Un séjour aux Archives de Londres
Commentaire introductif et contextuel de Robert Berrouët-Oriol,
linguiste-terminologue
Montréal, le 1er décembre 2025
Objet : article de Patrick Tardieu
Conservateur général de la Bibliothèque haïtienne des Spiritains
Texte paru en Haïti dans Le Nouvelliste du 3 octobre 2025
« Cabale » :
Magie ésotérique, occultisme. ➙ cabalistique
➙ kabbale.
Entente secrète de plusieurs personnes dirigée contre (qqn, qqch.).
➙ complot, conjuration, conspiration, intrigue. Ex. Monter une cabale contre qqn.
(Dictionnaire Le Robert)
Intrigue secrète ourdie contre quelqu’un, pour l’atteindre dans sa réputation,
ses actions ou ses œuvres. (Dictionnaire OrtoLang,
CNRS / Centre national de ressources textuelles et lexicales,
Université de Nancy)
- Commentaire introductif et contextuel de Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue, Montréal, le 1er décembre 2025
Le 30 novembre 2025, en réponse à une collègue qui voulait avoir mon point de vue sur la controverse ayant entouré la saga de la « soup joumou » l’an dernier, j’ai remis en circulation les articles que j’ai publiés en 2024. Ces articles ciblent l’arnaque identitaire traficotée par le PHTK néo-duvaliériste à propos de la « soup joumou » frauduleusement élevée au statut hallucinatoire de « soupe de l’Indépendance » et de « soupe de l’identité haïtienne ». L’actualisation de mes articles a été communiquée à plusieurs collègues et amis.
Cédant aux sirènes d’un indéfendable délire pavlovien et à l’appel d’une obscure et complaisante solidarité clanique, Stéphane Martelly, écrivaine haïtienne et enseignante à l’Université de Sherbrooke, s’obstine à voir dans mon interpellation publique de l’arnaque identitaire traficotée par le PHTK néo-duvaliériste une obsessionnelle « cabale » contre la personne de Dominique Dupuy, porte-parole missionnée à l’UNESCO par les auto-proclamés « bandits légaux » PHTKistes. Loin d’apporter le moindre argument crédible et vérifiable, loin d’esquisser la moindre analyse du contenu de mes articles pour en démontrer l’inanité présumée, Stéphane Martelly a délibérément choisi d’enfouir ma prétendue « cabale » contre la personne de Dominique Dupuy sous une chape de plomb : celle du déni des faits observables, celle du refus de l’esprit critique-analytique, celle de l’entre-soi complaisant, clanique et borgne, « à l’haïtienne ». Dans l’espace verbeux et rachitique de la pensée unique, qu’une universitaire, drapée du subjectivisme propre à l’entre-soi complaisant, clanique et borgne, n’est pas chose rare de nos jours. La montée de l’extrême droite en Amérique latine, en Europe et en Afrique n’est-il pas le signe de la revitalisation d’une sous-culture de la pensée unique, signe lui-même annonciateur du retour programmé du fascisme ? Diantre ! Il nous faut relire, toutes affaires cessantes, « Pour une sociologie d’Haïti au XXIe siècle – La démocratie introuvable » de Laënnec Hurbon (C3 Éditions, 2024), et « Le fascisme mystique du docteur François Duvalier en Haïti » de Gérard Aubourg (Éditions du Cidihca, 2021).
RAPPEL / J’ai amplement, démontré dans une longue étude de 60 pages et dans plusieurs autres textes publiés en 2024, que l’idée de la « soup joumou » --frauduleusement qualifiée de « soupe de l’Indépendance » ou « soupe de l’identité haïtienne »--, est UNE ARNAQUE, UNE MYSTIFICATION, UN DISCOURS POLITIQUE-DÉMAGOGIQUE qui ne repose sur aucune base scientifique.
