Imposture et fraude identitaire à géométrie variable : retour ponctuel et factuel sur l’arnaque à la « soup joumou » instituée par Dominique Dupuy dans la gastronomie de l’UNESCO
Par Robert Berrouët-Oriol
Linguiste-terminologue
Conseiller spécial au Conseil national d’administration
du Regroupement des professeurs d’universités d’Haïti (REPUH)
Konseye pèmanan, Asosyasyon pwofesè kreyòl Ayiti (APKA)
Membre du Comité international de mise à jour du Dictionnaire des francophones
Montréal, le 4 décembre 2025
« Arnaque » -- « Action de tromper autrui par des moyens frauduleux ou déloyaux ; escroquerie. » (Dictionnaire de lalanguefrancaise.com)
« Fraude » -- La fraude est un acte de mauvaise foi, illégal et trompeur, commis dans le but d'obtenir un avantage indu, de nuire à autrui ou de violer la loi. Elle implique des moyens déloyaux, comme la supercherie ou le mensonge, pour surprendre un consentement ou échapper à l'exécution de la loi. La fraude peut viser des particuliers ou des collectivités et est souvent punie par la loi, prenant des formes telles que la fraude fiscale, électorale ou informatique. » (Dictionnaire OrtoLang, CNRS / Centre national de ressources textuelles et lexicales, Université de Nancy)
Le présent article, sur le mode d’un retour ponctuel et factuel, cible l’arnaque à la « soup joumou » instituée par Dominique Dupuy nommée déléguée d’Haïti à l’UNESCO en 2020 et il prend le chemin d’une réflexion critique qui s’apparente à une « fouille archéologique » liée à des sujets transversaux au propos central. Amplement documentée, la réflexion consignée dans le présent article entend interpeller les pratiques systémiques de fraude et d’arnaque autrefois instituées par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste dans certaines institutions nationales haïtiennes du champ de l’éducation et de la culture –notamment la Délégation haïtienne auprès de l’UNESCO et la Commission nationale haïtienne de coopération avec l’UNESCO (la CNHCU)--, au creux de leurs rapports avec l’écosystème de l’UNESCO,l’institution transnationale spécialisée de l’ONU mandatée pour œuvrer dans les différents champs de la culture. Cette réflexion analytique-critique se situe dans le prolongement de nos prises de parole citoyennes antérieures qui, toutes, relèvent d’une épistémologie de la libre parole citoyenne. C’est bien à l’aune d’une telle exigence de rigueur, à la fois épistémologique, éthique et politique, que nous avons mené des recherches documentaires approfondies et publié plusieurs articles dans le domaine de l’éducation et dans celui de la culture.
Nos interventions citoyennes accompagnent nos travaux de recherche et font liant avec eux dans les champs spécialisés de l’aménagement linguistique, de la terminologie bilingue français-créole, des droits linguistiques, de la jurilinguistique, de la didactique du créole, de la didactisation du créole et de la lexicographie créole. Il faut prendre toute la mesure que ces travaux de recherche ont donné lieu à la publication d’ouvrages de référence, entre autres (1) le « Plaidoyer pour les droits linguistiques en Haïti / Pledwaye pou dwa lengwistik ann Ayiti » (Éditions du Cidihca et Éditions Zémès, 2018) ; (2) « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (ouvrage collectif, Éditions Zémès et Éditions du Cidihca », 2021) ; (3) le « Plaidoyer pour une lexicographie créole de haute qualité scientifique » (à paraître début 2026 aux Éditions Zémès / Éditions du Cidihca »). Cet ouvrage rassemble 34 articles et consigne une « Préface » rédigée par Albert Valdman, linguiste-lexicographe et auteur, au Creole Institute (Indiana University), de plusieurs dictionnaires de référence anglais-créole. Et c’est à la confluence de nos travaux de recherche que nous avons ces derniers mois entrepris une fructueuse collaboration avec deux institutions nationales de premier plan, le Regroupement des professeurs d’universités d’Haïti (REPUH) et l’Asosyasyon pwofesè kreyòl Ayiti (APKA).
