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Billet de blog 8 avril 2020

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Je revois les demeures d'Étienne-Martin : La sculpture est un étrange hybride d'intime et d'environnement.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

De toutes les maisons où il était agréable d'habiter je me rappelle surtout les oiseaux, le pivert qui venait se pavaner sur la pelouse, quand il se croyait seul, avec sa cape rouge, les pies qui gambadent sur les toits, le troglodyte dans le mur de la grange, les rouges-gorges familiers, le roitelet timide, les petites hirondelles aux ailes delta qui venaient en escadrilles joyeuses le soir à Clérieux, à Grenoble les martinets, déjà, leur ivresse dans l'azur mêlée à la mienne, comme à Romans plus tard, les pigeons de mon oncle lorsque j'étais enfant à Prunières qui roucoulaient dans le grand pigeonnier attenant à la bergerie, l'appel des brebis, le miaulement des agneaux, la fontaine lancinante qui chantait dans le lavoir, tout ça rassemblé, dans un heureux confinement, dans la ferme de montagne, car tout près étaient les pentes, sauvages, les horizons mystérieux ; ce sont les vaches à Sainte-Eulalie, leur défilé soir et matin, en lente procession dolente, trébuchante sur les mauvaises pierres du sentier qui borde la maison, souvent seules, somnambuliques, parfois avec le chien ; nos maisons ne sont pas des maisons mais des environnements d'animaux, d'oiseaux, d'arbres, de montagnes, de mers ou de rivière, de ciels ; du Marin je revois l'arbre à pain à deux pas de la terrasse, ses fruits collants, délicieux, et le citronnier dont on cueillait les fleurs le soir pour la tisane, les lucioles, le chant des crapauds. Dans les cités on s'invente un terrain de jeux, une ambiance, dans l'environnement pauvre, déshérité, mais familier.
Lorsque j'écris le matin, en cette période où les rues sont tout de même beaucoup moins bruyantes, le fourmillement sonore des oiseaux reprend place en surface – mais pas pour longtemps : jour après jour le trafic se fait plus intense. L'intérieur resurgit. Notre espèce ne rompra pas ses chaînes. Elles se rompront, peut-être, à coup de crises catastrophiques.

A la mi-journée ce sont les queues-rousses qui batifolent sur les toits et les câbles téléphoniques, un trio qui se poursuit comme des papillons, tout en sauts et rebonds, les petits corps qui fusent et le soleil qui s'invite à travers leurs plumes, et vite refermé cet éventail de feu sombre à leur queue, vont accrocher le mur à la verticale, pour une volte, ou se poser sur la tuile, fuseau noir furtive amande.

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