En réponse à Dieudonné

Il s’agissait de Sakineh, ma sœur, si vous me passez le jeu de mot, pour laquelle je m’étais levé en juillet, dès que j’avais eu connaissance du drame fou. J’ai donc été attentif à la conférence de presse de Dieudonné, j’étais surpris à l’idée que cet homme sulfureux puisse avoir de l’empathie pour cette femme.
J’ai donc appris qu’il est un militant contre la peine de mort, preuve que tout n’est pas noir dans sa pensée, mais cet engagement, de nos jours, ne mange pas de pain comme on dit. Pour le reste, il défend bec et ongles le régime théocratique et agressif actuellement en place à Téhéran, on le savait. Il parait même qu’il fait bon vivre dans l’Iran des Ayatollahs, que tout y est calme et que la liberté et la prospérité règnent. C’est probablement vrai dans le cercle de ses amis en place ; les ors du pouvoir et une suave politesse règnent toujours dans l’entourage des dictateurs. Il en était sûrement de même chez Amin Dada et chez Bokassa quand on était de leurs amis et on avait droit au « sex paradise » de l’un et aux diamants de l’autre. C’était donc une mission humanitaire de témoignage dans les arcanes du pouvoir islamiste (on met l’humanitaire à toutes les sauces) et parait-il de repérages au financement d’un film.
Il n’a pas vu les fantômes noirs de femmes qui ne sont que des ombres dans les rues. Il n’a pas vu les polices religieuses et les milices. Il n’a pas vu la misère et le développement de la consommation de drogues, il n’a vu que de la joie. Probablement celle qu’il rêve d’offrir à sa fille et au parrain de celle-ci, Jean Marie Le Pen à faire jouer dans la serrure de la notoriété.
Il a vu le dossier d’enquêtes qu’il a pu lire en Farsi parce qu’il est cultivé et sait lire toutes les langues et qu’il croit tout ce qui est écrit ; il y libère sa conscience parce qu’il a la conscience farcie d’humanité. D’ailleurs quand il a vu Sakineh, dans sa prison, avec ses geôliers, il n’a pas vu l’once d’une peur dans le regard de la femme promise à la mort et déjà fouettée, la femme séparée de ses enfants depuis des années. Ce regard là est forcément impossible à la libertine meurtrière que ses amis lui avaient décrite avant de la lui présenté. Dieudonné croit toujours ses amis et elle, l’embastillée, pouvait parler librement, évidemment !
D’ailleurs les amis iraniens de Dieudonné lui avaient susurré que la lapidation n’existait pas en Iran, pourtant, justement, un couple adultérin venait d’être lapidé. L’humoriste ne passait pas par là, pas de chance, on ne peut pas faire confiance aux taxis, il n’a pas pu faire rire. De toute façon, Elie Semoun n’est plus là et Dieudonné ne fait plus rire depuis ce divorce, il n’a plus de légèreté et distille de la haine.
Il a invité BHL, les journalistes et les militants humanitaires à l’accompagner voir l’engeôlée soit disant enjôleuse. Alors je lui dis « chiche ! » et j’attends le visa et le billet d’avion en espérant qu’il me fera aussi bien recevoir et loger qu’il le fut. Nous trouverons bien à l’ambassade de France, puisque Sakineh est sous la protection de notre Président, des traducteurs parlant et lisant le Farsi.
Richard Rossin
Ancien secrétaire général de MSF
Co-fondateur de Médecins du Monde