Alors que l’agglomération lyonnaise connaît depuis quelques années une augmentation sans précédent d’agressions venues de groupes d’extrême droite de plus en plus violents, décomplexés et qui ont pignon sur rue, le journal Lyon Capitale se fait une petite « Une » en mode : « les extrêmes », renvoyant dos à dos « fafs » et « antifas ».
Alors, bien sûr, on a tout à fait le droit de nourrir quelques critiques à l’égard de telle ou telle mouvance du mouvement antifasciste, ne pas être à l’aise avec certaines postures virilistes, certaines guerres des clans entre différents groupes voire émettre des doutes sur les stratégies.
Mais en fait, de quoi on parle ?
Qui s'en prend à une manif lesbienne en pleine journée ? Tabasse des militant.e.s en train de tracter à la sortie du métro ? Attaque une collecte alimentaire pour les migrants et leurs bénéficiaires ? Débarque dans un bistrot avec battes de base ball et gaz lacrymogène par ce qu’il est supposé être fréquenté par des gauchistes ? Incendie des lieux de culte ? Roue de coup au hasard et au faciès des personnes dans la rue après un match de foot ?
Quel est le contexte local ? national ? International ?
Lyon Capitale a toujours été un journal assez modéré, mais tout au moins, était-il, à sa création, porteur, comme on dit, de « quelques valeurs » : alertant, en son temps, sur les collusions entre l’université Lyon 3 et le négationnisme, dénonçant les accords entre Millon et le F.N lors des élections régionales…
Mais les temps ont changé.
Désormais un inoffensif groupe comme Indochine refusant de faire la com’ pour une municipalité R.N (ce qui pouvait être considéré comme le minimum politique pour des artistes il y a 20 ans ) se voit accusé par l’organisateur du festival de mêler outrageusement l’art et la politique ; désormais tu peux trouver sur le présentoir du relais presse de la gare en lieu et place de Fluide Glacial (et avec, plus ou moins, la même charte graphique) le magazine « d’humour et de bande dessinée » de Marsault et Papacito ; désormais les discours d’extrême droite sont en open-bar dans la plupart des médias et particulièrement dans ceux possédés par leur militant-miliardaire ; désormais le Président avoue qu’il serait tenté par une dissolution et que si Lepen devenait première ministre ce serait au moins l’occasion de dévoiler son « incompétence » pendant que son ministre Dussopt remercie ce même R.N de l’avoir applaudi à l’assemblée et déclare le trouver "bien plus républicain qu’une grande partie de la gauche".
C’est tout ce fameux soft power de l’extrême droite qui est conforté, justement, à travers cette manière de présenter les choses (les « extrêmes », les « identitaires » vs les « wokes , les « nazis » et les « féminazies »…). Cette manière de faire qui, en confusionnant, minimise le péril.
C’est sensé passer à trav’, mais ça ne passe pas. Et en fait, «ils» ne doivent pas passer