Pour une Algérie résolument démocratique
On ne construit pas une nation sur la menace permanente de l'étranger et en surfant sur le trauma colonial. Les blessures d'un passé colonial douloureux sont toujours là, mais entretenues pour les rentes du pouvoir. Ces blessures se transcendent par l'émancipation et cette liberté de vivre à laquelle on aspire à vivre dans son pays. En faire un tremplin pour légitimer des rapports de pouvoir et altérer les libertés dans une société encore à la recherche d'un projet d'une utopie est une démarche contradictoire avec les sacrifices de nos chouhadas.
Les Algérien-n-e-s ont besoin de libertés, de justice sociale, d'institutions crédibles, de gouvernants élus et non corruptibles. Ils ont besoin d’emploi, d'un pouvoir d'achat valorisant, d'une économie de besoins, d'un contrôle populaire sur les richesses et les dépenses publiques. Ils ont plus que jamais besoin de libertés artistiques, de culture libertaire, de sensibilité et d'émotions dans un univers existentiel décoincé.
Non. Non. Il faut en finir avec cette approche d'une Algérie "forteresse assiégée", qui brandit le danger extérieur permanent, qui travaille à la militarisation des esprits et au renforcement de la géostratégie sécuritaire.
Il faut libérer le droit de penser différemment, de s'opposer politiquement, de s'organiser de façon autonome. Il faut enterrer cette culture de béni oui oui, celle de l'allégeance qui a fabriqué "le cadre" et l'encadrement de la société.
Nous avons une jeunesse assoiffée plus de libertés que de start-up, branchée plus sur la culture mondiale que sur les injonctions idéologiques de ministres outrepassant leurs fonctions. Nous avons toutes les possibilités de transcender nos blocages historiques et existentiels. Cela commence par rétablir les libertés, libérer les détenus d'opinion, écouter cette société épuisée par les files pour s’approvisionner en huile et lait, transformer nos médias en un espace de pédagogie et de culture, repenser le modèle de consommation en prenant en compte le dérèglement climatique, la santé publique en danger et une durabilité écologique.
C'est sont là les vrais enjeux. Il n'y aura pas de guerre avec le Maroc comme il n'y aura pas d'indépendance makiste de la Kabylie, comme il n'y aura pas de deuxième décennie noire. La politique mondiale a emprunté de nouveaux contours et les politiques nationales font face à de nouveaux enjeux où le sort de l'humain devient premier car la conscience humaine a fait de grands pas. La contradiction devient intenable entre un capitalisme néolibéral qui écrase le monde par ses surprofits et des populations laborieuses qui ne supportent plus d'être des forces de travail déshumanisées.
Le cycle des luttes revient à la surface comme c'est le cas en France, en Angleterre en Tunisie ou ailleurs. Sortant de ces paradigmes exogènes qui nous éloignent des enjeux endogènes. Protéger ses frontières en étant en veille sur les enjeux stratégiques régionaux, c'est évident. Faire écran aux idéologies qui nourrissent le fractionnement ethnique, la pensée unique ou le délitement culturel et intellectuel, est indispensable. Mais se libérer de l'article 87bis, de l'oppression des idées, de l'emprisonnement des hirakisres ou opposants, des entraves au droit, de circulation et ISTN...tout cela devient la condition à une renaissance des espérances, à un nouveau rattachement à son pays et à ses défis, à un nouveau cours historique.
Un intellectuel algérien en colère