A MEDITER ET A IMITER !
Comment des parents privés de papiers ont obtenu de haute lutte
pour leurs cinq enfants et pour eux-mêmes le droit de mener une vie normale…
Souad et Halim B. avaient en Algérie une vie plutôt confortable lorsque les médecins ont découvert chez leur fille aînée Fatima une très grave pathologie cardiaque qui, malgré plusieurs tentatives, s’est révélée impossible à soigner en Algérie. Ils ont alors fait ce que tout parent ferait : ils ont vendu leur maison, ramassé leurs affaires et se sont rendus dans un pays où leur enfant pourrait être sauvée, en l’occurrence la France. Ils sont arrivés en 2015, Fatima a été opérée et sauvée mais elle doit continuer à être suivie. «L’état de santé de l’enfant […] nécessite un suivi dans un centre hautement spécialisé […]. Le retour dans le pays d’origine impliquerait un risque vital faute de structure médicale adaptée » attestent plusieurs certificats de l’hôpital Robert Debré. Mais le préfet des Hauts-de-Seine n’a que faire de la survie d’une gamine de 10 ans ! Son problème est de délivrer le maximum d’OQTF (Obligation de quitter le territoire français) et de procéder au plus grand nombre possible d’expulsions. Sarkozy assignait ouvertement des objectifs chiffrés aux préfets et promettait une prime à ceux qui les atteindraient. Les choses sont aujourd’hui plus discrètes… pas sûr que le ministre de l’Intérieur soit indifférent à la « qualité » des résultats des préfets…
Quoi qu’il en soit, le préfet des Hauts-de-Seine, Laurent Hottiaux –tout droit sorti du cabinet d’Emmanuel Macron et par ailleurs mentionné dans l’affaire Benalla— délivre une OQTF aux parents de cinq enfants : Fatima, 10 ans, alors élève de CM2, dans une école d’Issy les Moulineaux, Amina, 9 ans, élève de CM1 dans une autre école d’Issy, Anissa 5 ans, Yamina 4 ans, élèves de maternelle et Aïcha âgée de quelques mois. Les trois cadettes sont nées en France et auront un jour la nationalité française… si Darmanin échoue à supprimer le droit du sol.
Ayant cinq enfants à nourrir, Halim se débrouille –comme tous les sans-papiers, tout le monde le sait !- pour continuer à gagner de l’argent… honnêtement, il va sans dire ! Parallèlement, il prend contact avec le Réseau Education sans frontières (RESF) avec qui il rend visite aux directrices des trois écoles des enfants, prend contact avec leurs enseignants, les associations de parents d’élèves et les syndicats. Une pétition demandant la régularisation des parents est rédigée. Les directrices des écoles rédigent chacune une lettre de soutien, la FCPE,
La demande d’audience reproduite ci-dessous a été adressée au préfet du 92 Laurent Hottiaux (ancien du cabinet d’Emmanuel Macron, c’est dire !)
Monsieur le Préfet,
Les signataires de ce courrier sollicitent une audience en préfecture de Nanterre pour demander la délivrance de titres de séjour Vie privée et familiale à Souad K, et à son mari Halim B., parents de cinq enfants : Fatima, 11 ans, élève de CM2 à l’école X (Issy-les-Moulineaux), Amina 10 ans, élève de CM2 à l’école Y (Issy), Anissa, 6 ans et Yamina, 4 ans, élèves de maternelle à l’école Z (Issy) et Aicha, 6 mois.
Leurs parents sont venus en France en 2015 pour que Fatima qui souffrait d’une grave malformation cardiaque soit opérée et sauvée. Elle l’a été mais comme ses médecins l’attestent, son retour en Algérie lui ferait courir de très graves risques.
Devant s’occuper de cinq enfants tout jeunes, leur mère ne peut pas travailler. Leur père bénéficiait d’un CDI (entreprise X à l’aéroport Charles De Gaulle) jusqu’à ce que le droit de travailler lui soit retiré. Il y était très apprécié, raison pour laquelle l’entreprise lui a accordé un congé sans solde d’un an pour qu’il retrouve son emploi quand il sera de nouveau autorisé à travailler. Ce congé sans solde vient d’être exceptionnellement prolongé jusqu’en décembre. Il a reçu les félicitations de sa direction pour avoir continué à travailler pendant le confinement. 250 de ses collègues ont signé la pétition demandant un titre de séjour pour les parents B . Cette pétition a aussi été largement signée dans les écoles des enfants à Issy les Moulineaux : 70 signatures de parents à l’école X, 51 signatures à l’école Y, 187 signatures à l’école Z. Elle a enfin recueilli plus de 400 signatures sur le site RESF et 150 signatures papier dont celles de Mme Jacqueline Belhomme (maire de Malakoff) et de M. Sébastien Vincini, président du Conseil départemental de Haute-Garonne.
Nous souhaitons donc qu’une délégation soit reçue en préfecture pour obtenir que des titres de séjour soient délivrés en urgence à Souad et Halim B.
Espérant une réponse rapide, compte-tenu de la gravité de la situation, nous vous prions, Monsieur le Préfet, d’agréer l’expression de nos salutations respectueuses.
FSU SNUiPP 92, SUD Education 92, Union locale FO Issy-les-Moulineaux
FCPE 92, Union locale FCPE Issy-les-Moulineaux, Stéphanie Andrieu, Parent élève PEEP école St-Exupéry
RESF 92
Pièces jointes
- Certificat médical Fatma B. (hôpital Robert Debré)
- Courrier orthophoniste Fatma
- Courrier directrices école X, école Y, enseignants de Fatma
- Remerciement direction X et accord congé sans solde
- Soutien CGT X, UNSA X, FO X, CFTC X
- Pétition soutien famille B
Quelques jours à peine après que ce courrier ait été expédié, Halim et Souad recevaient un rendez-vous à la préfecture de Nanterre pour cinq jours plus tard ! Record du monde de vitesse à la préfecture de Nanterre !
Ils sont ressortis de ce rendez-vous avec chacun un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travail ! Champagne !
Une affaire qui montre que, quand les décisions odieuses des préfectures sont mises sur la place publique et quand les enseignants, les parents d’élèves, les syndicats, les associations se mobilisent, ils peuvent faire reculer les autorités et imposer que les droits des enfants et des parents soient respectés ! A méditer, à imiter !
Richard Moyon, Militant du RESF (Réseau Education sans frontières)