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Billet de blog 20 avril 2019

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Echec ou réussite de l’aide internationale en Haïti ?

Six jeunes de la nouvelle promotion du Collectif des Universitaires Citoyens ont publié (2e trimestre 2016, Imp. Media-Texte) un livre intitulé « La guerre des diplomates en Haïti. Quand Ricardo Seitenfus veut sauver son Brésil ». C'est une lecture critique du livre « L’échec de l’aide internationale à Haïti : Dilemmes et égarements » écrit par le diplomate brésilien Ricardo Seitenfus en 2015.

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Jefferson BELIZAIRE, Stéphanie BALMIR, Méleck JEAN-BAPTISTE, Wisline LOUISSAINT, Patrick SAINT-PRE forment l'équipe ayant fait, sous la direction du professeur Hérold TOUSSAINT, la lecture critique du livre du diplomate brésilien. Ce dernier avait fait beaucoup de bruits dans le pays et ailleurs, avec son approche critique de la férocité de la diplomatie occidentale en Haïti et de l’indifférence des différentes élites du pays. Nos élites n’ont jamais joué leur véritable rôle dans la lutte pour le bien commun.

Selon Seitenfus, plusieurs acteurs sont responsables des différents échecs et déceptions de la solidarité dite internationale en Haïti : les puissances européennes et nord-américaines en complicité avec les élites locales, les organisations non gouvernementales transnationales. Ricardo Seitenfus a raison de critiquer les acteurs politiques et les élites économiques qui n’ont jamais contribué à l’avancement du pays. Il a aussi raison de dénoncer les acteurs de la communauté dite internationale qui infantilise le peuple haïtien en persistant à « aider » ce dernier suivant leurs propres intérêts et stratégies. Il n’a pas oublié les organisations non gouvernementales transnationales qui profitent de la misère du peuple haïtien juste pour pouvoir mobiliser des fonds. Par ailleurs, le Brésil joue un rôle fondamental dans la mission des Nations unies en Haïti. Il est le chef de cette mission qui oriente les décisions internes du pays. Pourquoi le leadership du géant de l’Amérique du Sud est-il traité différemment par l’auteur ? Le Brésil est-il vraiment ce partenaire qui ne veut que du bien pour Haïti ? Le Brésil n’a-t-il pas le désir de s’affirmer comme un leader mondial en vue d’être accepté au Conseil de sécurité des Nations unies ? Le Brésil de Ricardo Seitenfus est-il différent des autres puissances occidentales ne respectant pas le principe de non-intervention et de l’autodétermination des peuples ? Ne fait-il pas également partie des axes du mal ? Voilà les questions auxquelles les jeunes cucistes essaient de répondre dans le livre.

Selon les jeunes penseurs du CUCI, Seitenfus a camouflé la stratégie du Brésil, consistant à prendre les commandes de la Mission des Nations unies en Haïti pour s’imposer comme leader capable d’obtenir le siège permanent qu’il convoite au Conseil de sécurité des Nations unies. À travers cette mission, le Brésil de Ricardo Seitenfus veut affirmer ses potentialités diplomatiques et militaires. Les jeunes sont conscients que tous les membres de la communauté dite internationale (y compris le Brésil) ne font que défendre leurs propres intérêts politiques, géopolitiques, économiques, stratégiques, etc. Haïti est autant une victime du jeu du Brésil que celui des puissances européennes et nord-américaines. La diplomatie dite solidaire prônée par le Brésil est aussi cruelle que celle des autres puissances. Le Brésil n’est pas vraiment ce pays dont le seul intérêt est de voler au secours d’Haïti. En ce sens, le livre de Ricardo Seitenfus est une stratégie de défense des intérêts du Brésil en Haïti. Toutefois, les critiques qu’il a faites de la communauté dite internationale, des organisations non gouvernementales transnationales et des élites locales ont toute leur place dans la compréhension de la difficile condition d’Haïti. Pour ces jeunes chercheurs en puissance, c’est aux Haïtiens (nes), après tout, de se responsabiliser, de prendre leur destin en main, de réorienter les ressources nationales et même celles venues de l’étranger. C’est à nous de défendre les intérêts d’Haïti. Unissons-nous en faveur d’un projet de société viable ! Voilà les messages-clés de l’ouvrage.

Tout compte fait, l’aide internationale en Haïti est-elle vraiment un échec ? En quoi consistent les vrais objectifs de l’aide internationale ? L’aide n’est-elle pas conçue même comme obstacle au développement des pays appauvris ? Peut-on vraiment orienter l’aide internationale vers l’investissement productif ? Est-ce que le plan de la communauté dite internationale -en complicité avec les organisations non gouvernementales transnationales et les différentes élites du pays- n’a pas toujours été de maintenir le pays dans sa situation de misère et de dépendance extrême à travers l’aide? Qui profite de cette crise chronique et persistante à laquelle fait face le pays ? Les auteurs du livre ne sont pas dupes. Ils sont conscients que la misère du peuple haïtien constitue une manne pour les organisations non gouvernementales transnationales, les puissances occidentales, le Brésil et les élites du pays. Ils sont également conscients que l’aide internationale -qu’elle soit alimentaire, technique, financière, commerciale ou autre- est conçue en vue de contrôler certaines zones géostratégiques. C’est un instrument important pour s’immiscer dans les affaires internes des pays dits sous-développés et pour maintenir l’ordre mondial dominant. L’aide étrangère n’a pas pour objectif d’améliorer les conditions matérielles d’existence de la population. Dans l’histoire de l’humanité, il n’existe aucun pays qui puisse sortir de la pauvreté par les mécanismes de l’aide. Au regard de ces considérations, ne faudrait-il pas plutôt parler de la réussite de l’aide internationale en Haïti ?

Ricarson DORCE

dorce87@yahoo.fr

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