René Thibaud (avatar)

René Thibaud

Abonné·e de Mediapart

248 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 mars 2025

René Thibaud (avatar)

René Thibaud

Abonné·e de Mediapart

Tissage

René Thibaud (avatar)

René Thibaud

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’arbre se dresse au milieu de mon rêve. Il est d’une beauté majestueuse. Il n’a pas encore de feuilles, seulement des petits bouquets vert tendre comme des plumes ou des écailles tout nouvellement apparus. Comme c’est un arbre tout à fait normal et réel je pourrais très bien ne pas rêver. J’en ai vu de semblables de mes yeux ouverts, comme je vois maintenant cet autre tout couvert de fleurs blanches devant lequel je suis extasié, pensant Je rêve !

Plus tôt dans la nuit j’avais fait un premier rêve, un grand arbre se tenait au milieu d’un terrain endormi, jonché de feuilles grises inertes, comme plongées dans une morne léthargie. Aucune couleur, aucune saveur, aucune véritable lumière, comme une ombre plate.
Dans une discontinuité propre au rêve, je me trouvais ensuite dans ce même espace devenu quelque chose comme un hangar, ou un immense bâtiment industriel vide, le sol était jonché de rien : poussière, morceaux de gris, peut-être des feuilles, des bâtons, quelquefois une petite branche sèche qui ressemblait peut-être à un serpent. Parce qu’il allait être question de serpents, car j’étais entré en scène avec compagnes ou compagnons, la peur commença chez quelqu’une ou quelqu’un, rampa, tâtonna, traîna dans ses poussières, ses bâtons, les retourna, les réveilla — car tout dormait — c’est la peur qui veillait, qui vivait, qui s’amplifiait. A mon tour je fus pris de violence, me suis déchaîné comme les autres sur les serpents qui grandissaient, se faisaient énormes et menaçants. Nous fîmes un carnage, attrapant des fers, coupant des têtes, tranchant même dans des mufles de bovins énormes, coupant à vif dans d’énormes joues, des gorges profondes, avec acharnement — une boucherie innommable.
Ensuite il y eut un autre rêve, une femme que je quittais, un long rêve dont je retiens la désolation entêtée par quoi elle me répondait.

Ce ne sont que des rêves. Venus avant celui de l’arbre majestueux. Mais celui-ci n’a plus de présence. Il est passé au second plan, à son tour.
Écrire est, comme rêver, un tissage dans la réalité.

Illustration 1
Édouard Vuillard

https://renethibaud.com/

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.