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Billet de blog 4 janvier 2022

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La hausse régulière de l’abstention électorale, un fait politique révélateur.

Réflexions et analyses (Juillet 2020) sur la croissance régulière du taux d'abstention aux élections depuis le milieu des années 80. A noter que des liens internet sont insérés pour les graphiques, courbes, tableaux.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

1 - Une tendance générale et ancienne

Augmentation du taux d’abstention dans toutes les élections (cf Braconnier & Dormagen)

  • Municipales: en 1977 : 21,1% ; en 2014 : 36,4% et en 2020 : 55,3% (1er tour près de 60% au 2nd tour)
  • Législatives en 1986 : 21,5% ; en 2012 : 42,8% et en 2017 : 51,3% (1er tour – 57% au 2nd tour)
  • Européennes en 1977 : 39,3% ; en 2014 : 57,6% et un recul sensible de l’abstention en 2019 à 49,9%
  • Présidentielle de 2012 : abstentions, blancs et nul 22% au premier tour ; en 2017 les abstentions représentent 22,2% des inscrits (+ 2% pour les blancs et nuls).
  • Les non-inscrits à ne pas oublier : ils représentent en 2012 3,5 millions de personnes soit 7 à 8% du corps électoral

https://www.franceculture.fr/politique/abstention-50-ans-de-montee-vers-les-sommets

https://www.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-elections/Election-presidentielle-2017/Election-presidentielle-2017-resultats-globaux-du-premier-tour

2 – Les municipales 2020 sur le plan national

Les maires sont considérés comme les personnalité politiques les plus appréciés des français (proximité). Mais cela ne suffit pas à enrayer la tendance baissière.

Le deuxième tour des élections municipales dimanche a été marqué par un taux d'abstention record, autour des 60%, soit environ 12 points de plus que pour le second tour de 2014.

Selon une enquête Ipsos / Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France et les chaînes parlementaires :

  • 43% des abstentionnistes ont évoqué le "risque d’attraper le Covid-19 en [se] rendant dans un bureau de vote" pour justifier leur choix de ne pas voter.
  • 38% considèrent que cette élection ne change rien à leur vie quotidienne
  • 27% des abstentionnistes ont expliqué avoir renoncé à voter car ils n’ont été séduits par aucune liste
  • 25% parce qu’ils ont "d’autres préoccupations en ce moment".
  • 24% souhaitaient manifester leur "mécontentement à l’égard des hommes politiques en général
  • 22% n’ont pas voté parce que, dans leur commune, "les résultats sont connus d’avance"

ATTENTION : les sondés pouvaient donner trois réponses, l’interprétation des motifs ci-dessus n’est donc pas aisée

D'après cette enquête, se sont abstenus :

  • les 18-34 ans (72%)
  • bien plus que les plus de 60 ans (43%).
  • 70% des ouvriers ne se sont pas rendus aux urnes,
  • davantage que les employés (65%),
  • les professions intermédiaires (61%),
  • les cadres (54%) et
  • les retraités (seulement 42% d’abstention). 

Pourtant, 75% des Français se disent intéressés par les élections municipales, soit un point de plus qu’au premier tour le 15 mars. 

Selon les données fournies par le Ministère de l’intérieur pour les municipales 2020 :

  • Globalement les abstentions sont plus fortes avec la taille de la commune
  • Au 1er tour, abstention dans les communes de plus de 1000 habitants (58%) contre 40% dans celles de moins de 1000 habitants. Ecart 18 points !
  • Une différence très significative y compris au 2nd tour (59% vs 44%). Ecart 16 points.

A noter que dans certaines communes le taux d’abstention a atteint 80%. Ce sont surtout les communes populaires qui sont touchées par ce phénomène.

En général

L’abstention est plus importante dans le Nord de la France, elle progresse tout particulièrement dans l’Ouest et le Nord-Est. Elle est plus forte dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Dans les communes de plus de 1000 habitants, l'abstention s’élève à 38,8 % au second tour des municipales de 2014, alors qu’elle n’atteint que 26,9 % dans les communes de moins de 1000 habitants.

Les jeunes et les classes populaires votent moins. Les classes populaires sont une majorité dans le pays mais une minorité dans les urnes. "Dans la région parisienne, la courbe de participation épouse celle des prix au mètre carré", précise Céline Braconnier dans son essai de sociologie électorale La démocratie de l'abstention (Gallimard, 2007). Les CSP+ des « beaux quartiers » sont surreprésentés parmi les votants.

3 - L’abstention aux Municipales 2020 à Montpellier

Au premier tour : 22,8% d’exprimés à la Paillade-Mosson, le plus bas, et entre 38 à 41% à Boutonnet, Gambetta, Arceaux, Beaux-Arts. Un écart supérieur à 15% ! L’abstention touche aussi à Montpellier les quartiers populaires.

Au deuxième tour : 65,6% soit 34,4% de votants. Moins 1,3% blancs et nuls soit 33,1% d’exprimés.

De manière générale, les quartiers les plus populaires sont ceux à plus forte abstention.

Sans oublier le très faible % de votants, Saurel fait un score au-dessus de sa moyenne et inversement pour Delafosse.

Delafosse est largement au-dessus de sa moyenne de votants dans les quartiers Boutonnet, Gambetta, Arceaux, Beaux-Arts, Les Aubes, Sup Agro, Centre-ville ainsi qu’à Celleneuve et Alco.

