Victimes de torture durant plusieurs années dans les prisons de Ben Ali, les prisonniers politiques réclament aujourd’hui justice. Depuis la révolution le gouvernement les délaisse et aucune association ne les entend malgré leur nombre massif.
Par Aida Chakhari et Mouna Chebil.
« Chaque jour nous avions droit à notre séance de massacre : nous étions nus et battus jusqu’à la mort », témoigne Radhwen Ayari, ancien prisonnier politique islamiste.Sous le régime de Ben Ali la torture a été beaucoup pratiquée sur les 30 000 prisonniers politiques : des journalistes, des gauchistes, des islamistes…. Tous ont été libérés après la révolution et ils revendiquent aujourd’hui l’amnistie générale et une indemnisation.
Les détenus subissaient chaque jour des violences atroces et les familles des victimes en souffraient aussi. Par exemple la nourriture apporté par une mère de victime était donnée au chien de garde de la prison. Les policiers se moquaient d’elle en disant : « Le chien vaut mieux que ton fils. » « A force de pleurer cette femme est devenue aveugle », raconte Radhwen Ayari.
Toutes sortes de tortures physiques et psychologiques étaient infligées aux prisonniers : on leur cassait les dents, leur amputait les jambes et les mains, et on n’hésitait pas à leur arracher les yeux… Les gardiens les provoquaient afin de les mettre en colère, pour qu’ils réagissent et qu’ils soient punis ensuite. Les prisonniers en panique avaient toujours peur d’être violemment torturés s’ils sortaient de leur cellule. L’une des victimes affirme que « la torture psychologique était pire que la torture physique. Je préférait être torturé qu’avoir peur ».
Ces prisonniers ont certes été acquittés mais ils se trouvent désormais perdus. Le gouvernement actuel ne leur tend pas la main alors que ces victimes ont soufferts durant toutes ces années de despotisme dans lequel la Tunisie a sombré. « Je veux que le gouvernement ait pitié de nous car on a besoin d’aide ! On n’a pas les moyens de se payer des opérations », réclame Imed Chikhaoui, ancien prisonnier politique gravement torturé.
Ces ex-prisonniers veulent aussi vivre en toute liberté parce qu’ils sont encore surveillés par la police : « Je dois signer des papiers quatre fois par jour au poste de police et il arrive même qu’elle prenne d’assaut ma maison en pleine nuit ! », s’indigne Radwen Ayari avec amertume.
Sur les visages fatigués on lit encore les traits d’une tristesse de plusieurs années, de presque toute une vie derrière les barreaux subissant toutes sortes de torture. Pourtant, victimes gardent encore un élan d’espoir et espèrent retrouver une vie stable comme tout le monde ; du travail pour pouvoir manger et garder leur liberté.