Je pense écrire à un ami. J’en ai le désir. Je m'assieds, prends un stylo. Du papier à lettre. Je reste songeur. Un bon moment. Le stylo en suspens, appuyé sur ma lèvre, dans le même temps où je regarde devant moi par la fenêtre les toits des maisons. L'infinie théorie des nuages. Je touche le papier, je le lisse sur mon bureau en bois. Puis j’écris, je rature, j’écris, je corrige, j’écris….Je prends une autre feuille de papier. Je finis enfin par rédiger le tout et le réécris au propre. Je choisis l’enveloppe que je retire de son emplacement dans le meuble. Je plie la lettre et la glisse à l’intérieur. Est-ce avec un beau timbre ou un autre quelconque que je vais l’affranchir ? Je cachète l’enveloppe. Wikipedia rappelle que jadis « Un courrier était jadis un homme qui portait les lettres. Depuis, le courrier désigne la correspondance écrite entre personnes, généralement deux : un expéditeur qui l'envoie et un destinataire qui le reçoit ». La lettre arrivera dans 24 heures, ou 48 heures au pire, après m'être déplacé pour la glisser dans la boîte aux lettres.
Il me vient l’idée tout d’un coup d’envoyer un mail. Je saisis mon ordinateur portable que je connecte. J’ouvre ma boîte mail, et une nouvelle fenêtre. J’écris la rubrique objet – puis quelques lignes en dessous. Je corrige instantanément. Je relis. Au deux premières lettres frappées avec mon clavier, s’inscrit le nom du destinataire. Je clique sur la touche envoi. Cela m'a juste pris quelques instants. Cela a eu lieu sans sortir de chez moi, sans déplacement aucun, le nez collé à l'écran, oubliant pendant ce court moment ceux qui m'entourent, visage et voix s'estompant. L’ordinateur, est ainsi autant du temps ramassé que de l’espace comprimé. C’est dans ce rapide empilement des gestes, que consiste la séduction de la technologie.
UNITES DISCRETES
Emboutissement du temps, emboutissement de l’espace. Télescopage des durées, et perte. Dans cette perte, chutent la feuille de papier, le stylo, l’encre, l’enveloppe, le timbre, le facteur, l’agence postale, qui deviennent des rebuts. Sitôt déchets et sitôt ringards. [1] Ils se révèlent, après-coup seulement, comme symboles. Non pas symboles d’une époque, ce qui est vrai aussi, mais qui néanmoins réduit l’empan du symbolique. Car ce qui se révèle, c'est que leur découpe de symbole, unité discrète - et ici dans les deux sens du terme, sens courant et sens linguistique- reposait sur une durée qui était propre à chacun, où se jouait une dynamique symbolique substitutive . Par exemple, la durée de cacheter l’enveloppe, étant appuyée sur la disparition de la durée propre à l’acte l’écrire qui l'a logiquement précédée, etc. Autant de tempi, de scansions qui s’évanouissent dans le condensé de l’action technologique , addition de gestes d'ailleurs plutôt qu'action. Compactage des séquences, annulation de la distance et de l’espace tridimensionnel qui font ainsi disparaître des chaînes symboliques entières.
