurs fera la paix dans le monde, « Si vis pacem para pacem » (« Si tu veux la paix, prépare la paix ») ou encore « La guerre est le massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui, eux, se connaissent mais ne se massacrent pas », etc…

En tout cas, on n’érige jamais assez de monuments aux vivants, aux créateurs de bien être, de beauté, de fraternité, de solidarité. On est bien inventifs et on investit beaucoup de moyens humains et financiers pour faire la guerre, alors pourquoi ne pas miser, parier sur les capacités humaines à embellir leurs jours et nuits tant qu’il y en a ? Mais c’est peut-être plus compliqué que de guerroyer…

La fin de cette « grande guerre » a reconfiguré une partie des frontières nationales européennes, africaines. Insuffisamment puisqu’un peu plus tard, des manipulateurs aux chemises brunes, s’appuyant sur la misère, la peur et la haine, méduseront des foules en réactivant l’appétit revanchard expansionniste grâce auxquels de nouveau se feront des fortunes pour quelques opportunistes. Même si des têtes se sont heureusement levées pour résister, cette nouvelle guerre insuffisamment gavée des cadavres de la précédente rouvrira son tombeau à des millions d’autres de par le Monde.

L’Europe, l’union européenne, celle née communauté pas totalement par hasard à partir du charbon et de l’acier en 1951 (Traité de Paris) est sans nul doute un bouclier important contre de nouveaux risques de guerre sur le sol européen. Cependant, d’autres priorités, notamment économiques, ayant été par la suite privilégiées, l’Europe des gens, de la tolérance reste hélas aujourd’hui une utopie. Digressons juste un peu, avec légèreté qui nous sied si bien : Dans la mythologie grecque, Europe était une princesse phénicienne que le dieu Zeus, métamorphosé pour la circonstance en taureau blanc, séduisit, enleva et dont il abusa…

Comme les étoiles les plus éloignées de notre galaxie, en attendant une fraternité européenne, universelle enfin accessible à l’humanité, la mémoire des hommes demeure parfois bien faillible. Aussi, est-il précieux de ne pas manquer de s’y référer, qu’elle nous enseigne à conserver un regard quasi permanent sur les événements, à former préventivement les générations présentes et futures pour leur permettre d’y déceler les ingrédients, le terreau sur lesquels germe la guerre, donner possibilité d’alerter avant que ne sonne le tocsin.

Daniel BOT, René DEMONT,

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