L’échec des sanctions et la fin de l’hégémonie étatsunienne

Agrandissement : Illustration 1

Le FMI confirme ce que nous avons déclaré depuis le début : les sanctions contre la Russie échoueront et même se retourneront par un effet boomerang contre les pays européens essentiellement.
Les prévisions de croissance du FMI sont claires : la Russie est tombée en récession en 2022 avec une baisse du PIB (-2,2%) alors qu’au printemps 2022 le FMI anticipait un effondrement de 8,5 % du PIB russe. Alors que notre économiste en chef Bruno Le Maire, Mme von Leyen et tous leurs amis promettaient une catastrophe économique en Russie, le FMI prévoit une légère progression (0,3%) en 2023 puis 2,3% en 2024 soit plus que la zone euro (1,6% prévu en 2024). L'économie de la Russie devrait croître plus rapidement que celle de l'Allemagne. Non pas malgré les sanctions mais comme conséquence directe des sanctions, de leur effet boomerang.
Pour la seule Allemagne le coût pour le remplacement de l’énergie de Russie s’élève à près de 500 milliards de dollars[1]. L'industrie allemande paiera environ 40% plus chère l'énergie en 2023 qu'en 2021, selon une étude de l'assureur-crédit Allianz Trade. Le quart de l'industrie allemande déclare vouloir se délocaliser, particulièrement aux EU qui les appâte avec les subventions prévues dans la nouvelle loi étatsunienne sur la réduction de l'inflation (IRA).
Autrement dit, mais ça ils ne peuvent le reconnaître, la politique de sanctions est un échec monumental qui a plus nui aux européens qu’à la Russie tout en profitant aux EU. Les cinq plus grandes compagnies pétrolières occidentales ont engrangé 200 milliards de dollars de profits, le marchands d‘armes se portent également très bien. Les surprofits des uns font les pertes des autres.
Mais plus important encore, les Etats-Unis ont réussi à briser le lien entre la Russie et l’Allemagne qui menaçait la domination US sur l’Europe. Les excédents commerciaux colossaux de l’Allemagne, insupportables pour les Etats-Unis, supposaient une énergie abondante et pas chère que seule la Russie pouvait fournir à l’industrie allemande. L’acte terroriste, acte de guerre, qu’est le sabotage des gazoducs NS-1 et NS-2 par les Etats-Unis soutenus par la Norvège et autres, dit clairement à l’Allemagne qu’elle sera soumise à la stratégie US. Les Etats-Unis n’ont pas d’alliés mais veulent des vassaux ce qui finira par fissurer le bloc occidental.
Les Etats-Unis après leurs échecs militaires répétés pensent atteindre leurs buts par des sanctions économiques et financières. Mais ça ne marche pas mieux. Le trois-quarts des pays du monde, soit 80% de la population mondiale, refusent de s’y associer malgré des menaces ou des promesses. Le monde a changé mais le bloc occidental, qui s’autoproclame « communauté internationale », préfère ignorer la réalité.
Le moteur de la croissance mondiale est en Asie. Selon le FMI la Chine et l'Inde, à elles seules, réaliseront en 2023 la moitié de la croissance économique mondiale, contre un dixième pour les États-Unis et l'Union européenne réunis. Comment alors s’étonner de l’échec des sanctions ? Comment s’étonner du succès croissant des BRICS qui enregistrent des demandes d’adhésion nombreuses ? Comment s’étonner de l’extension de l’utilisation de monnaies nationales à la place du dollar dans les échanges internationaux entre pays du sud et pays émergents ? Les prémices de nouveaux rapports entre pays, de l’instauration d’un nouveau système financier mondial qui ne soit pas soumis au diktat des Etats-Unis ?
Il faut se rendre à l’évidence : ce n’est pas l’accumulation de capitaux ni le casino boursier qui créent les richesses mais le labeur des centaines de millions de travailleurs d’ex pays sous-développés, exploités, qui se mettent en mouvement pour sortir de la misère. Ils veulent en premier lieu avoir le droit au développement et non se soumettre aux stratégies du bloc occidental emmené par les EU pour assurer leur hégémonie planétaire. Stratégies dangereuses qui nous conduisent au bord du précipice. La troisième guerre mondiale a-t-elle commencée ? La question est posée, tous les éléments y concourent puisque les dominants ne cèderont pas de leur plein gré leur « paradis ».
La domination occidentale sur le monde dure depuis cinq siècles. Il est largement temps de passer à un monde multipolaire qui laisse la possibilité à chaque pays de défendre sa souveraineté.
Le 14 février 2023
Robert Kissous, économiste, militant associatif
[1] https://www.reuters.com/business/energy/germanys-half-a-trillion-dollar-energy-bazooka-may-not-be-enough-2022-12-15/