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Billet de blog 29 août 2022

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Violences sexuelles : les syndicats doivent faire mieux que la justice patriarcale

Sans surprise, nous apprenons le classement sans suite de la plainte pour « viols, agressions sexuelles et tortures », déposée par une camarade contre un membre de la Commission Exécutive Confédérale de la CGT, via une déclaration de cette dernière du 23 août. Ce classement rejoint les milliers de classées sans suite de la justice patriarcale.

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Sans surprise, il est rétabli dans son mandat confédéral, seul mandat dont il a été suspendu en février dernier.

Nous pensons d’abord à notre camarade et nous tenons à lui exprimer notre plus grand soutien féministe et syndical. Nous communiquons également notre soutien à tout.es les camarades féministes qui se battent actuellement au sein de la CGT et dans tous les syndicats pour les faire avancer dans le traitement des violences sexistes et sexuelles en interne.

Classement sans suite et présomption d’innocence

Un classement sans suite ne signifie par « l’innocence » d’une personne mise en cause. Il signifie soit que les infractions ne sont pas suffisamment « qualifiées », c’est à dire que certains éléments constitutifs de ces infractions n’ont pas été démontrés par l’enquête (en matière de viol, c’est souvent la démonstration de la contrainte qui est difficile à apporter), soit qu’il n’existe pas suffisamment de preuves contre la personne mise en cause de les avoir commises.

Un classement sans suite est une décision purement administrative, non une décision de justice. Pour être innocenté il faut un procès.

L’atteinte à la présomption d’innocence est constituée lorsqu’on présente comme coupable d’une infraction une personne alors qu’elle n’a pas été jugée comme tel par un Tribunal. Ce concept très important de notre droit ne s’applique que lorsqu’une procédure pénale est en cours. En dehors, si une personne est présentée comme ayant commis une infraction alors qu’elle n’est pas condamnée, c’est le droit de la diffamation qui s’applique.

A bon entendeur, salut.

La déclaration de la CGT énonce que : « la CGT tient à réaffirmer son attachement à la présomption d’innocence comme à la présomption de sincérité ». Or, ce n’est pas en raison d’une « présomption de sincérité » qu’une entreprise suspend à titre conservatoire un travailleur de ses fonctions, mais parce qu’elle a l’obligation de mener une enquête (dans des conditions sereines) pour tenter de corroborer les violences révélées.

Nous ne pouvons que déplorer que la « direction » confédérale de la CGT ait subordonné la suspension de ce membre aux suites d’une décision de justice pénale. Elle ne pouvait - et elle le savait d'ailleurs parfaitement - rien en attendre. Nous nous doutions qu’il s’agissait alors d’une décision de compromis mais, précisément, nous n'en pouvons plus des compromis en matière de violences faites aux femmes1.

Nous constatons que la présomption d’innocence et la foi en la justice et son travail ne sont invoquées par nos organisations syndicales que lorsqu’il est question de violences sexistes et sexuelles. En aucune autre circonstance il ne nous semble tolérable de nous aligner dans nos positions sur l’institution judiciaire, dont nous rappelons qu’elle n’est pas plus neutre en matière de rapports sociaux de sexe qu’en matière de rapports sociaux de classe.

La prétendue neutralité affichée dans ce communiqué qui met sur le même plan présomption de sincérité et présomption d’innocence n’est que le choix d’un statu quo qui est toujours en faveur des agresseurs : choisir la neutralité dans une situation de profonde inégalité, c’est, qu’on le veuille ou non, choisir un camp. 

Enquête interne et suspension des mandats

Nous déplorons aussi qu’aucune référence ne soit faite dans cette déclaration confédérale, à l’enquête menée par la cellule de veille de la CGT, qui pouvait très bien justifier le maintien de la suspension de son mandat confédéral. Les violences commises en interne des syndicats doivent être traitées par les syndicats, comme l’exige le droit du travail à l’égard des employeurs. Une enquête interne permet de démontrer des « fautes » qui peuvent justifier une sanction en dehors de toute qualification pénale.

Depuis février 2022, il a bénéficié du soutien de son Union Départementale qui l’a maintenue dans ses fonctions au sein de cette instance.

C’est sur le terrain que nous militons et seul le dé-mandatement à tous les niveaux et en particulier au niveau local, peut permettre à d’autres militant.es de révéler, s’il y en avait, d’autres agissements commis par les syndicalistes mis en cause.

Nous revendiquons auprès des employeurs la mise à pied à titre conservatoire (et non disciplinaire !) des hommes mis en cause pour des violences sexistes et sexuelles au travail, afin de permettre aux témoins et autres victimes de dénoncer ce qu’ils ont vu et subi. Nous exigeons la même chose de la part de nos organisations syndicales.

Cette situation souligne encore une fois l’urgence pour toutes les organisations syndicales d’appliquer cette mesure de précaution, en mettant dans les statuts nationaux l’engagement en ce sens des syndicats à tous les niveaux et prévoir des sanctions en cas de non-respect. C’est une condition non négociable pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans nos syndicats.

Et maintenant, comment la CGT va-t-elle permettre à la femme syndicaliste qui a déposé plainte de continuer ses activités militantes et permettre à celles/ceux qui l’ont soutenue de continuer à militer sereinement, sans être dénigré.es ? 

Il y a hélas fort à parier que l’histoire montrera (et on peut légitiment parler d'histoire quand tant d’affaires de violences se répètent) qu’elles se mettront en retrait, voire quitteront le milieu syndical, tandis que ceux qui les musèlent par leur présence et leur soutien inconditionnel à la personne mise en cause, continueront à jouir de leur pouvoir patriarcal.

Pour autant, fortes du courage de notre camarade et des combats menés par nombre d’entre nous contre ces violences, nous poursuivrons notre lutte.

Toute lutte est un rapport de force. Inversons-le !

#Metoosyndical

Pour nous rejoindre, contact : resyfem@riseup.net

1https://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/violences-sexuelles-les-syndicats-aussi

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