Selon un sondage (ci-dessous) réalisé avant le 2nd tour à Montpellier, les catégories populaires se répartissent de manière quasi équivalente entre Delafosse et Saurel, alors que les inactifs votent plus fortement Delafosse. Les catégories supérieures (professions libérales, cadres supérieurs) ont une très nette préférence pour Delafosse (58%).

A noter que le bureau de vote à plus forte abstention est dans le quartier Alco (20% des inscrits ont voté). Inversement celui à plus fort vote : 47% à Supagro (et derrière 45,3% aux Arceaux) soit un écart significatif de 27 points.

En conclusion, par-delà les municipales, on note une vraie fracture entre une partie de la ville et l’autre. Fracture non seulement sociale et économique, ce qui est fondamental, mais également culturelle. Comment la résorber ?

4 – Comment comprendre cette montée de l’abstention ? Des pistes de réflexion

Quelle dynamique explique la hausse indéniable de l’abstention, tendance affirmée depuis les années 80.

https://www.franceculture.fr/politique/abstention-50-ans-de-montee-vers-les-sommets

https://www.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-elections/Election-presidentielle-2017/Election-presidentielle-2017-resultats-globaux-du-premier-tour

La vague qui a été à l’origine de l’alternance de 81 avec Mitterand, s’est vite épuisée devant le tournant de la rigueur puis de l’alignement socialiste sur la défense des marchés financiers et du libéralisme. La démobilisation étant à la hauteur des espoirs. Et, ne l’oublions pas, les discours sur le thème : ne bougeons pas, il ne faut pas gêner le gouvernement. Discours qui bien que critiqué est toujours présent aujourd’hui, soumettant ainsi l’ensemble de l’organisation à la décision des élus eux-mêmes. Conflit d’intérêt entre se maintenir dans les exécutifs et l’expression du parti. Robert Hue notamment a généralisé et théoriser ces pratiques au PCF.

De plus en plus nettement il y eut le sentiment qu’entre gauche et droite il n’y avait guère de différence. Le dernier épisode avec Hollande a porté un coup très dur à la gauche. Puis Macron.

L'abstention ne peut plus être considérée comme une lassitude ou indifférence mais bien comme une expression politique, un rejet que d’aucuns appellent la crise démocratique ou crise de la représentation.

Des réactions pour y introduire la démocratie directe se sont pour l’heure heurtées au refus de la classe dominante ou à des manœuvres pour en vider le sens (référendum ADP, RIC …).

Quelques pistes de réflexion :

Peut-on se contenter de parler de dépolitisation des classes populaires ? Comment alors expliquer :

  • Le mouvement contre les violences policières et le racisme qui s’est développé en toute indépendance des partis politiques et qui a même su déjouer les tentatives menées par le PS pour le dévoyer
  • Le mouvement des gilets jaunes qui là aussi a bousculé les schémas habituels de mobilisation
  • Les mouvements pour le climat qui a donné lieu, là encore, à des manifestations considérables
  • La convergence actuelle entre des associations pour l’environnement avec celles contre la violence policière et le racisme (appel commun à manifester avec le Comité Justice pour Adama)
  • Autre convergence, une grande première, entre des associations de poids et des syndicats dans le collectif plus jamais ça et la production d’un plan de sortie de crise

Bref l’argument de la dépolitisation est un peu court, très court même. LA politisation est différente et elle ne suit plus un chemin tracé par des partis politiques. D’une part les partis n’offrent pas de réponse qui satisfasse ces mouvements et d’autre part la confiance est rompue avec des programmes présentés trahis dès l’élection terminée. Le programme ne suffit pas, les forces qui le mettent en place sont tout aussi importantes. La méfiance, pour ne pas dire plus, est réciproque surtout avec la mouvance socialiste (PS, PRG …).

Peut-on dire que cette « grève du vote » est une conséquence des échecs dans la lutte contre l’offensive généralisée du capitalisme ?

Bien sûr la précarité accentue le phénomène mais elle crée aussi la possibilité de ripostes.

Dire que la situation découle de l’agression du capital ne résout rien car cette agression est permanente et violente. La question est : que faisons-nous face à elle ? Sommes-nous hors de cause : nous ça va mais les masses sont dépolitisées, désespérées... ?  Si nous voulons changer les choses c’est à nous d’évoluer. Si on attend que le capital cesse ses agressions pour que l’espoir revienne on risque d’attendre. A nous donc de trouver des réponses. En serons-nous capables ? Ca n’est pas gagné tant les liens se sont distendus pour ne pas dire rompus avec les classes populaires.

Par exemple à Montpellier la quasi absence de liens avec la population des quartiers populaires est évidente. Depuis des dizaines d’années que s’est-il passé sur ce plan ? Rien. Que l’on ait des élus municipaux ou pas la rupture est toujours aussi profonde. Et ce n’est pas le dernier épisode sur le foulard qui améliore les choses.

Et comment veut-on que les classes populaires s’y retrouvent quand on vote l’ouverture du capital des entreprises nationalisées demandée par Jospin et quelques années plus tard on dénonce la privatisation ?

Voilà quelques pistes de réflexion. Il y a encore beaucoup à dire mais il y a déjà là beaucoup à discuter.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.