Alors que la France n’a toujours pas de gouvernement un mois et demi après les élections législatives, cette incertitude ne pèse pas dans le champ de la justice tant les programmes des différents camps en la matière se sont caractérisés par leur indigence. D’un bord se limitant à vouloir réinstaurer les peines planchers au nom d’un supposé laxisme, dont les chiffres pénitentiaires prouvent décidément le contraire, et ce malgré l’inefficacité démontrée de la mesure et un autre s’engageant sur des dépenses budgétaires conséquentes sans aucune vision réformatrice préalable et pourtant indispensable, les perspectives ne sont guère enthousiasmantes. Il est vrai que les derniers états généraux de la justice dont le résultat s’est surtout caractérisé par un gaspillage d’argent public à défaut de réforme majeure n’ont guère pu inspirer les candidats.
L’objet de ce propos sera donc de présenter quelques réformes possibles voir nécessaires pour rendre l’institution judiciaire plus efficace, plus rapide et plus juste au service des citoyens, en bref envisager enfin cette fameuse justice du XXIème siècle promise depuis de nombreuses années et toujours lointaine en 2024…
1ère partie : réguler la population carcérale
S’il est un échec frappant et d’autant plus marquant au regard de sa profession antérieure du ministre actuel, c’est bien celui de la régulation carcérale. Sans rentrer dans le débat de fond, il semble suffisant de rappeler qu’une prison suroccupée à 150 voire 200 % est une prison inefficace qui produit de la récidive.
Plusieurs mesures pourraient pourtant être mises en œuvre pour faire baisser la population pénale.
- revoir la réforme des réductions de peine
S’il fallait retenir une mauvaise réforme emblématique, ce serait bien celle-là. Le système antérieur à double détente entre réductions de droit soumises à retrait pour mauvaise conduite et réductions supplémentaires pour « récompenser » les efforts produits était efficace et reconnu par tous. Le caprice du ministre en a décidé autrement lui substituant un système reposant uniquement sur une appréciation subjective du juge de l’application des peines des efforts fournis. Il faudra bien à un moment qu’une étude sérieuse se penche sur l’impact évident de cette réforme sur l’augmentation de la population pénale tant dans la diminution des réductions accordées que sur les difficultés de timing que cela pose en termes de gestion de peine. Il est, en effet, bien plus difficile d’obtenir la totalité des réductions lorsque tout dépend de vos efforts, a fortiori, lorsque les quantum sont importants. Un exemple : un détenu sous l’ancien régime condamné à un an bénéficiait de trois mois de crédit de réduction de peine qu’il conservait s’il n’avait pas commis d’incident en détention.
En plus, il pouvait obtenir trois mois de réduction supplémentaire de peine pour les efforts fournis (soins, travail, activités…) toujours difficiles à justifier dans des établissements surchargés. Si le juge d’application des peines estimait que les efforts étaient « moyens », il n’accordait que 45 jours et notre détenu se retrouvait avec au final 4 mois et demi de réduction de peine en tout. Maintenant, le même détenu peut bénéficier de 6 mois pour la partie « efforts » en détention. Le même détenu et le même juge trouvant ces efforts « moyens » finira avec la moitié des réductions correspondant à 3 mois sur 6. Avec le nouveau système, le même détenu se voit amputé d’un mois et demi de réduction. Multipliez cela par des milliers détenus et vous comprenez la conséquence de cette réforme en apparence technique sur la population carcérale.
Il semble donc nécessaire de revenir d’urgence au système antérieur à la réforme Dupond-Moretti et même d’aller plus loin en instaurant les réductions exceptionnelles qui ont existé rapidement durant le covid et qui ont permis de soulager les prisons durant cette période. On pourrait imaginer qu’à partir d’un certain niveau de suroccupation dans un établissement, un mécanisme de réduction de peine exceptionnelle se déclenche permettant au juge d’application des peines d’octroyer des réductions exceptionnelles conditions de détention par exemple de deux mois supplémentaires par détenu comme durant le covid jusqu’à ce que la situation revienne à un niveau acceptable. Ainsi le juge d’application des peines disposerait d’un outil simple et efficace pour réguler la population pénale au regard des conditions de détention bien plus que l’usine à gaz du recours contre les conditions indignes qui pourrait être utilement supprimé tant il est inefficace et chronophage pour les magistrats.
