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Billet de blog 14 avril 2025

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Le chemin

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Illustration 1

Quant à monsieur Nuit, je pourrais dire que je ne le vois plus beaucoup. Il est à Gaza. Mais même les yeux fermés, je ne peux l’ignorer. Ce n’est pas qu’il me hante, je mentirais. C’est même tout le contraire : il m’a appris à ne pas me hanter. A prendre le crayon, à laisser filtrer, comme il dit. Ce qui vient, c’est un peu tout, je ne le choisis pas, ça se mélange. Mais c’est surtout ce qui m’est proche. Je ne peux pas aller à Gaza (personne ne le peut). C’est pourquoi je l’envoie. Ne soyez pas étonné, oui, il fait ça pour moi. Comment fait-il, s’il prend l’avion, je n’en sais rien. S’il assiste les blessés, porte secours, comment le ferait-il, le pauvre vieux, cris, enfer, s’il tient la main, enfant, cœur. S’il est antisémite. Non. Il n’a pas de croyance. La croyance ne se filtre pas, c’est volatile. Ce qui se filtre est du langage, uniquement. Des épaisseurs de langage. La croûte, le sang, le fer y sont contenus, les tortures de la chair, les fluides de l’âme.
Il me passe le langage, nous avons suffisamment de proximité maintenant. Nous nous lavons les pieds ensemble, nous échangeons notre sueur, notre merde. Même à distance. Un cloaque nous serions, sans monsieur Temps. Qui nous ignore. Qui semble n’aimer que la musique, et le silence. Et l’instant insaisi.
Les deux ensemble, aussi incompatibles qu’ils soient, sont moi, tiennent en moi. Grâce à Dieu !

Le piano joue. Son langage est un langage de beauté. Comme notre langage est un langage de paix : les deux sont l’expression de notre liberté. La musique parce que ce sont les sons que nous choisissons. Le langage parce que ce sont les mots que nous choisissons. Nous les choisissons et ils s’envolent librement dans l’air.
Ensuite, tout aussi immense et presque indéchiffrable, c’est l’histoire de la réception. C’est-à-dire de la lecture et de l’écoute.

A l’inverse de ce que j’aurais pu penser, c’est monsieur Temps qui vient en premier — qui marche devant, comme dans le récit de Chalamov — et monsieur Nuit qui suit. Et, tout bêtement, comme dit le tao, ils sont le chemin.

https://renethibaud.com/2025/04/14/le-chemin-4/

Soulages, brou de noix

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