Ça fait combien de temps qu'on n'a pas voté « pour » ?
On en aurait oublié que l'antifascisme ne se résumait pas à s'engueuler pour savoir s'il fallait ou non voter Macron au deuxième tour, mais qu'il se construisait aussi dans les luttes sociales.
Et là, franchement, quand on est « de gauche », à moins d'être d'une tendance révolutionnaire absolument hostile à toute forme d'élections (ce qui se respecte) ou d'être... de droite (ce qui se respecte aussi), ça me paraît dur de ne pas se retrouver dans les 24 pages de ce programme.
Je dis ça, aussi, par ce qu'on s'est fait deux soirées de lecture et « auto-formation » autour de ces propositions, et que c'était bien intéressant. On découvrait ensemble la chose, et, chacun.e, en fonction de ses compétences et connaissances, pouvait expliquer aux autres tel ou tel point qui pouvait paraître obscur sur une thématique.
Bien sûr, il y a quelques formules un peu vagues au milieu. Et des points qu'on trouve un peu légers. C'est un programme qui, bien que plutôt ambitieux, reste d'obédience « réformiste ».
Bien sûr, étant donnée l'urgence, il faudrait aller plus loin sur bien des points, et, comme le rappelle l'écrivain Patrick Chamoiseau, sortir d'une logique purement comptable où nous passons notre temps à nous justifier d'être « sérieux » économiquement, alors que nous devrions aussi défendre un front populaire poétique qui touche à nos imaginaires mêmes de société.
Bien sûr il faudrait aussi que la France « d'en bas » et notamment les quartiers populaires aient un peu plus leur mot à dire et de représentant.e.s au milieu de ces vieux routards de la politique.
Mais, globalement, on y voit pour la première fois depuis un bail, les bases d'une politique de justice sociale, d'extension des services publics, de transformation écologique appuyée sur des mécanismes assez clairs de redistribution. On se positionne face à l'effondrement mêlés de nos systèmes de solidarité et des conditions d'habitabilité de notre milieu de vie. Un chemin à rebours de ceux tracés dans la panique d'un soi disant « grand remplacement » et/ou d'une « dette financière » insurmontable.
En fait, ça fait même carrément rager qu'on n'ait pas plus connaissance de ce programme, car il est évident qu'une grande partie de le population s'y retrouverait.
Mais, coincé sous l'avalanche de calomnies, d'injures et de manipulation de l'extrême droite et du gouvernement, dans un pays bollorisé, ployant sous les thèmes obligés de l'immigration et de l'insécurité, il a bien du mal à se faire entendre. Et tout est fait pour que le débat « projet contre projet », comme on dit, n'ait pas lieu.
Alors on tracte, on « phone , on fait du porte à porte.
Pour moi, dans le moment actuel, c'est une nécessité absolue. Pour tenter, à ma mesure, de faire bouger les choses dans le bon sens, bien sûr, mais aussi, par besoin de comprendre un peu ce qui nous arrive et ce que chacun.e a dans la tête. Pour sentir physiquement l'ambiance.
Ils rabâchent que c'est une alliance de circonstances, qu'il y a trop de différences, de dissensions. Que ce ne serait que de la basse politique pour gagner des sièges entre gens qui se détestent. Et évidemment, il y a, aussi, chez beaucoup de professionnels de « l'action publique » des stratégies pour se maintenir. Mais, à la base, il suffit de participer aux réunions, aux boucles de messageries, aux mobilisations pour n'avoir aucun doute quant au fait que ce qui nous rassemble est bien plus important que ce qui nous sépare.
Ça va sans doute pas durer mais je me sens soudain transi d'amour, même pour ces partis.
Bien sûr, j'ai détesté ce que le PS a fait ces dernières décennies et sa fabrication des bébés libéraux que nous avons aujourd'hui au Pouvoir. Mais je respecte celleux qui sont resté.e.s dans la tempête, qui ont participé à cette union, qui ont remis un peu de « socialisme » dans ce parti à la dérive et respecté en cela les électeur.ice.s trahies de la primaire qui avait mis Benoit Hamon en tête.
Je suis pas bien fan des Verts quand ils se montrent condescendant.e.s, parfois rattrapés par des biais de classe, et avalant à l'occasion les couleuvres du marketing libéral greenwashé. Mais j'apprécie de les voir se positionner dans les luttes écologique, l'ouvrir au parlement européen, et tenir un fonctionnement d'orga, apparemment, assez démocratique. Et, en ce moment, réagir de manière assez stylée aux journalistes tournant en boucle sur le mode « JLM 1 PB ? ».
Je ne suis pas un grand fan de Jean-Luc Mélenchon, et pas super client de cette stratégie politique consistant à associer autant un mouvement à une personne. Je vois bien que ce n'est pas non plus le top en termes de démocratie interne et que, bien que ce soit une des organisations qui embauche le plus de candidats de la société civile, ça reste assez vertical. Mais je lui suis hyper reconnaissant, à lui et aux insoumis.e.s en général, d'avoir ramené le bateau de la gauche dans la lutte sociale qui est sa raison même d'exister.
Ils vont peut être bien tous nous décevoir. Et dans cette société à l'imaginaire fascisé dans lequel on vient de se réveiller, il est dur d'imaginer, dans l'immédiat, une victoire de grande ampleur des idéaux qui nous anime.
Je ne sais pas si le nom et la dynamique Front Populaire resteront, mais elle nous rappelle au moins à quel point l'engagement est nécessaire. Que la nature ayant horreur du vide c'est toute notre dépolitisation, désyndicalisation, et l'atomisation de nos vies qui est le terreau à cette « mal-politisation » qui s'est développée au fil des algos et des chaînes d'une industrie de l'information acquise à l'extrême droite.
Même si, parallèlement à la montée de cette peste brune, il faut aussi composer avec une forme d'indifférence assez glaçante face à la situation, ce genre de moments ont le pouvoir de repolitiser, redonner envie, remettre en lien, et, quoi qu'il arrive dans les prochains temps, on en aura bien besoin.