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Billet de blog 3 avril 2018

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Effondrement

Dans la pièce flottait une légère odeur de cigarette. Sur la table, entre les bouteilles plastiques vidées et les paquets de biscuits déchirés, trônait le verre-mégot d’où s’échappait une traînée de fumée. Trois lycéens, deux fauteuils et un canapé entouraient cette montagne de déchets. La conversation commença par une conviction : ils voulaient vivre en autarcie.

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C’était un rejet de la société, d’une vie conditionnée, du malaise palpable qu’on ressentait face à notre quotidien et qu’on osait rarement exprimer. Ils échangèrent passionnément. Les remarques fusaient, arguments et contre-arguments se bousculaient. Chaque idée, chaque possibilité était explorée. Les limites de leurs connaissances finirent par clore la discussion et ce fut là que pour la première fois, je pris connaissance de l'effondrement.

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L’effondrement est « le processus à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) ne sont plus fournis [à un coût raisonnable] à une majorité de la population par des services encadrés par la loi » (définition de Yves Cochet) ; plus simplement, c’est l’idée que notre mode de vie actuel ne tiendra pas. Bien qu’avec un peu recul ce fait soit évident (Cf. épisode 2 de la chronique), il semble qu’une sorte d’acquis traverse notre société : notre confort est et restera. La crise ambiante dans laquelle on semble vivre depuis 2008 n’y change rien, pas même que la disparition progressive de nos acquis sociaux. Nous avons effacé de notre conscience la possibilité de vivre sans eau, sans nourriture ou sans électricité à bas prix.

Il nous est possible d’avoir plus ou moins, mais pas rien.

L’idée de devoir survivre est devenu un fantasme lointain, appuyé par des émissions de téléréalités. Notre pop culture est remplie de cet imaginaire survivaliste, de dystopie qui font écho à cette idée d’effondrement ; des mondes désertiques, des hivers infinis ou encore des apocalypses zombies. Pourtant, c’est occulter le fait qu’il y a encore des personnes qui ne vivent pas, mais qui survivent ; que ce soit dans un pays qui nous est inconnu ou dans les rues de nos villes. Des millions et même des milliards de personnes tentent de s’assurer un minimum pour exister jour après jour. Ce sont des reportages, des images, des ombres furtives qui glissent dans les médias ; elles existent à travers les phrases menaçantes de politiques ou les appels aux dons d’associations. Ce sont des visages qui n’apparaissent que pour attirer notre pitié, notre haine, notre bonté, notre indifférence. Elles sont le reflet d’une réalité qu’on a abandonnée, celle que notre existence est fragile.

Le point le plus important de l'effondrement est là, c’est la fin d’un mode de vie mais aussi la fin d’un imaginaire. C’est le poing de la réalité qu’on se prend en pleine face, le rappel que notre existence a un jour été un combat pour notre survie et qu’il pourrait le redevenir pour nous, humains industrialisés. On célèbre ici le deuil d’une certitude sur laquelle s’appuyait une partie de notre existence et notre avenir. Plus de colonisation spatiale, d’IA sur-développée et de super longévité ; on préférera la permaculture ou les low-techs.

Alors voilà, cette chronique c’est un appel à regarder la réalité en face : on fonce dans le ravin, seulement on essaie de garder le sourire et d’adoucir la chute.

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