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Billet de blog 6 janvier 2025

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Où vont les mots qui se taisent

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Illustration 1

Où vont les mots qui se taisent ?
Ils vont se coucher dans le lit du jeune homme qui meurt. Observent des années de silence, la guerre fait rage.
Puis l’oreille attentive, où qu’elle soit, les soulève à nouveau. Les mots se relèvent la nuit, sortent du bois, sortent des livres et même des étoiles, surtout des étoiles car elles se rappellent tout.

Pauvres et misérables peuples insensés, nations opiniâtres à votre mal et aveugles à votre bien ! Vous vous laissez emporter devant vous le plus beau et le plus clair de votre revenu, piller vos champs, voler vos maisons et les dépouiller des meubles anciens et paternels ! Vous vivez de sorte que vous ne pouvez plus prétendre que rien soit à vous : il semblerait que désormais ce vous serait grand heur qu’on vous laissât seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies. Et tout ce dégât, ce malheur, cette ruine, vous vient non pas des ennemis, mais certes bien de L’ennemi, de celui que vous faites si grand qu’il est, pour lequel vous allez si courageusement à la guerre, pour la grandeur duquel vous ne refusez point de prêter à la mort vos personnes ! Celui qui vous maîtrise tant n’a que deux yeux, n’a que deux mains, n’a qu’un corps, et n’a autre chose que ce qu’a le moindre homme du grand et infini nombre de vos villes, sinon que l’avantage que vous lui faites pour vous détruire. D’où a-t-il pris tant d’yeux dont il vous épie, si vous ne les lui avez donnés ? comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne les prend de vous ? les pieds dont il foule vos cités, d’où les a-t-il s’ils ne sont les vôtres ? comment a-t-il aucun pouvoir sur vous, que par vous ? comment vous oserait-il courir sus, s’il n’avait intelligence avec vous? que vous pourrait-il faire, si vous n’étiez receleurs du larron qui vous pille, complices du meurtrier qui vous tue, et traitres à vous-mêmes ? vous semez vos fruits, afin qu’il en fasse le dégât ; vous meublez et remplissez vos maisons, afin de fournir à ses pilleries ; vous nourrissez vos filles, afin qu’il ait de quoi saouler sa luxure ; vous nourrissez vos enfants, afin que pour le mieux qu’il leur saurait faire, il les mène en ses guerres, qu’il les conduise à la boucherie, qu’il les fasse les ministres de ses convoitises, et les exécuteurs de ses vengeances ; vous vous rompez à la peine, afin qu’il se puisse mignarder en ses délices, et se vautrer dans les sales et vilains plaisirs ; vous vous affaiblissez, afin de le rendre plus fort et roide à vous tenir plus courte la bride ! et de tant d’indignités que les bêtes mêmes ou ne les sentiraient ou ne l’endureraient point, vous pourriez vous en délivrer si vous essayiez, non pas de vous en délivrer, mais seulement de vouloir le faire, soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres ; je ne veux pas que vous le poussiez ou l’ébranliez, mais si seulement ne le soutenez plus vous le verrez comme un grand colosse à qui on a dérobé la base, de son poids même fondre en bas et se rompre. Mais certes les médecins conseillent bien de ne mettre pas la main aux plaies incurables ; et je ne fais pas sagement de vouloir prêcher en ceci le peuple, qui a perdu depuis longtemps toute connaissance de son mal, puisqu’il ne le sent plus, cela montre assez que sa maladie est mortelle.
Cherchons donc par conjecture, si nous en pouvons trouver, comment s’est ainsi si avant enracinée cette opiniâtre volonté de servir, qu’il semble maintenant que l’amour même de la liberté ne soit pas si naturelle.

Ainsi l’énigme nommée par lui « de la servitude volontaire » l’a-t-il remise sur son métier de chercheur. Voir la suite (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52508804x/f12.item).
Allons plus loin. On trouve quelque part dans une petite île où le temps s’y prête, une telle effervescence de petits fantômes que les gens parlent, chantent, dansent, sculptent, teignent les objets et vêtements, peignent leurs corps, décorent leurs rêves, nourrissent et s’entrenourrissent de leurs plantes, imitent les animaux au risque de leurs vies. On les appelle les Naturels. Ils n’ont pas d’autre travail. Ce qui arrange bien les autorités, car ils sont pauvres, et un puissant cyclone peut les emporter. L’État fera alors de leur île une base militaire.

C’est un petit fantôme revenant de la guerre. Il n’a plus d’ailes, plus de drap. Il voit un chat avec une grosse queue noire ébouriffée, il s’approche de lui.

Voir sur https://renethibaud.com

Photo Ralph Crane, New York Subway, 1969

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