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Billet de blog 24 août 2015

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PLAINTE PORTEE CONTRE

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C'est Freud qui, dans son très beau texte clinique, Deuil et mélancolie nous rend perceptible ce dégradé qui de la plainte nous fait glisser vers la plainte portée contre. Le son de cette fibre mélancolique nous semble en effet être la basse continue qui vibre et perfore le bruit assourdissant de l'actualité, des déplorations qu'elle diffuse. Flot incessant que déversent les médias, noire colique si l'on peut dire, que provoquent les soubresauts de ces crises récurrentes du "sociel" et du sociétal, qui disparaissent d'une zone aussitôt que surgies, pour reparaître tout de go dans une autre. N'avons nous pas en effet tous les composants propices à la précipitation mélancolique, comme réarrangés par un metteur en scène insaisissable qu'on cherche vainement à nommer pour pouvoir s'en prendre à son épouvantail ? N'est ce pas la pente au juridisme forcené qui alors peut entraver cette bascule, quand rien ne vient faire symptôme pour tel sujet, ou quand le symptôme ne lui parle pas. Le rapport du sujet mélancolique à l'Autre, s'il fallait lui supposer à l'origine une dynamique, ce serait  celle du boomerang. L'humiliation qu'il en reçoit, la déception qui le touche, ne le met pas plus en mesure de dénoncer, d'accuser, d'attaquer celui qui, ou ce qui incarne, incarnait son Idéal. L'idée même n'est, ni admise ni même conçue ou concevable. Car ce serait là initier une fatale désagrégation de l'absolu où se soutient son existence.

Saisissant cette dialectique mortelle, la lucidité mélancolique est le switch qui mute cette dynamique en statique, faisant de cette cinétique une morte-née. Car c'est simultanément qu'elle perçoit la coexistence de l'idéal et de l'impossible de sa récusation- Et cette prise en masse devient immédiatement et définitivement soudure. Ne plus pouvoir bouger, telle est la conséquence- Saisi par cette inertie qui l'immobilise, le sujet devient objet, comme dans les fables antiques de métamorphose où l'on est changé en minéral ou en végétal. Ainsi, bien que le sujet mélancolique ne s'en prenne qu'à lui même, sa plainte auto-dévalorisante, auto-dépréciative, contient un élément insu,  forclos pour lui, qui en est le véritable ressort. C'est cette plainte portée contre, qui lui reste inaccessible, indicible, ineffable.  Insue et forclose certes, mais tellement présente par son énigme, pour l'entourage qui se demande ce qui absorbe tant l'attention du mélancolique, comme le note encore Freud. Aussi, pour revenir à l'actualité, vaut il mieux pour le sujet qu'il ne laisse pas se développer de manière occulte, refoulée, le porter plainte contre, qui se nourrit de l'adhérence, de l'adhésion inhumaine à un absolu idéalisé, intouchable.  Epiphyte qui, ici, pourrait bien ici étouffer la plante sur laquelle elle prospère, confisquant au sujet sa vitalité psychique. N'est ce pas ce que recèlent les plaintes qui se font entendre aujourd'hui, une plainte contre, inassumable ? Comme pour la mélancolie, ce tintamare n'est il pas la guise d'un mutisme décidé et assourdissant quant à ces absolus dont nous hissons en secret les étendards. L'argent, le travail et ses suicides semblent l'indiquer. Par la disqualification extensive qu'ils programment, il semble probant que certains auront du mal à déjouer ce que les antiques qualifiaient de bile noire.

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