PNEUMA
Avec la disparition des durées, disparaissent aussi ces temps propres à l’induction, à l’inférence. Ce souffle, ce pneuma, surgi de ces mille et un actes quotidiens et qui donnent leur respiration aux pensées et aux idées spontanées. Espace-temps dont l’inutilité directe donne sa détente à l’inspiration, en son sens le plus modeste comme le plus fort. Comme l’image télévisuelle, cinématographique ou internet, ce nouveau mode d’écriture, de communication quasi instantané, pompe, suce, notre respiration inductive. Si sa séduction immédiatement perçue et ressentie est celle de « gagner du temps ». Son pouvoir captivant ne provient pas moins de ce siphonage de l’espace inductif. En général disqualifié, il faut bien le dire. Car nous savons qu'il peut nous confronter à nous-mêmes, solitude où la seule virtualité possiblement réalisable réside dans le surgissement inopiné de cet objet d’angoisse : nous-mêmes, comme objet a. Ce siphonage, où la jouissance du court-circuit temporel et spatial y joue un rôle majeur, nous est comme par magie escamoté, par fascination, hypnotisme. Et du bonheur de cette jouissance, ne se dégage-t-il pas aussi une puissante force isolante pour l’individu ?[2]
HOLOPHRASE
Ainsi de ce dispositif de présence-absence qu’est le symbole, nous dirons - hypothèse- qu'il se soude à la manière holophrastique : présenceabsence. Une holophrase qui " interdit l'ouverture dialectique" entre présence et absence. Lacan a mentionné l’holophrase signifiante comme ce avec quoi sont en relation les événements de surface du corps[3], à savoir les phénomènes psychosomatiques. Jacques Alain Miller en prolonge le propos en la spécifiant comme « contournement de l’Autre »[4] . Le phénomène psychosomatique contourne l’Autre, s’imprimant, sans médium, sur la surface du corps. Nous pouvons concevoir, dans le cas présent de la communication digitale, numérique, qu’un certain contournement de l’Autre, dont l'Autre de la parole, se réalise. Où la connexion se substitue, secondarise, accessoirise le lien. Le phénomène psychosomatique ne se manifeste t-il pas alors, dans le fait qu’à force de désengagement, de désimplication du sujet dans les actes quotidiens, de soustraction de sa présence, le corps de l'autre, se réduit à une surface ? Une animation de surface où les affects sont comme gommés, et le rapport à l’autre de ce fait déréalisé. D’où la haine qui peut se donner libre cours sur certains réseaux sociaux, où l’on ne se reconnaît plus dans l'autre qui se présente comme désincarné. L’image cinématographique et l’image télévisuelle, d'une certaine manière, ont il y a fort longtemps commencé cet œuvre.
CORPS
Si comme l’écrit encore Philippe Sollers dans son livre que nous venons de citer, « Le corps a sa mémoire que la mémoire ignore », ce que tout musicien instrumentiste sait à sa façon, ici la mémoire du corps qui ne retient ni ne contient plus de trace du désir et du plaisir de déplacement et de mouvement faisant exister l'espace, où sont aussi concernés la masse et le volume du corps, cette mémoire change alors de registre. Dans ce contournement de l’Autre symbolique, elle n’est plus restituée que par la seule surface corporelle, sur fond de désaffection de ce corps. Le corps ne devient il pas alors à son tour image mais seulement image, représentation sans appui dans l'imaginaire, image en somme uniquement visuelle, sans aucune correspondance mentale, certes à même de compenser, mais d'une manière tout de même précaire, l'imagination dissoute qu'elle vient de digérer ? Un corps aussi qui ne se prolonge plus en états d'âme. Sollers toujours : "...la plupart de nos "états d'âme" ne sont que des états de corps transposés." Les sens autre que la vue et l’ouïe étant annulés dans le face à face avec l’écran. Encore ne sont-ce que des objets toujours filtrés par l’instrument technologique, auxquels ils ont accès. C’est donc d’une perception affadie, édulcorée, émoussée, dénaturée, que nous prenons l’habitude de nous contenter.
LANGUE NEOLOGIQUE
Dans le même temps où la désincarnation gagne les corps, ces corps qui transmettent et délèguent leur animation aux automates, la langue, que la stabilité et la fiabilité ont quittée sous les coups de boutoir du marketing productiviste et consumériste, la langue donc se retrouve-on le voit- truffée de créations néologiques. On sait désormais que le mot ne charrie plus seulement vérité, mais surtout jouissance. Et les jeux de mots et les jongleries de sonorités font désormais la joie des publicistes dont le hors sens pointe vers le modèle du buzz. Coucou, c'est mon moi à moi! Crient les like de facebook, les jeux de mots produits par le merchandising des publicistes, et les anglicismes sitôt formulés, sitôt incorporés au discours à la vitesse de la lumière. Ces connexions qui portent au revers de leur semelle, comme la plupart des autres, leur misère : il ne me reste plus que çà, ce moi incorporel, fugitif et évanescent, qui peine à faire signe par delà mon embarrassante vacuité, au désir sérieusement écranté.
