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Billet de blog 25 avril 2017

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Le 23 avril n’est pas une défaite, c’est un contretemps.

État des lieux de la France insoumise après le premier tour

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Les résultats

Comme en 2012, nous faisons une campagne magnifique, comme en 2017, notre candidat termine quatrième. Mais nous passons de 11 à 19,5%, nous avons failli renverser la table. C’est une poussée spectaculaire, après une campagne longue de plus d’un an, durant laquelle notre porte-parole a reçu une aide mesurée des formations de feu le Front de gauche, donnée de mauvaise grâce mais compensée par un puissant élan populaire et citoyen.

Depuis 2012, nous avons gagné plus de trois millions de voix. Nous étions à 6,8% du FN, nous sommes maintenant à 1,7%. Nous avons raté la qualification au second tour de  600.000 voix, alors qu’il en avait manqué près de 6 millions en 2012. C’est un résultat inespéré il y a encore deux mois ! Comme on dit en Belgique « on joue avec », nous somme dans la même catégorie que le mouvement de Macron, LR et le FN !

Examinons nos concurrents : le PS est pasokisé, enfin. Macron est à la tête d’un attelage hétéroclite, et va recycler toutes les vieilles faces du passé, tous ceux qu’on voulait voir dégager. Quant à la progression du FN, elle est largement freinée. Rappelons que ça fait cinq ans qu’on annonce Marine Le Pen en tête de la présidentielle, avec des scores au dessus de 25%. Le FN « premier parti de France » est un slogan qui ne servira plus très souvent. Enfin, la droite ex-UMP est écartée du second tour, mais cela ressemble à un accident dû aux révélations sur les malversations de son candidat plutôt qu’à une véritable position de faiblesse. Cela reste un bloc puissant, mais qui pourrait très vite être instable, car ces gens-là n’aiment pas la défaite, et les couteaux risquent de sortir rapidement des fourreaux.

Sur la carte des résultats, on voit beaucoup de noir c’est sûr, mais il cache beaucoup de rouge : nous sommes deuxièmes en Nord-Pas-de-Calais et Picardie, en Bretagne, en Aquitaine, nous échouons à quelques milliers de voix de la première place en Midi-Pyrénées et Languedoc, nous ne sommes pas si mal en PACA… Nous sommes assez loin derrière dans l’Est, mais avec des résultats quand même honorables, et un beau pourcentage en Meurthe-et-Moselle. Nous sommes en fait présents partout, presque toujours au-dessus des 15%.

Surtout, nous gagnons dans les villes : Lille, Tourcoing, Le Havre, Toulouse, Montpellier, une partie de Marseille, Grenoble… Nous gagnons même des départements entiers. Ce sont des places fortes, qui devraient nous donner beaucoup de députés.
 

La revanche du Oui.

Depuis le référendum de 2005, la France ne cesse de donner des résultats électoraux paradoxaux. Le Non l’avait largement emporté, mais dès l’élection présidentielle suivante, les deux candidats au second tour étaient des partisans du oui, après une campagne où la question européenne avait été très peu abordée il est vrai. En 2012, deux partisans du Oui encore au second tour, mais cette fois, l’un des deux promettait de renégocier les traités, pour le résultat qu’on sait…

Cette fois, le camp du Oui s’est trouvé un avenant champion, l’européiste le plus béat, le chantre de la mondialisation heureuse, qui est déjà allé ramper à Berlin, et qui promet de s’agenouiller tant qu’il le faudra devant Bruxelles. Ce camp va pouvoir prendre une revanche éclatante en terrassant à bon compte le Non, défendu par sa représentante la plus détestable (encore que, vu le manque d’épaisseur de Macron, il risque de se faire déchiqueter lors du débat,  mais cela ne devrait pas remettre sa victoire en question).  Cependant, pour gagner, ce camp du Oui a dû fusionner, rassemblant derrière son candidat les centristes, la majorité des socialistes et une partie de la droite ex-UMP, et cet attelage, s’il est premier en voix, est largement minoritaire face aux formations qui veulent à des degrés divers une confrontation avec l’UE : FN, France insoumise, électorat de Dupont-Aignan, tous les autres petits candidats, et même Hamon, qui au moins en paroles, voulait autre chose de l’Union européenne. Je mets de côté Fillon, car j’ai l’impression qu’une partie de son électorat penche du côté du non, lui-même ne semblant pas un partisan acharné de l’UE.

