Ci-dessous le discours que je rêve d'entendre de la bouche de ma/mon candidat(e) préféré(e) aux élections présidentielles et aux autres.
Discours sur la dalle d'Argenteuil
Ma présence, sur la dalle d’Argenteuil est le symbole d'une époque nouvelle. En octobre 2005, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur était venu ici à la tête d'une armada policière pour insulter publiquement les jeunes des quartiers. Ni le lieu, ni la date n'étaient dus au hasard. A 18 mois d'une élection présidentielle à laquelle il se préparait ouvertement, il plaçait sa candidature et sa future présidence sous le signe de l'amalgame délibéré entre incivilités, délinquance, jeunesse des quartiers et immigration.
Sept ans plus tard, à quelques semaines d'une nouvelle élection présidentielle, je suis venu vous dire autre chose, autrement. Je suis venu solder ce passé dont il n'y a pas lieu d'être fier pour qu'une nouvelle page de notre histoire puisse enfin s'ouvrir.
Je dis avec force que les temps ont changé. Pendant des dizaines d'années, l'immigration a été présentée comme "une question", un "problème" et rendue responsable de nombre des maux de la société. Je proclame ici, à Argenteuil, là où le président sortant avait proféré l'insulte, que ce propos était démagogique dans son intention, grossier dans sa forme, mensonger sur le fond. Il était enfin, pour finir, celui d'un homme dépassé, reclus à l'Elysée qui n'a pas vu le peuple évoluer.
Oui ! Les choses ont changé dans la société, en profondeur, et ce que vous êtes tous ici aujourd'hui le proclame avec force. La société française c'est vous et nous, des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux, des blancs, des blacks, des beurs, des berrichons et des chrétiens depuis le temps des gaulois (ils ne sont pas les plus nombreux), des juifs et des roms et la multitude des citoyens qui vivent dans ce pays, venus au fil de l'histoire d'Italie, de Pologne ou d'Algérie, et maintenant du Mali, du Sri Lanka ou de Géorgie .
La droite et l'extrême droite se répandent depuis des décennies en propos flirtant avec le racisme, accumulant les amalgames faciles : immigrés /chômeurs disait Le Pen en 1980, immigrés/délinquants reprend Sarkozy en 2012 : selon eux, il existerait des vrais français, de souche, et des citoyens de seconde zone, les « immigrés ». Ils le ressassent avec tant de constance avec une double intention.
Faire croire qu'il y a "un problème de l'immigration" en France et qu'elle serait responsable de tous les maux
Tenter de ramasser les voix de ceux qui se sentent oubliés, maltraités, méprisés et qui se retrouvent dans les promesses ronflantes de Marine Lepen .
Non, l'immigration n'est pas un problème, et elle n'est pas responsable de tous les maux. Oui, il y a des problèmes dans notre société, de vrais problèmes que vous vivez tous, toutes origines confondues, qui créent du malheur et du mal-être dans les familles et dans les générations.
Mais imputer la responsabilité du chômage, de la délinquance, de la baisse du niveau scolaire, du mal-logement à l'immigration est une contre-vérité qui embrouille tout et ne résout rien. D'abord parce que les faits et les chiffres avancés sont le plus souvent mensongers, partiels ou biaisés quand ils ne sont pas simplement inventés. Mais aussi parce que c'est une façon de se refuser de traiter les problèmes. La vraie question n'est pas l'origine géographique ou nationale des chômeurs ou des délinquants. Elle est le chômage et la délinquance. Et si des "immigrés" y sont impliqués, comme d'autres catégories de la population le sont, c'est parce qu'ils sont une composante de cette population, qu'ils vivent ici et qu'ils représentent une partie de tout ce qui se produit dans le pays : les accidentés de la route, les membres de clubs de sport, les gagnants de la loterie nationale, les titulaires du brevet de secourisme ou les prix Goncourt ! Il y a des immigrés chômeurs et des immigrés délinquants, des immigrés secouristes et des immigrés prix Goncourt dans la même proportion que dans la catégorie sociale à laquelle ils appartiennent.