Ce que j’ai rigoureusement contesté, c’est l’historicité du statut de marqueur de l’identité nationale haïtienne attribué à la « soup joumou » dans un scabreux délire identitaire à la sauce « nationaliste ». Et, du même mouvement, j’ai publiquement dénoncé l’instrumentalisation politique de l’arnaque « soup joumou » mise en œuvre par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste orchestré à travers la mission politique dévolue à Dominique Dupuy. Je constate que Stéphane Martelly, au motif d’une obscure et complaisante solidarité clanique, a choisi délibérément la posture de l’autruche, celle du déni de réalité, celle du refus de l’esprit critique-analytique : ne rien voir de l’arnaque « soup joumou » dans ses dimensions politique, culturelle et symbolique. Ne rien voir mais choisir la posture de l’autruche, du déni de réalité et de la complaisance clanique : ann kase fèy kouvri sa… Mais à force de pratiquer l’erratique et claudiquant œcuménisme de la complaisance clanique, cousine germaine de l’impunité, la posture de l’autruche s’arrime sans états d’âme aux rives et rituels démagogiques de l’imposture…
La savoureuse « soup joumou » fait partie de la gastronomie haïtienne mais aucune étude historique n’a prouvé qu’elle était « réservée aux maîtres » à Saint-Domingue et « interdite aux esclaves »… Ou qu’elle serait un « marqueur de l’identité haïtienne », un « trait définitionnel majeur » de la « personnalité historique haïtienne »… Le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste, par la voix de Dominique Dupuy, a mené une toxique campagne à l’UNESCO dans le but de parachuter la « soup joumou » vers le statut « politico-gastronomique » de marqueur de l’identité nationale haïtienne et de la faire inscrire sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Cette campagne « politico-gastronomique » a été menée dans le contexte où le PHTK se cherchait une légitimité politique tant à l’échelle nationale qu’internationale… Dans le même contexte, le PAM et la FAO, deux institutions de l’ONU, ont fait paraître en Haïti et en outremer un rigoureux rapport de recherche de terrain attestant que 5 400 000 Haïtiens étaient en situation de famine chronique…
NOTE -- Avant de publier ma longue étude de 60 pages et mes autres textes en 2024, j’ai pris soin d’étudier attentivement de nombreux documents historiques et j’ai consulté les travaux de plusieurs historiens haïtiens réputés pour la qualité de leurs recherches, entre autres l’historien Max Manigat… Il a longtemps enseigné à la CUNY avant son décès survenu le 23 décembre 2024. Max Manigat est l’auteur de l’article de référence « Notre soup joumou est-elle francaise ? (Une autre lecture) » paru dans Haïti en marche, vol. XXXI no 513, janvier 2018, page 11.
Par ailleurs, lors de trois entrevues radio que j’ai accordées en 2024, j’ai défendu l’idée qu’Haïti pourrait offrir une copie numérisée de l’Acte de l’Indépendance du 1er janvier 1804 au patrimoine mondial de l’UNESCO. Cet original, significatif et puissant geste symbolique aurait l’avantage de mettre en lumière la contribution historique d’Haïti à l’histoire de l’humanité sur le registre des luttes anti-esclavagistes et anti-coloniales…
Voici la liste de mes inteventions radio :
--entrevue avec Guy Férolus de Haïti Inter (Paris) le 31 décembre 2024 : « La soup joumou : mythe historique et patrimoine UNESCO ». Lien d’accès : https://www.youtube.com/watch?v=dn0PstSmurY
--entrevue avec Rémy Exant le 27 décembre 2024 : « L’arnaque de la pseudo « soupe de l’Indépendance » haïtienne démystifiée à l’émission « Point-virgule » en Floride ». Lien d’accès : https://www.youtube.com/live/4HIqH0MQOQI
--entrevue le 21 décembre 2024 avec Mingolove Romain, animateur de l’émission « Dekabès » à Radio Méga (Miami-Dade et Broward, Floride). Cette entrevue a été diffusée en simultané en Haïti sur les ondes de Radio Xplosion 96.5 FM aux Gonaïves et Radio Rendez-vous 100.9 FM à Jacmel. Lien d’accès : https://www.youtube.com/live/95KqF-H8_W8?si=NEzEZG29QdU9ZMOd
Dans la seconde partie du présent document, je reproduis intégralement l’article de Patrick Tardieu, conservateur de la Bibliothèque haïtienne des Spiritains, paru en Haïti dans Le Nouvelliste du 3 octobre 2025, « Un séjour aux Archives de Londres ». Le dispositif narratif de cet article permet à Patrick Tardieu, conservateur général de bibliothèque, spécialiste reconnu et réputé pour sa haute rigueur professionnelle et son intégrité, d’exposer les faits. Quels sont -ils ? Il s’agit de l’irruption manœuvrière et arnaqueuse de Dominique Dupuy dans le dossier des « deux impressions originales de l’Acte de l’Indépendance (datés de janvier 1804) » conservés aux Archives nationales à Londres. Par-delà le ton « diplomatique », donc courtois, de l’article de Patrick Tardieu, l’on observe que Dominique Dupuy est intervenue dans un dossier pour lequel elle n’avait pas été officiellement mandatée par le ministère haïtien de la Culture ou par celui des Affaires étrangères. Elle ne disposait