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Billet de blog 12 septembre 2025

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Le tournant de l'Inde face à la stratégie unilatérale des États-Unis

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Le tournant de l'Inde face à la stratégie unilatérale des États-Unis

Sous la doctrine « America First », la stratégie commerciale des États-Unis s’est résolument tournée vers une logique de rapports bilatéraux déséquilibrés. Chaque accord est conçu pour assurer avant tout les intérêts états-uniens, quitte à imposer à la partie adverse des conditions défavorables. Cette approche ne vise pas une coopération gagnant-gagnant, mais plutôt gagnant-perdant où l’autre partie doit plier face aux exigences de Washington.

Qu’ils soient « alliés » ou non, tous les partenaires des États-Unis ont été confrontés à cette politique coercitive, marquée par la menace de sanctions, la remise en cause d’accords existants et l’imposition de nouvelles règles unilatérales. Dans bien des cas, les pays ont cédé, parfois à contrecœur, en espérant éviter des mesures encore plus dures, tout en préparant une réorientation stratégique : réduire leur dépendance à l’égard de la première puissance mondiale et diversifier leurs alliances économiques. Le pivot états-unien vers l’Asie avec le « containement » de la Chine a du plomb dans l’aile.

La logique hégémonique a trouvé ses limites. Des puissances comme la Chine, et plus récemment l’Inde et le Brésil, ont opposé une résistance. Le cas indien, notamment, est devenu l’expression d’un nouvel équilibre mondial en gestation.

En août 2025, les États-Unis ont annoncé l’imposition de droits de douane punitifs à hauteur de 50 % sur les exportations indiennes. Bien que l’électronique et l’industrie pharmaceutique aient été exemptées, cette taxe combinait une mesure tarifaire classique de 25 % avec une surtaxe de 25 % visant à sanctionner les importations de pétrole russe par l’Inde. Cette décision a provoqué une vive réaction à New Delhi, qui y a vu une ingérence inacceptable dans sa souveraineté énergétique et commerciale. En réponse, le gouvernement indien a entamé une révision de ses partenariats stratégiques.

L’un des signes les plus marquants de ce réalignement est le rapprochement en cours entre l’Inde et la Chine. Plusieurs mesures concrètes ont été prises pour faciliter cette dynamique : ouverture de vols directs entre les deux pays, assouplissement des conditions d’octroi de visas, et surtout levée de restrictions chinoises sur l’exportation de produits jugés stratégiques pour le développement industriel indien.

Sur le plan diplomatique, le ministre des Affaires étrangères chinois s’est rendu personnellement en Inde afin de conclure un accord prévoyant la mise en place d’un groupe de travail sur la question sensible des frontières sino-indiennes. Une deuxième rencontre, cette fois en Chine, est prévue pour 2026, preuve d’une volonté mutuelle d’avancer vers une résolution pacifique des différends historiques frontaliers.

Ce rapprochement sino-indien, longtemps considéré comme improbable, s’explique par des intérêts convergents : les deux puissances asiatiques ont tout à gagner à renforcer leur coopération dans un monde multipolaire en pleine recomposition. Ce tournant majeur, diplomatique et économique, pourrait rebattre les cartes.

L’Inde, malgré les pressions persistantes de Washington, continue d’importer du pétrole russe à bas prix, réaffirmant ainsi de manière claire sa souveraineté stratégique. Le gouvernement de Narendra Modi insiste sur un principe fondamental : ses décisions doivent avant tout répondre aux intérêts du peuple indien, et non se conformer aux injonctions d’une puissance étrangère aussi influente soit-elle.

Le signal le plus fort de cette inflexion diplomatique a été envoyé à l’occasion du 25e sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui s’est tenu à Tianjin, en Chine. La présence du premier ministre indien, qui ne s’était pas rendu en Chine depuis plus de sept ans, a marqué un geste fort en direction de Pékin — et un message clair à l’administration Trump. Les photos de Modi avec Xi Jinping et Poutine, tous souriants, n’ont pas été du goût de Trump.

Il s’agit d’un revers notable dont ne se vantent pas Donald Trump et son entourage, qui ont fait de la pression bilatérale un pilier de leur politique étrangère. Loin de renforcer la position des États-Unis, cette stratégie a contribué à la recomposition des alliances. Le multilatéralisme, que l’« America First » cherche à empêcher, pourrait bien en sortir renforcé.

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