Il se produit à Argenteuil comme, hélas, dans bien d'autres villes ou quartiers des délits, des trafics, des faits illégaux, qui empoisonnent la vie d'un quartier. Il s'y produit aussi, parfois, des événements dramatiques et révoltants. Vous le savez comme moi. Peut-être même mieux que moi. Ces faits doivent être sanctionnés. Il est normal dans un état de droit que ceux qui commettent des délits soient punis. Tous les délits, petits ou grands, doivent être sanctionnés, à la mesure de leur gravité.
Mais pour que la justice soit acceptée, elle doit être juste. Aussi sévère avec le petit qu'avec le puissant. Ce n'est pas toujours le cas, tant s'en faut. Si je suis élu, j’engagerai toutes mes forces à mettre en place une justice qui condamne aussi sévèrement la délinquance des riches que la délinquance de la rue, la corruption et les abus de biens sociaux commis par ceux qui détiennent des pouvoirs que le vol de scooter ou le deal dans la cité des 4000.
Les délits doivent être punis, je l'ai dit. Mais ils doivent aussi être prévenus dans toute la mesure du possible. Education, prévention, lutte contre la récidive seront parmi mes priorités.
Mais ces engagements sont sans relation avec l'immigration tant il est vrai qu'il faut que l'immigration cesse d'être délibérément mêlée à des questions qui ne la concernent pas, ou pas plus que le reste de la population. Et que jamais plus on ne voie un dirigeant politique se rendre dans une cité dont beaucoup d’habitants sont d’origine étrangère, pour provoquer les jeunes, sous prétexte de combattre la délinquance. Son message était clair : la "racaille" qu'il dénonçait était les jeunes, d'abord les jeunes d'origine étrangère et, par extension, les habitants de ce quartier, pour beaucoup immigrés, coupables insinuait-il, d'avoir trop d'enfants, de ne pas savoir les éduquer, de ne pas respecter les valeurs de la République, etc.
Rendre l'autre, l'étranger, l'immigré, responsable de tous les maux, ouvertement ou insidieusement est l'ultime recours de ceux qui n'ont pas d'idées. La crise du logement ? L'immigration ! Le chômage ? L'immigration ! La délinquance ? L'immigration, vous dis-je ! La baisse du niveau scolaire ? Les enfants d'immigrés ! La vache folle ? L'immigration ? Fukushima et la canicule ? L'immigration, bien sûr ! Incapable d'apporter des solutions aux lourds problèmes que sont le chômage ou l'insécurité, ce gouvernement choisit de dramatiser pour ramasser des voix, et y mêle systématiquement l’immigration , même si, et surtout si, elle n'a rien à y voir.
Ce n'est pas pour rien que Le Pen a offert à Guéant une carte gratuite de membre d'honneur du Front national !
Très nombreux parmi vous sont ceux que les propos anti-immigrés de Sarkozy et de ses ministres blessent et offensent. Leurs insinuations englobent toutes celles et ceux qui, quelle que soit leur nationalité, ont un physique, un teint, une couleur de peau, un nom, une religion qui témoignent de ce qu’ils ne sont pas blancs et chrétiens depuis la nuit des temps. Mais ils blessent aussi tous ceux qui, Français dits "de souche" ou pas, qui ont honte d'entendre des responsables politiques s'abaisser à de tels discours. C’est à dire une grande partie de la population qui vit en France, où un Français sur 4 a un grand parent d’origine étrangère. Tous sont atteints, blessés par ce mépris, bien au delà des "sans papiers" et des « jeunes des banlieue », souvent explicitement désignés. Lorsque le ministre Hortefeux "plaisante" en disant « quand il y en a un, ça va, c’est quand ils sont nombreux qu'il y a des problèmes », il agresse des millions de personnes, le plus souvent françaises, et parfois depuis des générations, de tous âges et de toutes conditions : des profs, des employés de bureau, des commerçants, des ouvriers, des patrons, des restaurateurs, des médecins, des taxis, des boulangers, des garagistes, des avocats, etc, et même parfois, trop rarement, des députés ou des ministres.
