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Billet de blog 15 juillet 2025

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Attachements

Pour saluer le livre de Charles Stépanoff

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Illustration 1

Quelqu’un le faisait remarquer, chez moi le piano est à l’écurie, d’ailleurs ce n’est pas un piano mais une bourrique. Elle ne sort plus, elle ne demande rien à manger ni à boire, elle ne fait pas de saletés. Elle est entrée au paradis, déjà. Monsieur Temps et monsieur Nuit entrent comme ils veulent dans mon écurie. Ils discutent avec le piano, ils jouent aux cartes. Ils se cachent à l’intérieur de cette cabane à trois dos pour de longues parties de tric-trac. Après ces parties je retrouve le piano majestueux, savant, l’envergure de ses ailes noires et blanches alignées devant moi.
Et lorsque je monte sur leur dos je suis à la fois léger, docile, patient, impressionné et je dois être téméraire, car ils sont trois, trois grands coursiers comme un seul à me soulever de terre. Il faut que je sois à la hauteur, que mes doigts soient prêts à gambader sur les touches du grand rire chevalin qui s’offre à eux, que je saute les petits obstacles, redresse le nez, emporte mes jambes dans les leurs.
Sans compter que mon paquetage sur le dos est énorme, je redescends toutes les deux secondes, j’exagère à peine ; il y a avec moi mon amie Isabelle, son écriture se love, se fouille, se déploie en moi comme une eau indispensable, ses ailes de papillon devant garder toujours la fraîcheur humide pour guerroyer dans les sèves, dans les parfums de vie ; il y a le grand mélancolique de Dario dont le cheval est en pension maintenant et qui le pleure littéralement, tous les deux sont trop vieux ils ne peuvent plus bouger ni l’un ni l’autre, eux qui allaient toujours ensemble ; il y a tous ceux et celles que je ne peux pas nommer, selles de cheval, harnachements de tous ordres, cliquetis, œilletons, bridons, freins, régalades, réglisses noirs, tous ces attachements, ces empêchements qui sont aussi des feuilles qui se déploient, des ciels qui s’ouvrent et offrent à la vue tout un paysage et transforment tout en tout comme si tous nous nous donnions soudain la main dans une farandole.

https://renethibaud.com/2025/07/15/3993/

Peinture Afifa Aleiby, Angel, 2009

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