PULSION
Autre conséquence aussi, cette fois sous l'angle pulsionnel. De manière entièrement acéphale, le corps passant à l'acte est aussi une conséquence du fait que le rapport au symbole s'est estompé, asphyxié par le collapse, la coalescence présenceabsence. L'holophrase présenceabsence sur le plan du temps et de l'espace, se réalisant sous de multiples aspects et dans plusieurs espaces à la fois, donne lieu à diverses manifestations symptomatiques dans le champ social qui, plus souvent qu'à leur tour, témoignent d'une subjectivité abîmée : souffrance au travail, épuisement au travail, ou encore phénomènes de retraits subjectifs, passages à l'actes suicidaires ne relevant pas nécessairement d'une structure mélancolique ou psychotique. [5]Ce qui s'est passé dans les années 2000 à France Télécom avec le plan Next, et prélude à ce qui ne cessera plus par la suite, relève du présent propos. Tout comme pour cette femme brillante, directrice d'un Musée Histoire de la ville et mise au ban par un nouveau management encouragé et promu par l'équipe municipale, et que l'incompréhension a poussée à consulter, elle qui plaçait la culture avant la productivité.
SYMBOLE
Revenons au registre symbolique. Qu'est ce qu'un symbole, σύμβολον ? " C'est un signe de reconnaissance" " Primitivement. un objet coupé en deux, dont deux hôtes conservaient chacun une moitié qu'ils transmettaient à leurs enfants; ces deux parties rapprochées [..] servaient à faire reconnaître les porteurs et à prouver les relations d'hospitalité contractées antérieurement"[6]. Dans cette définition, tout y est : l'étymologie, l'histoire du mot ancré dans les échanges, le concept. Et beaucoup plus encore s'y trouve : les corps absents puis nécessairement présents pour rapprocher les deux parties du symbole, la transmission, la durée qui peut être générationnelle ou transgénérationnelle, la scansion du temps : passé, présent, futur, la reconnaissance mutuelle, l'hospitalité, le lien social, la mise à l'abri du symbole, la tiercité symbolique, la confiance, le pacte, la sublimation de l'objet utile, la mémoire, la dignité etc. Le texte de Jacques Lacan Fonction et champ de la parole et du langage [7]irradie à partir de ce concept de symbole, de même que tous ses textes de cette période de son enseignement.
PAROLE
Tous ces éléments qui composent le symbole semblent faire aujourd'hui l'objet d'une corrosion massive et profonde. La parole elle-même subit par contrecoup cette corrosion. Sa référence à une vérité tierce - bonne foi ou mauvaise foi, disait-on - se désagrégeant de manière accélérée, elle se dégrade en parole de communication, de diffusion de l'émotion, de communion, d'information, de négociation, portée par des foules immenses in-formée par les medias et les objets technologiques qu'ils manipulent. A nulle autre époque, la dimension symbolique n'avait atteint cet état pulvérulent . Lors de l'invention du téléphone, le couple présence-absence avait certes subi une transformation, mais elle était localisée. On a le témoignage de cet étonnement dans la pièce de Jean Cocteau, La voix humaine[8]. Il y eut aussi la télévision. La T.S.F. La voix et le regard se sont mis dès lors à se balader tous seuls, dépareillés des corps, disjoints de toute présence. Et des distances étaient ainsi abolies conjointement à un resserrement du temps, avec par exemple la réalisation du direct à la télévision. Tout cela était néanmoins encore local. Dans cette veine on peut lire aussi dans les belles Chroniques de Bob Dylan, comment autrefois les chansons de folk-song tenaient lieu de moyen d'information de l'histoire au quotidien. Aujourd'hui en impactant, de manière extensive et toujours plus, le couple présence-absence, la machine technologique n'efface -elle pas graduellement, dans les subjectivités, jusqu'au souvenir d'un registre vivant du symbolique ? Dans le même temps, ce même symbolique est mis au musée, ce qui d'une certaine manière le conserve aussi, mais le préserve t-il ? Est il simplement neutralisé où s'agit il d'une irrémédiable extinction? Dans la mesure où ce mouvement ne fait que commencer, avec les technologies numériques et la robotisation croissante, quelles vont en être les conséquences cliniques dans le futur, s'agissant du rapport à la parole ? Toujours dans son texte "Fonction et champ de la parole et du langage", Lacan parle d'oubli de la subjectivité :" Cette communication sera effective à l'intérieur de l'énorme objectivation constituée par cette science et elle lui (ie au sujet) permettra d'oublier sa subjectivité"[9]. Ce terme d'oubli est à la fois précis et indéterminé quant à sa profondeur, sa pénétration, et à son extension temporelle. Mais ce qui vient d'être écrit ci-dessus, peut se ranger comme un commentaire, à préciser plus encore, de cet oubli.