d’aucun mandat officiel de la République d’Haïti l’autorisant à intervenir dans ce dossier et encore moins d’annoncer fallacieusement qu’elle allait entreprendre de… « rapatrier » en Haïti la version numérisée de l’Acte de l’Indépendance du 1er janvier 1804… Après la scabreuse et arnaqueuse saga de la « soup joumou » à l’UNESCO, Dominique Dupuy --en réserve de la République pour le compte du PHTK néo-duvaliériste en vue de la prochaine « élection/sélection » présidentielle--, a entrepris une nouvelle « croisade politico-identitaire » pour revenir sur le devant de la scène politique en tentant de s’emparer d’un dossier qu’elle ne maîtrisait manifestement pas et pour lequel elle n’a aucune compétence professionnelle connue. L’arnaque manœuvrière était fort grossière, et Dominique Dupuy n’était même pas en mesure de comprendre qu’un musée –administré selon un protocole strict et des règles encadrant des fonds documentaires historiques--, ne « déplace » pas « à la bonne franquette », sur simple vœu déclaratoire d’une experte en manœuvres culinaires, des documents historiques ou des objets protégés et relevant des prérogatives régaliennes d’un État souverain. « Formatée » sur les bancs d’école du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste, Dominique Dupuy est familière des interventions anticonstitutionnelles, impunitaires, aventureuses et contre-institutionnelles du PHTK : son irruption verbeuse et illégale dans le dossier des « deux impressions originales de l’Acte de l’Indépendance
relève des pratiques macoutiques des « bandits légaux » du PHTK auquel elle appartient et dont elle a été la porte-parole compulsive et manœuvrière.
2. Article de Patrick Tardieu paru en Haïti dans Le Nouvelliste du 3 octobre 2025
Conservateur de la Bibliothèque haïtienne des Spiritains, j’accueillais régulièrement des
étudiants et des chercheurs. C’est ainsi que Julia Gaffield, doctorante en histoire à Duke
University, nous visita à la fin des années 2000 pour approfondir ses recherches sur Jean-Jacques Dessalines. Par la suite, elle se rendit en Jamaïque pour poursuivre ses investigations. C’est là qu’elle apprit que la correspondance entre Dessalines et le gouvernement britannique avait été transférée en Angleterre.
En janvier 2010, dans les Archives nationales à Londres, elle mit la main sur plusieurs documents d’une importance capitale sur les débuts de l’État haïtien. Il y avait notamment deux impressions originales de l’Acte de l’Indépendance (datant de janvier 1804) ainsi que des proclamations, des manuscrits et des imprimés datant de cette période. Le journal américain The New York Times révéla cette trouvaille dans un article publié le 31 mars 2010. Il me fit l’honneur de solliciter mon avis sur la possibilité de rapatrier ces documents en Haïti. Je répondis que ce serait un rêve.
Le 8 avril 2010, le journaliste Daly Valet publia un article intitulé « Eurêka » dans le journal
haïtien Le Matin dans lequel il présentait une copie scannée de l’Acte en in-4º. Le lendemain, l’historien Georges Michel réagit à cette trouvaille dans le quotidien haïtien Le Nouvelliste.
Peu après, le gouvernement britannique invita alors celui d’Haïti à envoyer une délégation
d’experts à Londres, dans le but d’analyser le fonds et de trouver la manière de bien l’exploiter. Mais cette visite n'eut pas lieu : le séisme du 12 janvier 2010 avait profondément bouleversé le pays qui ne put répondre à cette offre.
En janvier 2012, la New-York Historical Society organisa un symposium intitulé : The Age of Revolution : A Whole History (L’ère des révolutions : une histoire globale). J’y fus invité pour participer à une table ronde autour archives des révolutions. À cette occasion, fut exposé un montage virtuel de l’Acte de l’Indépendance, au format in-4º, traduit en créole haïtien.
En 2013, un panel fut organisé à l’initiative du Robert H. Smith International Center for Jefferson Studies. En 2016, les Presses de l’Université de Virginie publièrent, sous la direction de Julia Gaffield, les actes de cette rencontre sous le titre : The Haitian Declaration of Independence : Creation, Context and Legacy 1. Ce fut l’occasion pour des universitaires américains, français et haïtiens de débattre de la portée historique de l’Acte imprimé et de l’Indépendance d’Haïti elle-même ainsi que sa signification à l’échelle occidentale. En outre, l'Acte de l'Indépendance a retenu l’attention de la Société haïtienne d'histoire, de géographie et de géologie. En effet, la plus ancienne société savante des Caraïbes lui consacra un numéro spécial de sa revue2. Ce dossier, remarquablement fouillé, démontre que, depuis l’aube du XXe siècle, les historiens et les hommes politiques haïtiens avaient entrepris des démarches dans le pays et ailleurs pour retrouver les documents fondateurs de l’État d’Haïti. Il est donc évident que, depuis une quinzaine d’années, les recherches autour de l’Acte de l’Indépendance gagnent en visibilité dans les milieux académiques et intéressent également le grand public.
