Une rivière, quelques arbres, quelques amis et connaissances, une ville, un appartement avec des fenêtres, quelques personnages inventés, même en faisant le tri, en étant très restrictif, en trouvant des modalités d’action, en se donnant des contraintes, comme il est difficile de faire de cela une écriture. Comme la tête humaine s’affaire, de tous ces passages, ces entrées et sorties, comme sa perméabilité peut être éprouvante.
Je reviens avec peine toucher le piano. Répétant avec attention ces accords arpégés, descendants (très beaux, avec la pédale), ma mémoire ralentie, mes doigts faibles, fatigué presque à la nausée. Je vais à la fenêtre, pour rencontrer aussitôt, quel étonnement, un petit oiseau de la taille d’un merle ou d’un passereau, occupant la pointe, presque une aiguille, d’un sapin fourchu tandis qu’un beaucoup plus gros, un ramier, dirait-on, venu se loger tout près mais juste en dessous, remuant la touffe des épaisses branches autour de lui sans que le petit ne se déloge, il restera très longtemps debout comme un i, fuselé, tranquille, presque sur le dos de l’autre installé résolument mais qui pourtant finira par s’en aller. Et bientôt le petit oiseau aura été rejoint par deux de ses compagnons sur deux autres de ces petites pointes sommitales du grand arbre noir à deux flèches. Puis bientôt, les trois s’en vont, d’un vol semblable en longs traits plongeants. Et entretemps, grande nouvelle, heureux événement, dans le ciel tout autour, les premiers martinets sont de retour !
Pendant toute mon observation, ma lassitude proche du découragement était attaquée, comme sur un autre flanc, par une petite question qui se formule soudain :
Comment devenir oiseau… je reconnais monsieur Temps me donnant un petit indice.
https://renethibaud.com/2025/04/19/toucher/
peinture de Pierre Boncompain