- simplifier la libération sous contrainte
La libération sous contrainte a constitué le mécanisme ultime qui devait permettre de réguler la population carcérale. Toutefois mal pensé et surtout extraordinairement mal construit, le résultat est un mécanisme à double détente complexe et chronophage se caractérisant par son inefficacité tant dans la régulation carcérale que des alternatives imposées. Imaginons le nombre de SDF toxicomanes que les juges d’application des peines ont été obligés d’envoyer en centre de semi-liberté totalement inadapté à leur profil avec des échecs nombreux à la clef. En outre, cette réforme mal coordonnée avec celle des réductions de peine a abouti à surcharger greffe pénitentiaire et juge d’application des peines pour aboutir à des libérations sous contrainte parfois d’une semaine des réductions de peine étant octroyées entre la préparation du dossier et la libération effective du détenu.
Il est donc proposé de supprimer les deux cas de libération sous contrainte pour revenir à un mécanisme simple. Accorder de droit une libération sous contrainte uniquement sous forme de libération conditionnelle aux deux tiers de peine sauf si le condamné ne justifie pas d’un hébergement ou si cette mesure apparaît manifestement de nature à créer un risque de récidive (pour permettre par exemple au juge d’écarter une libération qui serait proposée chez le conjoint victime en matière de violences conjugales). En écartant les autres aménagements de peine, cela permettrait également de simplifier le mécanisme qui n’a pas pour beaucoup de sens au demeurant sur les bracelets électroniques et les semi-libertés dont la pertinence sur des durées très courtes de quelques semaines n’est pas établie.
- revoir le traitement des étrangers en situation irrégulière
Sans posture politique, il faut faire le constat qu’une partie non négligeable de la population pénale est constituée d’étrangers en situation irrégulière. Pour autant, cet ensemble recouvre une réalité très disparate qui va du jeune majeur présent depuis la plus tendre enfance et dont les parents n’ont jamais fait les papiers nécessaires mais qui a vocation à rester sur le territoire aux migrants récemment arrivés sur le territoire vivant dans une précarité absolue et souvent toxicomanes pour lesquels aucune perspective sérieuse d’insertion n’existe. Or, bien souvent, pour les uns et pour les autres, la détention est un temps mort où aucun projet d’aménagement n’est construit du fait de la situation irrégulière et qui le plus souvent se déroule jusqu’au terme de la peine.
Il est donc proposé de prévoir que dès l’entretien arrivant le SPIP fasse le point sur la situation administrative du condamné étranger et que si celui-ci s’avère être en situation irrégulière, il adresse obligatoirement un rapport de personnalité au juge d’application des peines. Celui-ci serait alors tenu d’interroger (sauf dans le cas où l’étranger ferait déjà l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire) les services de la Préfecture qui devraient en retour soit indiquer qu’une régularisation serait possible (dans ce cas, l’étranger pourrait monter son dossier avec le SPIP pour l’envoyer via un canal dédié à la Préfecture ce qui permettrait ensuite de travailler sur sa réinsertion) soit prendre une obligation de quitter le territoire. Dans ce dernier cas, le juge devrait alors convoquer le condamné en débat contradictoire pour envisager une libération conditionnelle avec « expulsion » du territoire qui permet au condamné d’être libéré à mi-peine sous réserve de son expulsion du territoire par la PAF.
- s’attaquer à la détention provisoire
La détention provisoire constitue toujours 20 à 30 % des incarcérations. Outre le fait qu’il y a une anomalie à voir autant de personnes présumées innocentes en détention, il s’agit, en outre, d’un temps mort de la détention où bien souvent les détenus n’ont pas accès notamment au travail et n’ont aucun projet d’insertion sérieux étant incertains sur le sort pénal.
Or, bien trop souvent cette détention provisoire résulte d’une forme de préjugement et non d’une réelle de mesure de sûreté qui serait absolument nécessaire par exemple pour prévenir un risque de fuite.
En outre, la durée excessive de cette mesure résulte du fait qu’elle est à la main des juges d’instruction dont la suppression est plus jamais nécessaire dont la durée des instructions est beaucoup trop longue dans de nombreux cas, nous y reviendrons.
Surtout, l’importance des détentions provisoires résulte du fait que la réforme de 2000 créant le juge des libertés et de la détention est restée inachevée en laissant, in fine, le dernier mot aux chambres de l’instruction en appel. Ainsi, si le juge d’instruction ne décide plus de la détention, ce pouvoir appartient théoriquement à un autre magistrat avec davantage de recul. Néanmoins, ce recul est souvent bien relatif tant il est difficile pour le juge des libertés et de la détention d’aller à l’encontre de ses voisins de couloir juge d’instruction et procureur. Si par extraordinaire, ce magistrat faisait preuve de courage, le parquet peut immédiatement faire appel y compris en demandant une suspension de la décision du JLD en cas de remise en liberté et l’examen de cet appel échoit aux chambres de l’instruction. Or, qui composent les chambres de l’instruction ? D’anciens juges d’instruction dont le rôle est de superviser leurs pairs. Dans ces conditions, il est bien rare qu’une chambre de l’instruction donne raison à un JLD lorsqu’un juge d’instruction souhaite une détention.