Quelles conséquences cliniques et sociales, quand les possibilités d'un jeu entre présence et absence s'amoindrissent et se périment, et que s'étend l'empire de la présenceabsence? Le terme de jeu n'est pas anodin, ni neutre, car il pointe aussi vers les termes de plaisir et de déplaisir. Freud avait mis en valeur une vignette provenant de son observation, celle de son petit-fils qui, sa mère absentée, s'etait mis à jouer à lancer une bobine de fil qu'il ramenait ensuite vers lui, en prononçant les mots fort et da, qui symbolisaient la situation qu'il vivait. Ces pages de son texte "Au-delà du principe de plaisir"[10] datant de 1919, seraient aujourd'hui à méditer à nouveaux frais. La question du symbole emporte celle du don, de l'amour, du désir, du plaisir, du jeu, de l'enfance; de ce qu'est une famille, de ce qu'est un collectif de travail, de ce qu'est une société, de ce que sont la poésie et l'art, nonobstant la pulsion de mort qui ne pourra jamais être tout à fait défaite.
CONCLUSION
Jacques Lacan dans le Séminaire l'Envers de la psychanalyse, revient de manière récurrente sur la question du savoir dont est spolié le travailleur, [11] et que le capitaliste ne paie pas. Le fait que ce savoir se matérialise aujourd'hui en machines numériques de façon accélérée et étendue, participe du changement de nature du discours capitaliste, du fait de cet objet a qui vient en place d'agent . Jacques Alain Miller a théorisé ce discours comme discours hypermoderne. .[12]Les machines connectées, et les protocoles aussi bien, en place d'agent ont cette conséquence inattendue d'affaiblir le symbolique par leur impact sur la durée et le corps du sujet. Ce retentissement engendre de nouvelles souffrances, tel par exemple qu'il en a été témoigné au récent Forum psy de Normandie, parmi les acteurs de santé.[13] Et, écrit Lacan, " Il y a de la souffrance qui est fait, c'est à dire qui recèle un dire"[14]
[1] Trésor de la langue française en ligne : Subst. masc., arg. du théâtre : Vieil artiste du spectacle, oublié ou sans talent, à la recherche de petits rôles.
[2] Sollers P. , Une curieuse solitude, " Bien plus que la malheur qui nous fait dépendre de nos désirs, c’est le bonheur qui isole ", Paris, Points, 2006.
[3] Lacan J., Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, p..215
[4] Miller J-A, "Quelques réflexions sur le phénomène psychosomatique", Analytica N° 48, 1986.
[5] Sidon P., "Stimulus...Réponse", LNA, Le nouvelle Ane N°10, Evaluer tue, Février 2010, où Pierre Sidon parle de mélancolie situationnelle.
[6] Bailly, A, Dictionnaire Grec-Français, Paris, Ed Hachette, 1981
[7] Lacan J., "Fonction et champ de la parole et du langage", Ecrits, Paris, Seuil, 1966.
[8] Cocteau J., La voix humaine, Paris, Stock, 1997.
[9] Lacan J., Fonction et champ de la parole et du langage", op.cit, p.282.
[10] Freud S." Au-delà du principe du plaisir", Essais, Paris, Payot, 1985.
[11] Lacan J., Le Séminaire, Livre VII, L'envers de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1991, pp.21-22-34-91-92-94-174-215
[12] Miller JA, Conférence à Comandatuba, Une fantaisie, http://www.congresoamp.com/fr/template.php?file=Textos/Conferencia-de-Jacques-Alain-Miller-en-Comandatuba.html
[13] Voir l'introduction filmée de Marie Hélène Doguet-Dziomba sur le site de l'association des Psychologues freudiens http://www.psychologuesfreudiens.org/ et celui de l'association Souffrances Au Travail : http://www.souffrancesautravail.org/
[14] Lacan J., Le Séminaire, Livre XVI, D'un Autre à l'autre, Paris, Seuil, 2006, p.69
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Dernières informations de TIC Santé :
Un médecin virtuel pour le diagnostic des épisodes dépressifs majeurs
LONDRES, 24 mars 2017 (TICsanté) - Les patients semblent bien accepter le fait de parler de leurs problèmes de santé à un médecin virtuel, qui présente une spécificité et une sensibilité satisfaisantes pour diagnostiquer un épisode dépressif majeur, montre une étude française.
