Les intégristes de la « Jérusalem juive »
Dimanche 25 juin s’est tenue au domaine Grammont à Montpellier la 46ème édition de la Journée de Jérusalem organisé par le Centre culturel juif Simone Veil (CCJSV).
A cette occasion il publie une plaquette. Comme tous les ans on y trouve le même article avec un extrait raciste « les nazis qui nous assiègent mangent du couscous et parlent arabe ». Ce faisant le CCJSV donne, pour le moins, une piètre image de la « communauté juive ». Cette association ne représente pas LES juifs mais DES juifs de Montpellier.
Jérusalem juive
Y figure l’appel à une « Jérusalem juive », pas seulement israélienne, un pas de plus : juive. C’est l’instrumentalisation du judaïsme à des fins politiques ce que l’on pourrait appeler « judaïsme politique ». L’annexion de Jérusalem par Israël a été soutenue par tous les gouvernements israéliens, gauche comme droite, mais la revendication d’une Jérusalem juive est l’expression des partis intégristes d’extrême-droite israéliens. Le CCJSV veut-il transformer un problème politique en guerre de religion ? Quelle aurait été la réaction si une association montpelliéraine avait appelé à une Jérusalem musulmane ?
L’article prend des accents gaulliens pour parler de la libération de Jérusalem en la rendant juive ! Ils feraient bien de lire le discours de de Gaulle qui rappelait fort justement, après la guerre de 1967, que toute occupation entraîne résistance. Résistance qui sera, comme toujours, qualifiée de terrorisme.
La France condamne l’annexion de Jérusalem et ne reconnait pas la modification du statut de cette ville comme capitale d’Israël. C’est pourquoi l’ambassade de France est à Tel Aviv et non à Jérusalem. Il en est de même au niveau du droit international puisque le Conseil de sécurité de l’Onu a voté deux résolutions en 1980 à ce sujet.
Colonisation de peuplement et apartheid
Israël étend sans cesse, avec une violence inouïe, les colonies juives en Cisjordanie, les infrastructures réservées exclusivement aux juifs, maintient un blocus inhumain de Gaza depuis près de vingt ans. La colonisation de peuplement va de pair avec le nettoyage ethnique y compris à Jérusalem où des quartiers sont progressivement « vidés » des palestiniens. Elle va de pair aussi avec l’apartheid puisqu’il y a dépossession, vols de terres et de ressources en eau au seul bénéfice de colons juifs. En Cisjordanie occupée les colons juifs sont sous la loi israélienne alors que les palestiniens sont soumis à l’occupation militaire. Les citoyens israéliens ont des statuts différents suivant leur origine ethnique, juifs ou palestiniens - citoyens de seconde catégorie - inégalité renforcée depuis la loi fondamentale de juillet 2018 proclamant « Israël Etat-nation du peuple juif ». Comment appeler cela autrement qu’apartheid et colonisation ?
Les soutiens de la Journée de Jérusalem
Cela n’empêche pas le maire de Montpellier de soutenir cette journée activement par sa présence. Il viole de ce fait le principe de neutralité que ce chantre de la laïcité se doit de respecter. Il pratique la laïcité à géométrie variable. Son soutien ne se résume pas à sa présence à cette journée et ce qu’il y déclare. Il accorde à la CCJSV une subvention de 31.000 euros et le Domaine de Grammont pour y tenir l’événement phare de cette association libellée comme culturelle … Quelle cohérence avec les discours qu’il tient par ailleurs sur le droit, la neutralité qu’implique la laïcité ?
Il faut dire que Georges Frèche a ouvert la voie en soutenant la journée de Jérusalem dès son début. En 2006 il déclarait que Montpellier était le poste avancé de Tsahal (l’armée israélienne) en France.
Dans le prolongement de son mentor, M. Delafosse ne brille pas par une attitude anticolonialiste. L’héritage de la SFIO est lourd. Dans une interview accordée au journal Marianne, en évoquant l’histoire, il parle de « la crise algérienne ». De quelle crise parle-t-il ? Soixante ans après il n’arrive pas à parler de la guerre d’Algérie.
Il n’est pas le seul à soutenir cette journée. On trouve aussi la région Occitanie, Mme Delga, et le département de l’Hérault, M. Mesquida. Et le Préfet avec lequel M. Delafosse se déclare en plein accord pour l’interdiction de la manifestation prévue le 24 juin avec des arguments surprenants : on ne manifeste pas le shabbat, il est interdit de s’opposer à la célébration de la journée de Jérusalem et il ne faut pas parler d’apartheid .
Démocratie et liberté de conscience sont suspendues quand il s’agit de la critique de la politique israélienne. De plus, dans son communiqué, le Préfet redéfinit la politique de la France au lieu de demander aux élus territoriaux de respecter cette politique. Bel exemple de respect du principe de neutralité !
Le 27 juin 2023
Robert Kissous, Hillel Cohen