Hier matin, Jacques Alain Miller était l'invité au micro de Guillaume Erner. A partir du moment où a été prononcé le mot "nul", pour qualifier François Hollande, une brisure s'est introduite dans l'échange. Ce fut comme si Jacques Alain Miller avait prononcé un gros mot! Personnellement j'ai été estomaqué. Comme je l'ai été quand Guillaume Erner, journaliste et aussi sociologue, n'a cessé de répéter cette question, que ce qui était attendu, c'est que le psychanalyste qu'était Jacques Alain Miller, éclaire par la psychanalyse le moment présent. Or, ayant butté sur le terme de nul, et par voie de série, de ricochets, sur quelques autres ensuite, l'animateur radio n'a pas capté que c'était exactement ce qu'était en train de faire le psychanalyste. La thèse sous jacente de JAM, étant qu'un homme politique ayant l''envergure nécessaire, est celui qui est un bon interprète de la situation, intervenant aussi au bon moment, et de la bonne façon. D'où le terme de nul pour qualifier François Hollande.
Or à partir du moment où l'animateur-sociologue-journaliste a considéré que le terme de "nul" relevait de l'insulte, plus rien ne lui est devenu audible, ne cessant de ramener le débat vers un discours qu'il voulait policé, affable. Après tout ce serait assez convergent avec le titre de ses productions. Une thèse de sociologie : "Analyse critique du modèle du bouc émissaire en sociologie de l'antisémitisme", Un livre : "Victimes de la mode?". Passant du "modèle" à la"mode", n'y a t il pas là la promesse de rester en surface bien plane ? C'est à voir.
En tous cas, c'est bien à partir des lignes de force de la psychanalyse que Jacques Alain Miller menait l'échange.
J'en ai relevé au moins trois :
1/Un bon politique est un bon interpréte
2/Le moment d'aujourd'hui nous montre que nous sommes passés du régime de l'impossible à celui de la contingence. Auparavant l'accesson au pouvoir de l'extrême droite semblait impossible, aujourd'hui tout peut arriver, c'est contingent et incalculable. Plus rien ne fait frein à l'extrême droite. ( Et ce sont des catégories d'Aristote qu'a fait travailler Lacan)
3/ Les valeurs, les idéaux, portent des promesses qui ne sont jamais tenues, non parce que ceux qui les proclament sont pourris, mais parce que ce qu'ils indiquent ce sont les directions qu'ils veulent prendre, et auxquelles ils veulent se tenir. Ils sont, tous pour I (I pour idéal, lettre dont Lacan a fait un mathème pour l'Idéal-du-moi). Un idéal n'est qu'une direction proclamée du désir, fut il agrémenté d'un programme assertif, énoncé avec véhémence et conviction.
Et c'est ce dernier point qui concerne les abstentionnistes, en ce qui concerne le moment présent qui est celui d'avant le premier tour des éléctions. Abstentionnisme, dans le contexte présent, qui peut donner toutes ses chances au Front National, au clan Le pen, de saisir les rênes du pouvoir.
Messieurs les abstentionnistes, êtes vous bien des anti-systèmes comme certains de vous le proclament ou le pensent ou tels que d'autres vous qualifient? N'êtes vous donc pas alors tous pour I, vous aussi, votre idéal étant l'anti-système? Un I tout aussi irréalisable.A moins que, plus véridiquement, votre position ne soit assise sur l'amertume, le dépit,la rancoeur, le ressentiment, l'aigreur, la rancune. Dans ce cas, après vous êtes inscrits comme électeurs, ne vous ségréguez vous pas vous mêmes ? A moins que vous n'agissiez par ailleurs, que votre action exercée avec entrain et gaïté au sein de la société ne démente cela et ne vous épargne ce sentiment auto-destructeur , qui vous rapproche dangereusement, que vous le vouliez ou non, du vote extreme droitier? En tous cas et pour conclure, de notre point de vue, ce sont ces sentiments ici évoqués qui ont pu, avec une forte probailité, faire basculer des votants de la gauche, et de l'extrême gauche même, vers l'extrême droite.