Il est donc proposé de transférer la détention provisoire à une chambre de la détention et de l’application des peines dont le président serait nommé par décret et qui serait chargé de statuer sur les appels en matière de détention provisoire et d’application des peines en prenant en compte explicitement parmi les critères pour statuer la surpopulation carcérale de l’établissement du détenu concerné et qui jouerait donc un rôle de pilotage sur cette problématique ce qui n’est pas absolument pas fait par les chambres de l’instruction à l’heure actuelle.
2ème partie : revoir l’architecture de l’institution judiciaire
L’institution judiciaire est à bien des égards une vieille institution archaïque dont certains fonctionnements n’ont guère changé depuis Napoléon voire l’Ancien Régime ce qui entraîne beaucoup de temps perdu et d’inefficacité tandis que par ailleurs, si l’on songe à la justice d’urgence, le système pour compenser doit se montrer souvent expéditif.
Il est donc proposé plusieurs réformes institutionnelles indispensables et préalables à toute augmentation massive de moyens. En effet, qui peut croire que dépenser toujours plus d’argent sur des mécanismes inefficients rendra le système plus efficace ?
- supprimer le juge d’instruction
1991, c’est la date du rapport Delmas-Marty qui préconisait sa suppression et dont les motifs notamment que l’on ne peut pas être « Maigret et Salomon » sont toujours pertinents.
J’ajouterais uniquement en termes d’efficience un rappel sur ce qu’est la fonction de juge d’instruction aujourd’hui. Les juges d’instruction honnêtes reconnaissent officieusement que dans 95 % des dossiers, il ne serve à rien.
En effet, l’essentiel du travail d’un juge d’instruction consiste à réentendre des mis en examen et des victimes redire plus ou moins ce qu’ils ont déjà dits devant les policiers et gendarmes. Leur agenda n’étant pas extensible à l’infini, ces interrogatoires sans fin allongent considérablement la durée des procédures puisqu’il faut trouver la matinée ou l’après-midi pour convoquer les personnes concernées et partant les détentions provisoires qui vont souvent avec perdurent.
Il est donc grand temps, comme d’autres pays l’ont fait avant nous comme l’Italie ou l’Allemagne, de supprimer cette fonction pour à la place transformer le juge des libertés et de la détention en un véritable juge de l’enquête ce qu’il n’est que très imparfaitement aujourd’hui.
- revoir l’administration des tribunaux
Une partie de l’inefficacité de la justice provient de l’inefficacité de son administration. En effet, l’institution judiciaire a inventé un mécanisme original et sans doute unique dans l’administration française la triarchie gestionnaire. Les tribunaux sont en effet gérés conjointement par le président pour les magistrats du siège, le procureur pour les magistrats du parquet et le directeur de greffe pour le greffe, théoriquement sous l’autorité des deux autres mais en réalité avec une grande marge d’autonomie. Il en résulte que la moindre décision concernant la peinture dans les toilettes, le nom de l’agent qui travaillera à l’accueil ou le nombre de ramettes de papier à commander, l’accord et la bonne entente de ces trois chefs aux intérêts parfois antagonistes est nécessaire. Point n’est besoin ici de décrire comment dans la réalité cette architecture institutionnelle dysfonctionne souvent au gré des compétences et des personnalités de chacun. En outre, une telle architecture donne un contrôle très important du parquet sur l’activité des magistrats du siège et il n’est un secret pour personne au sein de l’institution que pour « faire carrière » en tant que magistrat du siège pénaliste mieux vaut être dans les faveurs du parquet pour qu’ainsi le Procureur puisse parler aimablement de vous aux oreilles de son alter ego Président.
A défaut, de séparation statutaire, une séparation administrative du parquet des tribunaux, ce qui est la norme de toutes les grandes démocraties, permettrait d’une part de restaurer l’indépendance des magistrats du siège et d’autre part, de rendre plus efficace la gestion tant de l’un que de l’autre puisque celle-ci ne serait plus dépendante des querelles de personnes.