L’élection de 2017 produit donc un résultat encore plus paradoxal que les précédentes : une France de plus en plus critique vis-à-vis de l’UE va élire comme président un eurolâtre chimiquement pur, chantre de l’indépendance d’une France bonne élève de l’Europe forte qui nous protège dans un Monde qui bouge.    

Amertume

La non-qualification au second tour est douloureuse pour notre camp parce que le programme était enthousiasmant, et qu’il y avait tant à faire pour remettre la France sur le chemin du bonheur, et parce que nous étions prêts à gouverner, mais on peut considérer que ce n’est que partie remise vu nos progrès. Ce qui est rageant, c’est de savoir que cinq ans de souffrances pour la majorité sont encore à prévoir, alors que c’est la fête chez les Gattaz, Pujadas, Drahi, Niel, Mulliez, Elkrieff, Joffrin, BHL, la liste est longue.

Il est également douloureux de constater qu’un programme de casse sociale, porté par un escroc, menteur et traître à sa parole recueille plus de voix qu’un programme de progrès, présenté par un humaniste à l’honnêteté irréprochable, qui a pour principal défaut de ne pas vouloir cracher sur les tombes de Mitterrand, Chavez et Castro. En fait, Fillon est soutenu par ce qu’on pourrait appeler le « bloc incivique », des millions de gens qui réclament la prison pour les voleurs d’œuf et la réduction drastique des indemnités de chômage, mais qui voient la fraude fiscale comme une pratique normale et saine, et qui considèrent que Fillon, en mettant sa vie au service de la sauvegarde de leurs intérêts, s’est privé de la lucrative carrière privée que ses immenses talents lui promettaient assurément. Ils trouvent donc tout à fait normal que François compense le manque à gagner en pratiquant quelques arrangements avec l’esprit des textes. A la décharge de ce « bloc incivique », on concèdera qu’ils n’ont pas été aidés à se faire un avis plus lucide à propos de ces révélations par des médias qui les ont presque toujours traitées comme des péripéties, des obstacles politiques, mais jamais comme des problèmes de moralité.  

Second tour : l’opposition à Macron a commencé dimanche à 20h00. 

JLM n’a pas voulu donner de consigne de vote dimanche, il a eu raison. Mon avis est que nous devrions choisir l’abstention. Macron n’est évidemment pas Le Pen, mais son programme, on le connait, c’est de tout saccager, avec le sourire.

La politique de Macron mène à Le Pen, encore plus vite que celle de Sarkozy et de Hollande précédemment. C’est un désagrément passager de se faire houspiller par les donneurs de leçon médiatiques, qui ont ainsi un os à ronger, mais dans quelques mois, quand Macron sera devenu le énième président recordman de l’impopularité, ce sera une satisfaction de ne pas avoir contribué à son élection.

La suite du combat.

L’après présidentielle de 2012 a été mal géré, avec une démobilisation dès les législatives, menées sans ligne directrice nationale, ce qui a contribué à asphyxier le Front de gauche, déchiré entre la ligne d’autonomie intégrale vis-à-vis du PS et celle de la coopération locale.

Aujourd’hui, nous avons le devoir de ne pas laisser retomber le soufflé, et d’attaquer les législatives tambour battant, pour faire élire un maximum de députés, et ainsi devenir une force incontournable au parlement, un bloc qu’on ne pourra plus museler aussi bien dans le travail législatif que dans l’arène médiatique. Difficile de faire des prédictions entre les règlements de compte  à venir chez LR, l’explosion du PS et la recomposition des libéraux autour de Macron. Le jeu semble en tout cas ouvert. Pourquoi ne pas envisager 50, 80, voire même 100 députés de notre camp ?

A suivre…

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