En novembre 2019, le professeur Malick Ghachem du Massachusettes Institute of Technology (MIT) a organisé une rencontre de travail à Harvard. Durant une semaine, archivistes, bibliothécaires et professeurs d’universités des deux rives ont présenté les fonds d’archives contenant les documents haïtiens conservés de part et d’autre de l’Atlantique. Malheureusement, le contexte de la pandémie de la Covid-19 a interrompu les discussions engagées sur la question.
En septembre 2024, l’ancienne ministre haïtienne des Affaires étrangères et des cultes, Madame Dominique Dupuy, a visité les Archives nationales à Londres. Elle a eu accès au registre contenant l’Acte de l’Indépendance. Elle en a profité pour évoquer publiquement des démarches qu’elle compte entreprendre en vue de son rapatriement en Haïti. Son cabinet n’était peut-être pas au courant des recherches et discussions engagées autour de ce dossier sensible. Sa déclaration, bien que portée par une intention louable, semblait prématurée. En l’absence d’un encadrement technique et scientifique approprié, cette prise de parole a suscité des interrogations quant à ses objectifs réels et à la pertinence de la démarche adoptée.
L’Acte de l’Indépendance, comme les autres documents du fonds, avait été livré au représentant de la Couronne britannique sur ordre de Jean-Jacques Dessalines. Ce dernier a voulu informer cette grande puissance coloniale qu’un État souverain venait de naître dans la Caraïbe. On ignore s’il a pu expédier d’autres imprimés originaux à des puissances européennes. De toute façon, dans ces conditions, on ne peut prétendre alors à une restitution.
Soulignons ici que l’on n’extrait jamais un objet d’un musée, d’une bibliothèque ou d’une archive patrimoniale. Todd Arrington, directeur de la Dwight D. Eisenhower Presidential Library and Museum, a démissionné le 29 septembre 2025 après avoir refusé de céder à la demande du président Donald Trump d’offrir une épée ayant appartenu au général Eisenhower au roi Charles III. Pour Arrington, cette épée ne peut être extraite des collections du musée car elle reste la propriété du peuple américain. Le gouvernement américain s’est finalement résolu à offrir une épée de cadet provenant de l’Académie militaire de West Point au souverain britannique3.
À la suite de cette visite officielle de Dominique Dupuy, il m’est apparu nécessaire de relancer la réflexion autour de ces imprimés originaux conservés à Londres. J’ai examiné ce fonds documentaire dans ses moindres détails. Mon attention s’est particulièrement portée sur les pièces couvrant surtout la période de 1802 à novembre 1806 car elles renseignent les derniers moments de la guerre de l’Indépendance et l’administration du gouvernement de Jean-Jacques Dessalines. Après ce travail, j’ai soumis quelques propositions aux autorités haïtiennes. Je souhaite aujourd’hui les porter à la connaissance du grand public.
Analyse du Fonds
Ce fonds documentaire conservé aux Archives Nationales de Londres revêt une importance capitale pour plusieurs raisons. D’une part, il témoigne de la lutte héroïque d’Haïti contre l’esclavage. D’autre part, il retrace les premières décisions d’organisation de l’État haïtien ainsi que ses efforts pour s’intégrer sur la scène internationale. La révolution haïtienne est un événement majeur de l’histoire moderne. Elle ouvre la voie aux indépendances latino-américaines et inspire les populations opprimées. Le 1er janvier 1804, Haïti acquiert son indépendance après une guerre épuisante contre les forces expéditionnaires françaises. Cet acte fondateur marque son entrée tumultueuse dans le concert des nations. Il bouleverse un ordre esclavagiste vieux de quatre siècles.
À cette époque, les puissances occidentales se montrent réticentes à collaborer avec Haïti. Elles redoutent les revendications antiesclavagistes, antiracistes et anticoloniales de sa révolution. Elles craignent que son écho ne stimule les mouvements de libération dans les Amériques. L’historien Alejandro Gomez a justement évoqué « le syndrome de Saint-Domingue » pour illustrer cette crainte4.