Il serait au passage intéressant que l’État s’impose à lui-même ce qu’il impose aux autres en s’imposant la rédaction d’un plan pluriannuel de travaux dans chaque juridiction. En effet, l’efficacité de la justice passe aussi par des locaux adaptés et l’immobilier judiciaire est très loin d’attendre un niveau satisfaisant permettant un fonctionnement efficace. En outre, dans les tribunaux qui ne font pas l’objet d’une rénovation d’ensemble, des sommes importantes sont dépensées sans stratégie d’ensemble aboutissant à repeindre un bureau là ou changer une porte ici ce qui n’a qu’un impact très résiduel sur les conditions de travail mais beaucoup sur les finances publiques.
- revoir l’organisation du parquet
La suite logique d’un détachement administratif du parquet serait de revoir complètement son organisation. Il est proposé sur le modèle britannique d’envisager de constituer le ministère public sous forme d’agence ce qui lui offrirait davantage d’indépendance comme pour nos autorités administratives indépendantes mais aussi davantage de souplesse d’organisation.
En effet, c’est au parquet que les moyens manquent le plus mais les augmenter dans le cadre actuel serait guère efficace. Une organisation sous un statut d’autonomie administrative permettrait aux procureurs de définir leurs besoins et de recruter tous les collaborateurs qui leur manquent (chargé de communication, chargé du renseignement criminel (qui est, pour le moment, entièrement laissé à la main de la police et gendarmerie faute de personnel dédié dans les parquets), statisticiens et analystes criminologues permettant d’établir de véritables politiques pénales qui trop souvent se limitent en l’état à la mise en place de mesures alternatives aux poursuites et laissant là encore police et gendarmerie dicter leurs priorités en fonction de leurs analyses de la délinquance locale.
Cela permettrait également de donner un vrai statut et une rémunération adaptée aux assistants spécialisés (comptables, spécialistes de la fiscalité, informaticiens…) pour éviter qu’ils ne soient ensuite débauchés comme souvent à l’heure actuelle par les cabinets d’avocats adverses offrant des rémunérations bien plus intéressantes et ayant ainsi accès aux méthodes et outils des parquets.
Il faudrait, en outre, supprimer les parquets généraux, institution archaïque directement héritée de l’Ancien Régime et dont l’inutilité est telle que la Direction des affaires criminelles a récemment dû monter un groupe de travail pour justifier leur maintien. Outre, l’inutilité des parquets généraux, leur maintien crée un fort ressentiment au sein de l’institution notamment chez les jeunes magistrats du parquet appelés à effectuer des horaires extensibles dans des conditions stressantes tant à l’audience qu’à la permanence moyennant un salaire de 3000 euros par mois qui acceptent difficilement qu’au-dessus d’eux les avocats généraux ne répondent plus parfois après 17 heures malgré leurs 8000 euros par mois de salaire…
A la place, il est donc proposé de créer un ministère public sous forme d’agence par ressort de Cour d’appel avec des bureaux auprès des différents tribunaux, le bureau central assurant également les audiences devant la Cour d’appel. Cela permettrait également de mutualiser les moyens pour ainsi faire profiter le procureur du tribunal moins important des assistants spécialisés du bureau central ce qui n’est pas le cas actuellement chaque parquet conservant l’usage de ses assistants spécialisés, lorsqu’il en bénéficie, de sorte que la majorité des parquets n’ont tout simplement aucune ressource de ce type notamment en matière économique et financière.
- revoir la protection de l’enfance
L’organisation du juge des enfants constitue également une institution dépassée dont le renforcement ne sera véritablement efficace qu’avec une réorganisation institutionnelle.
Pour le moment ce magistrat a une double casquette étant à la fois le juge civil de la protection de l’enfance et donc des parents défaillants sur le plan de l’éducation et le juge des mineurs délinquants. Ce mélange présenté comme une plus-value pour la connaissance du mineur aboutit à sacrifier l’activité pénale au regard de l’importance de l’activité civile à telle point que le code de la justice des mineurs a dû être adopté avec des délais contraints pour permettre que les mineurs délinquants soient effectivement jugés. La soi-disant plus-value des deux fonctions en une reste, en outre, à démontrer, aucune étude sérieuse ne l’ayant établi d’autant que les mineurs délinquants ne sont pas forcément suivis en assistance éducative.
Il est donc proposé une séparation des activités civiles et pénales du juge des enfants.
L’activité civile serait repensée pour confier au juge un rôle d’arbitre entre le mineur, ses parents et la protection de l’enfance.
