L’accélération de l’histoire
« Des changements tels que nous n'en avons pas connu depuis 100 ans »
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La guerre en Ukraine a donné l’opportunité aux Etats-Unis de relancer l’OTAN et de mettre sous sa coupe l’Europe notamment par la rupture de tout lien économique, financier, culturel… avec la Russie. Et pour que ce soit bien clair les EU ont organisé le sabotage des gazoducs NS-1 et 2 signifiants ainsi à l’Allemagne, la première intéressée, qu’aucun lien ne sera toléré à l’avenir. Le renchérissement considérable de l’énergie a porté un sérieux coup à l’économie européenne et en particulier à l’industrie allemande obligée de se fournir en GNL notamment aux EU pour un prix 4 à 6 fois plus cher. Puis, pour faire bon poids, les EU adoptaient deux lois subventionnant toute industrie s’installant aux EU. À condition de ne pas commercer avec la Chine ou d’y investir et de s’équiper de matériel « made in USA ».
Bref le piège se refermait et les EU semblent avoir réussi leur affaire en constituant un bloc occidental entièrement sous leur contrôle qui ne se gêne pas pour s’autoproclamer « communauté internationale ».
Mais c’est oublier que le monde ne se limite pas au bloc occidental.
Les sanctions prises contre la Russie l’ont poussé d’une manière radicale vers l’Asie sans omettre l’Afrique et l’Amérique Latine. S’il y a bien un pivot asiatique c’est bien celui-ci. On peut appeler cela l’effet boomerang ou la dialectique.
Si la Russie a pu résister au choc des sanctions c’est parce que 75% des pays ont refusé d’appliquer les sanctions malgré des pressions énormes. Certes il y a parfois des reculs mais le refus des sanctions l’emporte largement.
Plus important encore. La volonté d’isoler la Russie a aboutit dialectiquement à son contraire : un rapprochement stratégique avec la Chine d’importance mondiale dans tous les domaines. C’est ce que craignaient nombre de politiciens influents à Washington. Zbigniew Brezinski écrivait : « Potentiellement, le scénario le plus dangereux serait une grande coalition de la Chine, de la Russie et peut-être de l'Iran, une coalition » anti hégémonique ». Un scénario qui devient réalité.
Xi Jinping s’est rendu à Moscou le 20 mars, son premier voyage à l’étranger après sa réélection comme président. De nombreux et importants accords ont été signés entre les deux pays dans tous les domaines, économiques recherche et développement, enseignement, culturels, touristiques …
Un rapprochement stratégique qui s’appuie sur la volonté de construire de nouvelles relations internationales et notamment : promouvoir le multilatéralisme, développer les échanges en monnaies nationales (roubles, yuan, roupies …).
Tous deux se sont attaqués à l'hégémonie du dollar américain, en particulier. Un processus qui sera long et difficile. Mais ce qui se passe dans le monde, notamment l’émergence d’une nouvelle crise financière aux Etats-Unis, ne fait que pousser dans ce sens.
Échaudés par les gels d’actifs, les saisies de fonds, les conditions politiques posées par les prêteurs FMI, Banque mondiale qui remettent en cause leur souveraineté. Nombre de pays du Sud cherchent des alternatives pour défendre leurs intérêts propres et non ceux du bloc occidental ou pour faire plaisir à la Russie et à la Chine. Ils veulent défendre leurs intérêts tout simplement. Sans ingérence dans leurs affaires intérieures. Pour dépendre le moins possible du dollar et du système financier occidental.
"Il est important que nos monnaies nationales soient de plus en plus utilisées dans les échanges bilatéraux", a déclaré M. Poutine le 21 mars. Deux tiers des échanges entre la Chine et la Russie se font déjà en roubles et en yuans.
Xi Jinping a déclaré : « Nous assistons actuellement à des changements tels que nous n'en avons pas connu depuis 100 ans, et c'est nous qui conduisons ces changements ensemble ». Poutine a répondu : « Je suis d'accord ».
Ces changements seront débattus et conduits dans le cadre des organismes existants : BRICS, OCS, EAEU et même dans le G20.
Le sommet des BRICS se tiendra en août en Afrique du Sud. Y sera discuté l’élargissement à de nouveaux adhérents.
L’inquiétude des Etats-Unis s’est exprimée par la voix de la secrétaire au Trésor Janet Yellen : « Je souhaite certainement que le dollar reste la monnaie de réserve mondiale, et la Russie et la Chine sont motivées pour essayer de développer un autre système qui évite l'utilisation du dollar ».
Mais à force de sanctionner, d’utiliser le dollar comme arme de guerre, de geler et voler des dépôts … Madame Yellen s’attendait à quoi ? L’effet boomerang Madame Yellen, ne jamais oublier.
Le 26 mars 2023
Robert Kissous – économiste, militant associatif