- « Nous sommes tous des sud-africains ! »
Ce fut le premier slogan d'une longue série, bâtie sur le même modèle, que j'ai prononcé dès mon arrivée en France. L'Afrique du Sud de l'Apartheid a cédé sa place aux autres pays, tour à tour Chili, Nicaragua, Palestine … mais l'idée derrière la formule était la même : « comment peut-on se sentir heureux quand d'autres cousins souffrent ailleurs ? »
Au début je le faisais au nom de l'Internationale, mais très vite j'ai trouvé des camarades de tout bord à mes côtés. Défendre ses cousins mis à mal est moins idéologique que ça. Cela a été un des principes élémentaires de notre survie.
La formule a eu un tel succès que même les « loups » l'ont utilisé pour se déguiser. Les dirigeants des Empires modernes choisissent des conflits qui les intéressent et d'ici et là scandent « nous sommes tous ceci ou cela. »
Quoi de plus naturel de me resservir de la même formule pour nos cousins grecques. Mais là je me suis surpris à écrire : « Nous sommes tous grecs, qu'on le veuille ou non ! »
Si certains pourraient encore croire que la solidarité internationale entre les gens est un acte gauchiste et marginal, qui relève davantage d'un principe moral qui ne touche pas le quotidien du commun des mortels, en rajoutant « qu'on le veuille ou non » je voulais dire le contraire. Même si on s'en balance de nos cousins grecques, on a tout intérêt à les défendre pour nous sauver NOUS. La Grèce est le laboratoire grandeur nature du néo-libéralisme, le chantier de « la casse sociale » que le jargon à la mode appelle « la réforme. » Les recettes qui ont mis aux pieds la Grèce sont les mêmes qui en ont fait autant en Italie, en Espagne et au Portugal. Les mêmes qui ont mis en déroute les économies des toute l'Amérique Latine et leurs peuples dans les années 80. L'Europe de Merkel a décidé d'appliquer la recette à l'ensemble du continent. Personne ne peut y échapper.
Les particularités de la Grèce sont multiples. A part d'être le berceau de notre civilisation, qui nous a tant appris et tant apporté, la Grèce est aujourd'hui le maillon le plus faible de la chaîne néo-libérale en Europe. Si la casse sociale marche dans ce pays, il n'y a aucune raison que cela s'arrête ailleurs. Et si elle échoues la chaîne toute entière est rompue.
La Grèce martyr pourrait devenir la Grèce héros. Le « chantier de la casse » pourrait devenir « la maquis de Résistance ». Et comme l'enjeu est – au moins – continental, nous sommes tous invités à y jouer notre rôle. Rares sont les situations dans lesquelles on pourrait si facilement utiliser l'expression : « nous sommes dans le même bateau. » Le bateau grec s'achemine vers notre destin immédiat. S'il coule - j'ai bien peur – Il n'y aura aucun pays épargné par le bulldozer de Golden Sachs & Co.
Si le bateau grec coule, nous coulons tous, qu'on le veuille ou non.
Mais le dernier mot n'est pas dit. Ni par les cousins grecs, ni par … nous.
Reza Hiwa
2013-07-16#21.22