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Billet de blog 24 septembre 2017

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CATHARSIS A PARIS > LA FLECHE A FRAGMENTATION DE RUZZANTE

Le théâtre dit de L'épée de bois à Paris accueille le metteur en scène René Loyon et sa troupe qui officient du 7 septembre au 15 octobre 2017. La flèche ? Aussi immatérielle que notre animation numérique quotidienne qui nous submerge, mais d'une bien autre trempe ! Premier effet visible et sonore: le rire irrépressible qui secoue les bancs des spectateurs.

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Illustration 1

C'est à peine assis sur les bancs, que cette flèche frappe sur scène. Charly Breton, le comédien habité par le personnage de Zilio en témoigne physiquement. Transi d'amour, il l'est au point que son émotivité le dépossède de son corps qui se contorsionne comme un personnage à part. Et en devient mutique devant la belle Betia (Olga Mouak) jusqu'à "s'écoulancher" par terre. Mais, comme il est des bombes à fragmentation, il existe des flèches à fragmentation, et l'amour en est une! C'est dire que ses effets sont multiples et aussi ravageurs! L'un de ceux-ci, c'est que les paysans en deviennent philosophes! Zilio demande conseil auprès de son ami Nale (l'épatant Maxime Coggio), de Bazarello ( le très physique Titouan Huitric) et du père Scati ( formidable Yedwart Ingey). Comment conquérir la belle, quand on est simple journalier au XVIème siècle? La langue de Ruzzante file sur les lèvres des acteurs, et traverse le filtre linguistique pour toucher l'auditoire. Et si la verdeur de ce patois padouan savoureux vient à nous, c'est par la grâce de la traductrice Claude Perrus. Car c'est à la création de la pièce, qu'assiste, ici, à Paris, le spectateur. Les noces de Betia, sa seconde œuvre, Angelo Beolco, dit Ruzzante l'a écrite à l'âge de 22 ans. ( ruzzare, c'est : s'ébattre, folâtrer), quelque temps donc avant Shakespeare et Molière. Mais l'abstraction philosophique, et l'imaginaire de la Renaissance inspiré de la mythologie, n'auront que peu de prise sur les élans affectifs, charnels. Ces exigences du corps où ce monde paysan puise sa vitalité. Les passions, les emportements irrationnels, font fi des échanges tempérés du monde courtois! Enlèvement de la belle, restitution forcée, querelles, trahisons, réconciliations, les péripéties sont traversées par cette langue qui se fait par moments organique (tous les orifices et parties du corps y trouvent leur compte) portée et magnifiée par des acteurs tempétueux qui apostrophent et prennent à témoin la salle. Menega, la mère de Betia ( La déchaînée Marie Hélène Peyresaubes) surgissant dans cette seconde partie de la pièce, nous propulse vers son terme , nous faisant passer des rires aux larmes, et amenant enfin l'apaisement. Non sans que Tamia ( Lyson Rault), veuve éplorée se lamentant sur la mort de son facétieux mari, n'assiste in extremis à sa resurrection inattendue. Une heure cinquante de secousses d'un rire sismique, c'est beaucoup pour un seul spectateur! Soyez donc sûr que personne ne partira de ce lieu sans savoir ce que veut dire Aristote par : Catharsis !

MARIE HELENE PEYRESAUBES 

Illustration 2

YEDWART INGEY

Illustration 3

CHARLY BRETON

Illustration 4

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