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Billet de blog 29 janvier 2016

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EMBALLEMENT DE LA MACHINE - LACAN IN SITU, IN VIVO, IN PRESENTIA...

Lacan ne nous tient il pas la main, quand il s'agit de considérer notre actualité politique ?

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Autrement plus pertinent et pénétrant que l’étymologie du mot travail –tripalium- qu’on nous ressert ad nauseam d’exposé en exposé, le parcours que nous offre la rubrique « Travail » du dictionnaire d’histoire et de philosophie des sciences, coordonné par Dominique Lecourt, et qui n’a connu aucune réédition depuis 2004, est un repère autrement plus solide. Le lekton de ce riche développement en quelques six pages, nous le choisissons dans ce passage : « la définition du concept physique du travail repose ainsi sur un riche jeu de transferts analogiques entre l’homme et la machine. La machine est comparée à l’homme sous un double registre. Comme l’homme elle produit ; comme l’homme elle dépense. » Cette dualité du travail, souligne l’auteur est à l’origine des débats essentiels de la théorie économique durant tout le XIX siècle, mise en valeur dès 1798 par Coulomb et faisant suite elle-même à la querelle des «  forces vives » entamée par  Leibniz en 1686, dans sa réfutation de la physique de Descartes. C’est ainsi que l’on se retrouve en 1909  avec une thèse de Jules Amar intitulée : «  L e rendement de la machine humaine » qui rencontrera  le délire taylorien de l’homme machinisé. Délire qui malheureusement ne cessera de se déployer jusqu’à nos jours et va trouver son prolongement en LA technologie numérique.  Cela vaut de le relever à deux titres. D’abord au regard de l’actualité politique, puisque que comme nous le rappelle le livre de Bruno Trentin, préfacé  par Alain Supiot, La cité du travail, [i]la renonciation de la gauche, sa démission fondamentale,  date de son acceptation à cette époque de l’introduction du travail à la chaîne dans les organisations du travail industrielles. Puis à un second titre, au regard du politique au sens où l’introduit Jacques Lacan à partir de la psychanalyse qu’il réinvente depuis le socle freudien, et dont il donne quatre armatures discursives, quatre discours dans son séminaire L’envers de la psychanalyse.  «  La question se pose de la place de la psychanalyse dans le politique » (p.90).En effet, Lacan, de façon tout à fait anticipatoire ne s’arrête pas à la question de la plus-value telle que la met en valeur Marx, mais décrypte très minutieusement ce fait que le prolétaire subit une spoliation, un dépouillement, un rapt,  quant au savoir, [ii] ce savoir que le capitaliste ne paie jamais, dit il. C’est ce savoir qui s’est transmuté au fil du temps, depuis le calibrage des postes de travail dans l'industrie et le minutage des gestes, en passant par les protocoles dans les Centres d'appel, se transférant en algorithmes matérialisés dans les machines, puis aujourd’hui dans les machines numériques et les robots. C’est là l’opération cachée, occultée qui donne lieu aujourd’hui à cette symbiose si spectaculaire entre le capitalisme et la science. «  Le prolétaire n’est pas simplement exploitée, il est tout simplement dépouillé de la fonction de savoir » (p174). Quoi de plus actuel de ce que me disait récemment cette personne travaillant dans le marketing «  Je suis devenue une simple exécutante ». Quoi de plus actuel que cette analyse de Lacan, alors que l’armée des Data managers déferle dans les grands groupes, réduisant l’autre au statut de prolétaire ? C'est à  cette question du savoir spolié, ravi, qu’est liée la souffrance et la détresse du sujet au travail. Lui qui est devenu l’objet instrumentalisé par ce savoir, qui dorénavant lui échappe, lui cet objet a auquel toute initiative a été soustraite.


[i] Bruno Trentin, La Cité du travail. La gauche et la crise du fordisme, Fayard, coll. « Poids et mesures du monde », 2012.

[ii] Jacques Lacan, L’envers de la psychanalyse, paris, Seuil, 1991, p21-22- 34-91-92-94-174-215-

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