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Billet de blog 24 octobre 2015

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LA LANGUE DU MARCHE

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a un gain de lisibilité du moment actuel, nous semble t il,  à considérer le passage du discours commun au discours de l'inconscient via l'association libre, comme étant le passage d'une langue à une autre. Passer de la langue habituelle de ce discours commun, à celle intime - au point d'en être inquiétante quelquefois pour certains- et unique, de son inconscient, dans le particulier et la parenthèse du cabinet privé du psychanalyste. Cette dernière, de plus,  se créant dans le même temps où elle est énoncée. Voilà qu'aujourd'hui, sortir du monde du discours commun, des semblants, pour entrer dans ce monde au-delà des semblants que régit le discours de l'inconscient, engendrerait une moue proscritive.  Quelle en pourrait être la raison ? C'est en effet moins au discours commun que nous avons à faire aujourd'hui de manière extensive, qu'au discours du marché commun, nuance essentielle s'il en est.

Lui aussi se produit dans une parenthèse qui est celle de la vie professionnelle de tout un chacun, une parenthèse qui se dilate pour aujourd'hui phagocyter la vie privée. Ce discours est chargé d'une cohérence particulière. Son biotope est un ensemble de semblants, de relations sociales, pratiqués sous contrainte  des valeurs du marché. C'est une cohérence véhiculée par une cohésion de groupe. Telle l'école où autrefois, on imposait aux enfants bretons l'usage du français, l'entreprise est le lieu sous contrainte de la diffusion de cette langue rigide, inflexible, implacable, intransigeante, étroite pour la mobilité de la pensée, rigoriste, conformisante. Le sujet qui s'y coule, s'y moule, se retrouve, à son insu,  dépersonnalisé, quand il ne se retrouve pas purement dévitalisé.  La singularité y n'est plus de mise, si elle porte à conséquence. Ce mode de diffusion inhibe l'individu à y contrevenir, l'intimide à prendre ses libertés avec la langue, la parole, le poids des semblants, ceci jusque dans sa vie privée où il retourne son habit pour en laisser paraître la doublure du consommateur invétéré. Cette langue déshabitée, tunique de Nessus recto/verso, est heurtée de plein fouet par la langue subjective, à chaque fois unique, singulière à chacun, par la vie subjective et à la jouissance qu'elle charrie, gratuite et inutile à la productivité.

Certains pourront nous opposer qu'ils éprouvent de l'exaltation à adhérer à la mission que leur prescrivent ces valeurs du marché commun. Et cette ferveur qui les galvanise, ces merchandising girls and boys voudraient la faire admettre au rang d'enthousiasme. Quand les valeurs du marché, de l'entreprise, ne sont que des formes de la nécessité dictée par l'omnubilation de la croissance de la valeur financière, et donc non exempte d'idéologie.  N'est ce pas là chercher vainement à faire contrepoids à cette fatale dépersonnalisation qui résulte de s'en remettre absolument à ces exigences exogènes, ceci en faisant répétitivement appel à la charge émotionnelle incluse dans leur dévotion, et qui n'est que simulacre de la vie ? Cette exultation, ce n'est pas que de la télévision, que du grand spectacle !  Elles a aussi ses conséquences. Elle ne peut que promettre des lendemains qui déchantent, soit la vertigineuse mélancolisation de ceux-là même qui, dans ce jeu de l'oie, pourraient passer à la case rebut, pour ces mêmes raisons qui auparavant les galvanisaient. A moins d'un symptôme salvateur, qui leur indique -encore faut il qu'il survienne à temps-  la nécessité de tenir compte d'une autre économie, à savoir leur propre économie libidinale, triade de l'amour, du désir, et de la jouissance. On en conviendra avec eux, ce n'est vraiment pas facile, chaque jour de résister à creuser sa propre tombe !  Les médias nous le rappellent quotidiennement : ce que nous savons le mieux faire, c'est de mortifier et de détruire ce qui nous environne et ceux que l'on aime le plus !  Comment se haïr encore plus, telle semble bien la question à laquelle cherche à répondre le discours du marché commun, de la globalisation.

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