Témoin de ces bouleversements, la Grande-Bretagne conserve dans ses archives et bibliothèques publiques des documents originaux et inédits – jusqu’à preuve du contraire– d’une valeur historique considérable. Ces pièces illustrent les défis initiaux auxquels le jeune État haïtien est confronté. Parmi ces documents originaux figurent deux impressions de janvier 1804 de l’Acte de l’Indépendance d’Haïti et des récits des dernières batailles victorieuses de l’Armée Indigène contre les troupes expéditionnaires françaises.
Ces sources sont essentielles pour les chercheurs. Leur diffusion, par le biais d’expositions muséales et de plateformes numériques, permettrait de sensibiliser et d’éduquer sur cette histoire riche et inspirante.
Ces archives ne sont pas seulement des témoins du passé ; elles constituent des clés pour comprendre les défis auxquels Haïti a été confrontée et la persévérance de son peuple. Leur préservation et leur mise en valeur sont cruciales pour honorer l’histoire et inspirer les générations futures. Certains documents, datant de 1802, révèlent aussi que le conflit pour le contrôle des Antilles s’inscrit dans une dynamique globale dans la mer des Caraïbes. Trois empires –français, britannique et espagnol– s’y affrontent dans ce que d’autres appellent la « Méditerranée Américaine ». Deux grandes affiches (broadsheet), l’une en français et en anglais (17 décembre 1802) et l’autre en français et en espagnol (29 décembre 1802), imprimées sur ordre du général français Rochambeau, montrent que les dirigeants de Saint-Domingue, puis d’Haïti, cherchent des appuis partout.
Possibilités d’exploitation du Fonds
Conservé aux Archives de Londres, ce Fonds exceptionnel est essentiel pour mieux comprendre les fondements de l’État haïtien à ses débuts. Par l’intermédiaire de son ministère de la Culture, l’État haïtien pourrait initier une demande d'inscription et, par les canaux diplomatiques, convaincre les Archives de Londres d’accepter ce dépôt – par exemple au Registre Mémoire du Monde de l’UNESCO. À noter que, sous ma direction, Haïti a pu y déposer la collection d’Odette Mennesson-Rigaud en 2017.
La diffusion de ces documents via des expositions et des plateformes numériques contribuerait à faire connaître cette inspirante histoire. Ce trésor documentaire comprend une copie originale (impression de janvier 1804) de l’Acte d’Indépendance nationale, plusieurs Proclamations gouvernementales, et même la reproduction d’une chanson en l’honneur du premier chef d’État haïtien.
À la demande du conseiller présidentiel Leslie Voltaire, j’ai passé deux semaines aux Archives de Londres (16 février - 2 mars 2025). Sur place, j’ai examiné le dossier ainsi que les pièces qu’il contient avant de formuler les propositions suivantes :
- Créer une exposition virtuelle à partir des documents les plus importants.
- Mettre en ligne les documents les plus significatifs.
- Réaliser un inventaire exhaustif du fonds et, si nécessaire, les rendre accessible sur une plateforme dédiée.
- Suggérer aux Archives de Londres d’inscrire ce fonds – ou une sélection de documents pertinents – au Registre Mémoire du monde de l’UNESCO.
En attendant la réalisation de ces objectifs, je recommande vivement aux lecteurs désireux d’approfondir le sujet de visiter le site web de la professeure Julia Gaffield5. Je les invite à prêter une attention particulière à la section consacrée à ce fonds d’archives conservé aux Archives nationales de Londres. En attendant, Gaffield est disposée à faire ajouter deux fenêtres sur son site, l’une en français, l’autre en créole haïtien, afin de permettre au lecteur du pays d’avoir un accès privilégié.
Il revient maintenant au ministère de la Culture et aux Archives nationales d’Haïti de prendre le flambeau et de faire avancer le dossier dans le bon sens.
Patrick Tardieu, conservateur général de bibliothèque, le 3 octobre 2025.
NOTES
1-- Julia Gaffield (dir). The Haitian Declaration of Independence: creation, context and legacy. University of Virginia Press, Charlottesville, 2016.
2-- « Autour de l’Acte de l’Indépendance d’Haïti ». Revue de la Société d’histoire, de géographie et de géologie d’Haïti. Nos 253-256, janvier-décembre 2014. Dossier dirigé par Lewis A. Clorméus et Gaétan Mentor, respectivement secrétaire et trésorier de cette société savante.
3-- https://www.bbc.com/news/articles/cx2xkygxpy1o
4-- « Le syndrome de Saint-Domingue. Perceptions et représentations de la Révolution haïtienne dans le Monde atlantique, 1790-1886 ». Thèse de doctorat en Hhstoire. Paris : École des hautes études en sciences sociales (EHESS), 2010.
5-- haitidoi.com/dessalines-reader/Dessalines-documents/