Et si on leur ajoute celles et ceux qui travaillent avec eux, qui font du sport, de la musique ou de la danse avec eux, qui sont leurs voisins, leurs amis, leurs amoureux, celles et ceux qui vivent avec eux et font des enfants avec eux… cela fait la population française dans son écrasante majorité et sa diversité.
Je veux m'adresser à tous ceux-là pour leur dire qu'ils sont ici chez eux, tous, parce qu'ils y vivent, y étudient, y travaillent, y apportent leur part à ce qu'est la société française du XXIe siècle comme tout un chacun. Beaucoup sont citoyens de plein droit de ce pays et, en tout cas, leurs enfants le seront à coup sûr.
Vous jugerez peut-être ces propos faciles, venant d'un politique mais je n'ai pas de promesses à faire ici. J'ai des convictions qui se sont forgées au contact de nombre de nos concitoyens qui montrent au quotidien, dans toutes les couches de la société, que vivre ensemble est possible, que l'immigré de fraiche date ou de plus ancienne, c'est d'abord et surtout le copain de classe de leur enfant, le plongeur du restaurant, le camarade de chantier et de plus en plus, le gendre Abdel ou la cousine Mariama qui entrent dans les familles. Mohamed est maintenant un prénom français, tout autant que José, Boris, Claude ou Carla. La réalité de la population de ce pays est là ! Pas dans les représentations héritées du temps des colonies qu'en donnent Le Pen et Guéant.
La preuve ? Entre autres, la solidarité active de secteurs entiers de la population française avec les sans papiers. Le mythe de « l’immigration » présentée comme dangereuse ou malfaisante se brise sur la réalité quand on la présente sous son vrai visage : celui de l’élève que rien ne distingue de ses camarades, celui du copain de classe ou de club de sport de ses enfants, celui de la dame qui vient chercher ses enfants à l’école, celui du plongeur ou du cuisiner de resto d’à côté ou le mécano du garage, voire grâce aux efforts de Guéant, le prof interdit d'enseigner que demandent ses élèves, le médecin qui fait défaut à l'hôpital ou le diplômé d'une grande école que son entreprise réclame. Ces milliers de manifestations de solidarité, de la pétition à l’hébergement d’enfants, du mail en préfecture aux rassemblements, ces gestes en faveur des travailleurs sans papiers en grève, reflètent le fait que la population de ce pays est mature, bien plus en réalité qu'on ne le pense communément et bien davantage en tout cas que l'image insultante de l'abruti cocardier que voudraient en donner Le Pen, Sarkozy, Guéant.
Il faut maintenant que le discours politique intègre ce fait. La population de ce pays se sait métissée, elle l'assume et le revendique. Même si comparaison n’est pas raison, nous sommes peut-être aujourd’hui, en France, dans une situation analogue à celle des Etats-Unis il y a cinq ans. Personne, aucun observateur, aucun dirigeant, n’aurait alors misé un $ sur l’élection du métis Obama. Et pourtant ! La population américaine a montré avec éclat qu’elle était en avance sur ce que croyaient ses dirigeants et les observateurs.
Je ne suis pas Obama, l'Obama à la française. Mais je prends l'engagement devant tous de faire tout ce qu'il faut pour qu'un jour, moins éloigné qu'on ne le croit, on ait la fierté d'élire un président ou mieux une présidente de la République française dont le visage dira qu'il n'y a pas que du Gaulois dans son patrimoine génétique
Ca ne résoudra pas les autres problèmes, pas plus que l'élection d'Obama n'a transformé les Etats-Unis en paradis. Mais ça tordra le cou au racisme et aux divisions héritées d'un autre âge. Et, quand même, ce sera un vrai progrès.