Là, c'était son moment « Ecologie ». Et, après quelques semaines rythmées par ses interventions plus lunaires les unes que les autres sur la thématique, il finit son marathon en beauté avec cette sentence en provenance directe de 1971.
« On aime la bagnole, et moi je l'adore ».
Ce pourrait être une chanson de Michel Sardou.
Peut être, s'il s'agissait de proclamer ses engagements féministes pourrait aussi lâcher un : « le harcèlement, je l'adore » .
Car parler d'écologie sans remettre fondamentalement en cause la centralité de la voiture individuelle dans nos déplacements, c'est se condamner à parler pour ne rien dire. La bagnole est, de manière directe, la première source d'émissions de gaz à effets de serre en France, mais son hégémonie est également responsable pour une grande part de l'artificialisation des sols, de la perte de biodiversité, a des conséquences énormes sur nos organisations sociales et constitue un empêchement majeur à la construction d'une société plus juste et écologique.
Ne serait-ce l'intense et permanent travail de propagande pour la rendre désirable, et les perfusions d'argent public tous postes confondus (des subventions à l'achat, aux infrastructures en passant par les dépenses de santé et les aides au secteur...) l'impasse automobile apparaitrait comme une évidence. Et, à ce titre, la nouvelle mesure de baisse temporaire mais générale du prix des carburants, sans aucun critère de revenus, est un non-sens écologique et social de plus. Une ristourne dont le cadre sup' en SUV faisant ses 60 km quotidiens pour rejoindre son pavillon bénéficie autant que le smicard qui peine à faire le plein.
C'est le troisième « cadeau » dans le genre en un an, et c'est déjà plusieurs milliards qui auraient pu être judicieusement investis dans les mobilités collectives.
Macron, ce n'est pas tout à fait Trump. Le déni n'est pas complètement assumé. On navigue quelque part entre les fake-news pures et dures, la démagogie, et la niaiserie solutionniste.
Dans le florilège de ses interventions récentes, il y a eu ce fameux entretien où même le très consensuel Hugo Décrypte semble consterné lorsqu'il l'interroge sur une limitation possible du trafic aérien. Nounouille se prononce contre cette limitation, propage une fois encore le mythe de « l'avion vert », et détourne le sujet par sa proposition de « faire planter un arbre à chaque collégien » au moment même où on en abat des centaines, de nuit pour éviter les opposants, sur le chantier de l'autoroute A69 et où des hectares de forêt sont décimés en Guyane au nom d'un grand projet colonial.
Mais à quoi bon se mettre martel en tête puisque selon l'idée reçue qu'il se fait fort de relayer durant cette « séquence écologie », et qui témoigne d'un grand confusionnisme, la France serait, en fait, un des pays les moins pollueurs.
Il y a deux grandes règles dans « l'écologie macroniste » : on s'efforce de limiter la perception de l'effondrement écologique en cours à une question très climato-centrée, en cherchant à convaincre qu'on pourrait avoir exactement la même course folle, la même société délirante, mais en « décarbonnée ». A ce titre on élabore, calculette en main, une arithmétique absurde de la "compensation".
Et son corollaire : on refuse catégoriquement d'établir quelque lien que ce soit entre l'extrême richesse, les modèles de consommation toujours plus destructeurs et la question existentielle qui nous anime.
C'est sans doute pourquoi il n'essaye même pas de donner une illusion d'exemplarité, de retenue. Le Président des Riches (ce n'est plus seulement une intuition mais une réalité documentée par le travail d'analyse de Julia Cagé et Thomas Piketty sur un vote qui n'a jamais été aussi bourgeois dans l'histoire de la République) se fait fièrement photographier en jet ski, roule en SUV, se déplace avec son gouvernement en Jet privé, sans chercher un instant à donner l'impression d'une attitude quelque peu raccord avec le moment terrifiant que nous vivons. "Ça n'a rien à voir" semble t-il réciter à longueur de temps.
Les photos où il se goberge à Versailles ont au moins cela de pratique, c'est que si un jour les criminels climatiques passent devant un tribunal, on aura une vision assez exhaustive du gang.
En attendant, il y a à répondre pied à pied, arguments à l'appui, à cette offensive de greenwashing qui désormais semble presque plus inquiétante que le climatosceptissisme pur et dur. Cette croyance selon laquelle la destruction nous protègera de la destruction, et qui, à force d'une propagande brutale et continue arrive à s'ancrer dans les esprits. Ces rafales d'oxymores dont « la voiture propre » n'est pas des moindres.
Une dizaine de militant.e.s, qui ont bien compris ce qui se joue actuellement, soutenu.e.s, notamment, par un collectif de 200 scientifiques toulousain.e.s risquent leur vie dans une longue grève de la faim pour empêcher la construction de la nouvelle autoroute entre Castres et Toulouse. Pour empêcher coûte que coûte un nouveau cadeau toxique fait à cette voiture adorée.
https://contre-attaque.net/2023/09/26/laberration-de-lideologie-de-la-bagnole/
https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/260923/macron-adore-la-bagnole-le-chaos-climatique-aussi
https://reporterre.net/Contre-l-A69-21-jours-sans-manger-et-bientot-une-greve-de-la-soif