Il s'agit du "premier agent conversationnel animé ou humain virtuel capable de conduire un entretien interactif intelligent pour diagnostiquer des troubles dépressifs", créé par les chercheurs du laboratoire Sanpsy (Sommeil, addiction, neuropsychiatrie) à Bordeaux, indiquent l'université de Bordeaux et le CNRS dans un communiqué commun diffusé début mars.
"L'enjeu n'est pas de remplacer le médecin mais d'assister ce dernier pour diagnostiquer plus rapidement des patients non identifiés comme dépressifs et possiblement dans le futur, d'assurer un suivi médical de qualité au domicile du patient."
L'université et le CNRS ajoutent que "cette recherche s'inscrit dans une idée d'hôpital numérique, qui assurera un continuum de prise en charge des services hospitaliers jusqu'au domicile des patients afin d'augmenter l'autonomie de ces derniers".
Dans cette étude, dont les résultats sont publiés dans Scientific Reports, le Pr Pierre Philip du CHU de Bordeaux et du Sanpsy et ses collègues rappellent que l'entretien en face à face est l'examen de référence pour le diagnostic des troubles mentaux. L'empathie et la confiance sont des éléments essentiels pour collecter les informations nécessaires au bon diagnostic.
Des questionnaires informatisés ont été développés, avec en parallèle des logiciels pour la psychothérapie, puis des agents virtuels de conversation, combinant des expressions verbales, faciales et gestuelles, notamment dans le cadre du projet américain SimSensei. Le logiciel utilise la technologie Kinect* (Microsoft) pour repérer des personnes dépressives à partir des mouvements du corps, de leur regard, de leur visage et leur voix.
Mais c'est la première fois qu'un tel humain virtuel est testé dans un environnement médical et comparé à un psychiatre pour diagnostiquer un épisode dépressif majeur selon les critères du DSM-5, soulignent les auteurs.
Ils ont inclus 179 patients adressés au CHU de Bordeaux initialement pour des troubles du sommeil et non une dépression. Chacun a passé un entretien de quelques minutes, dans un ordre aléatoire, avec un psychiatre et avec l'agent virtuel, puis à l'issue de chaque entretien, a rempli l'inventaire de Beck afin de déterminer la sévérité de la dépression (score BDI-II) et l'échelle d'acceptabilité (score AES).
Pour cette étude, l'agent virtuel correspond à un avatar animé en vidéo 3D, capable d'avoir une conversation et utilisant la technologie Kinect*. Les réponses des patients sont analysées et un algorithme décisionnel calcule la probabilité d'un diagnostic de dépression.
Au total, un épisode dépressif majeur a été diagnostiqué par le psychiatre chez 35 patients. L'agent virtuel a correctement identifié 17 d'entre eux mais est passé à côté des 18 autres.
Selon l'analyse des données, l'agent virtuel présente une spécificité de 93% mais une sensibilité de 49%, avec une valeur prédictive négative de 88% et une valeur prédictive positive de 63%.
Cependant, la sensibilité augmente avec la sévérité des symptômes dépressifs, atteignant 73% pour les patients présentant un score BDI-II d'au moins 29 points. La spécificité restait supérieure à 95% que la dépression soit légère, modérée ou sévère.
Globalement, l'agent virtuel a été globalement très bien accepté, avec un score AES de 25,4 points (sur une échelle de 0 à 30).
Cette étude de preuve de concept suggère qu'un agent virtuel est un outil prometteur pour réaliser des entretiens cliniques standardisés, reproductibles et bien acceptés par les patients dans des conditions médicales, concluent les chercheurs.
Ces agents virtuels pourraient s'inscrire dans de nouvelles approches de prise en charge des maladies chroniques et d'optimisation le système de santé. Ils pourraient permettre un diagnostic précoce et le suivi des patients, des procédures coûteuses et chronophages, dans un contexte de vieillissement de la population et de baisse de la démographie médicale, ajoutent-ils.
Outre la dépression, le laboratoire Sanpsy teste le médecin virtuel pour le diagnostic de la somnolence diurne excessive ou l'addiction à l'alcool.
(Scientific Report, édition en ligne du 16 février)