René Thibaud (avatar)

René Thibaud

Abonné·e de Mediapart

248 Billets

0 Édition

Billet de blog 6 avril 2020

René Thibaud (avatar)

René Thibaud

Abonné·e de Mediapart

L'importance du cadre

Le livre d'un enfermement paradoxal

René Thibaud (avatar)

René Thibaud

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il se passe autre chose dans ce livre que la liquidation d'un hôpital. Ce n'est que (si je puis dire) le cadre. On assiste aussi à une liquidation familiale, à une plongée personnelle. On côtoie des personnages, d'aussi près que ces poissons rouges dans le bocal apporté par "la belle infirmière" : 

« L'un est vraiment rouge, assez gros, l'autre petit, transparent, irisé. On voit son épine dorsale, je pense comme ce serait étrange si on voyait ainsi notre colonne vertébrale. Ils flottent, se poursuivent, se collent l'un à l'autre, se quittent pour descendre au fond, se frottent doucement aux parois de verre, remontent aspirer la surface de l'eau. Parfois l'un reste en suspens, immobile, comme s'il réfléchissait à une nouvelle trajectoire dans ce petit espace. À certains moments leur existence modeste et inconsciente me fascine, à d'autres je voudrais les voir un jour abandonner ce calme résigné, cet aveuglement au monde environnant, et agiter l'eau avec rage. »

C'est le livre d'un enfermement paradoxal. Le temps y est prisonnier et vous coule docilement entre les doigts. On y lit le passé, on y dit l'avenir. Le cahier sur lequel elle écrit flotte comme un îlot qui se balade entre deux temps, ou d'un temps à l'autre. "Ce qui m'embarrasse parfois ce sont les temps des verbes" note-t-elle dans ce cahier qui est comme un puzzle de sens qui miroitent, qui s'emboîtent, dans une écriture limpide, presque transparente. À recomposer indéfiniment.

Des chauves-souris viennent aussi le soir à la fenêtre. D'abord une, il y a quelque temps, une petite tache noire virevoltante qui avait tout de suite attiré mon attention. Elles sont deux ou peut-être trois maintenant, elles s'approchent davantage, se montrent, se déploient avec une malicieuse précipitation pour dévoiler cacher leur beauté intime, déployer leur noir éventail furtivement, qui caresse le cœur.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.