Le mineur serait représenté par une autorité administrative indépendante de pleine exercice qui serait à nouveau autonome, le défenseur des enfants chargé d’assister le mineur et de représenter ses intérêts. Informé des situations préoccupantes, ce défenseur pourrait saisir l’Aide Sociale à l’enfance et le juge en cas de défaillance de l’Aide Sociale à l’enfance ou contre les décisions de celles-ci qu’il jugerait contraire aux intérêts du mineur. De la même manière, les parents pourraient exercer des recours contre les décisions de l’Aide Sociale à l’enfance leur imposant des mesures éducatives.
Enfin, l’Aide sociale à l’enfance devrait saisir le juge mais uniquement pour voir ordonner le placement du mineur.
De cette façon, la légitimité du juge serait restauré en tant qu’arbitre de la procédure d’assistance éducative. En l’état, il existe une confusion entre le juge des enfants qui est le gestionnaire « juridique » de la mesure de protection de l’enfance pouvant, une fois saisi, par exemple imposé un placement aux parents et à l’Aide Sociale à l’Enfance et celle-ci qui est le gestionnaire de fait décidant ou non d’appliquer les décisions du juge suivant son bon vouloir et ses moyens financiers.
Pour compléter cette nouvelle architecture, le Défenseur des enfants pourrait saisir le juge pour demander la condamnation de l’Aide Sociale à l’Enfance au paiement d’astreintes voire de dommages-intérêts en cas d’inexécution des décisions favorables au mineur ou de défaillance dans sa prise en charge.
En repositionnant le juge dans un rôle d’arbitre, en créant une nouvelle partie chargée de représenter les intérêts du mineur et ouvrant la possibilité de sanctions financières pour les ASE défaillantes, cette nouvelle architecture pourrait améliorer considérablement le dispositif largement défaillant de la protection de l’enfance.
En outre, la présence du défenseur des enfants permettra de retirer le parquet du dispositif lui permettant de consacrer davantage à ses missions pénales.
Enfin, le juge des enfants serait entièrement recentré sur ses missions pénales devenant ainsi plus efficace, plus spécialisé et permettant une diminution des délais de jugement en la matière.
- miser sur l’intelligence artificielle plus que sur les juristes assistants
La grande idée de ces dernières années est la création du juriste assistant pour seconder le magistrat. Louable en soi, l’idée a fait l’objet d’une mise en œuvre chaotique qui sera sans doute prochainement épinglée par la Cour des comptes. Avec un fonctionnement digne de la bureaucratie soviétique, la chancellerie a évalué de façon centralisée les besoins des juridictions sans que celles-ci ne soient sollicitées pour faire remonter et justifier leurs besoins en définissant préalablement profils de poste et surtout gains d’efficacité recherchés et argumentés.
C’est à l’inverse l’administration centrale qui a attribué les postes ouverts, à charge, a posteriori, aux juridictions de définir des postes pour occuper les personnes ainsi recrutées. Point n’est besoin de dire que cela ne s’est pas toujours produit avec la plus grande efficacité d’autant que la chancellerie n’a jamais défini précisément les tâches devant être confiées aux intéressés qui varient donc d’une juridiction à l’autre et d’un service à l’autre. En outre, aucune formation sérieuse n’a été organisée et les magistrats ont souvent perdu un temps précieux à former sur le tas voire ont préféré occuper les juristes recrutés à des tâches extrêmement basiques par manque de temps ou de volonté de les former.
En résumé, cette innovation est pour le moment largement un échec. Surtout, elle arrive à contretemps. En effet, que pourrait-faire un juriste assistant pour améliorer la productivité du magistrat ? Préparer un projet de jugement en résumant les « prétentions et moyens » (leurs arguments) des parties et proposant un début de solution à partir de recherches juridiques et des décisions précédentes du magistrat.
Il suffit de s’intéresser aux développements en cours sur l’intelligence artificielle pour comprendre à quel point ce travail pour utile qu’il pourrait être ce travail sera rapidement obsolète si à la place, les magistrats étaient dotés d’un véritable logiciel d’aide à la rédaction comprenant un outil d’intelligence artificielle dédié qui, à partir des arguments des parties et des décisions antérieures du magistrat, pourrait facilement proposer un projet de rédaction que le magistrat pourrait ensuite affiner ou modifier à sa guise. On imagine néanmoins la révolution en termes de productivité avec un tel outil si la rédaction d’un jugement civil d’une journée ne prenait plus que deux heures.
Voilà sans doute des perspectives de gain d’efficacité et de réduction des délais bien plus prometteurs que le recrutement chaotique d’assistants.