Il est utile de bien situer la perspective selon laquelle nos prises de parole relèvent également de l’éthique politique : nos interventions citoyennes dans les domaines de la culture et de l’éducation, qui accompagnent nos travaux de recherche en linguistique, participent également d’une veille citoyenne. Celle-ci interpelle et éclaire des sujets divers, allant de la corruption au Fonds national de l’éducation à des thématiques en lien avec les discours identitaires haïtiens : cette veille est d’autant plus essentielle et nécessaire que le « règne » des auto-proclamés « bandits légaux » du PHTK néo-duvaliériste entre 2011 et 2021 a vu l’affaiblissement voire la démantibulation des institutions de l’État au profit d’un capitalisme sauvage de type kleptocratique où les « ayant-droit » et autres affairistes du pouvoir politique détenu par le PHTK ont fait alliance avec le secteur mafieux de la bourgeoisie oligarchique haïtienne. C’est dans un tel contexte politique caractérisé par la banalisation/invisibilisation de la corruption que l’on a vu renaître des variantes arnaqueuses de l’identité haïtienne : c’est dans ce contexte que l’arnaque politique/identitariste de la « soup joumou » a été instituée par le PHTK néo-duvaliériste et mise en scène par Dominique Dupuy spécialement missionnée à l’UNESCO. Il serait naïf et illusoire de ne voir en l’arnaque politique/identitariste de la « soup joumou » qu’un simple « show médiatique » tapageur destiné à camper sinon légitimer une vision consensuelle de « l’identité haïtienne » : nier sa dimension politique et idéologique reviendrait alors à sanctuariser et à sanctifier la totémisation muséologique de la culture haïtienne… Sur un registre apparenté, l’on observe que la totémisation muséologique du créole, mise en œuvre par des créolistes fondamentalistes et des Ayatollahs du créole –membres, sympathisants ou proches collaborateurs de l’Akademi kreyòl--, a enfermé le créole dans les filets de l’errance idéologique et dans la cage du populisme linguistique. En Haïti, le populisme linguistique a donné lieu à la défense du monolinguisme d’État, à des (im)postures idéologiques et politiques, à des arnaques inconstitutionnelles, à la promotion du soutien public au cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste par certains linguistes, au révisionnisme historique couplé à l’appel à la délinquance constitutionnelle, le tout sur un continuum de fascination et d’attraction pour les idées noiristes-indigénistes-fascistes de François Duvalier (voir notre article « L’aménagement du créole en Haïti : retour-synthèse sur ses obstacles institutionnels, idéologiques, politiques et instrumentaux », Madinin’art, 18 novembre 2025).
En ce qui a trait aux variantes arnaqueuses de l’identité haïtienne et à sa traduction au creux de l’arnaque politique/identitariste de la « soup joumou » mise en scène par Dominique Dupuy spécialement missionnée à l’UNESCO, le lecteur curieux pourra élargir et approfondir l’intellection du questionnement de l’identité haïtienne elle-même. La recherche devrait à cet égard aborder le sujet de l’« épistémologie de l’identité haïtienne » au sens où l’entend Michel Oriol, de l'université de Nice, lorsqu’il explore « l’épistémologie de l’identité » dans son étude « Le statut épistémologique des théories de l'identité » (Bulletin de psychologie, 1995). Sur le registre de « l’épistémologie de l’identité », la réflexion devrait également aborder « l’objet identité » tel qu’il est circonscrit et analysé dans l’étude « L'objet identité : épistémologie et transversalité » paru sous la direction de Jean-Paul Rocchi, de l’Université Paris 7- Denis Diderot (Cahiers Charles V, n° 40, juin 2006).
En définitive la veille citoyenne que nous effectuons est celle d’une parole critique et libre, et elle témoigne de notre vision du métier de linguiste qui, loin de s’enfermer dans une tour d’ivoire, professe la liberté d’interpeller des sujets majeurs de la vie en Haïti aussi bien dans le champ de la culture que dans celui de l’éducation.
À l’aune de la veille citoyenne, voici le listage de quelques-uns de nos articles de vulgarisation.
- Articles ciblant la corruption dans le domaine de l’éducation
- « Corruption au Fonds national de l’éducation : l’ULCC aux trousses de l’ancien directeur Jean Ronald Joseph», Médiapart, 12 novembre 2025.
- « La corruption au FNE en Haïti : ce que nous enseignent l’absence d’états financiers et l’inexistence d’audits comptables entre 2017 et 2024 », Rezonòdwès, 22 juin 2024)
- «Le Fonds national de l’éducation en Haïti, un système mafieux de corruption créé par le PHTK néo-duvaliériste », Madinin’art, 20 avril 2024.
- « La corruption dans le système éducatif national d’Haïti : l’Unité de lutte contre la corruption parviendra-t-elle à la démanteler ?» (Rezonòdwès, 28 juillet 2024),
- « Survivance et modélisation de la cleptocratie au Fonds national de l’éducation en Haïti : lettre ouverte à l’Unité de lutte contre la corruption », Médiapart, 6 septembre 2024.
- « Camouflage de la corruption au Fonds national de l’éducation d’Haïti sous le manteau d’une ritournelle publicitaire» (Madinin’Art, 4 septembre 2024).
- « La corruption dans le système éducatif national d’Haïti / Le ministre Augustin Antoine dépose une demande d’audit financier et administratif à la CSCCA», Madinin’Art, 16 octobre 2024).
- « L’occultation de la corruption au Fonds national de l’éducation : nouvelles acrobaties de Sterline Civil, profuse « missionnaire » du PHTK néo-duvaliériste », Rezonòdwès, 18 juin 2025.
Articles ciblant la fraude identitaire et l’arnaque à la « soup joumou » (domaine de la culture)
- «La « soup joumou » dotée du statut chimérique de « soupe de l’Indépendance » ou l’histoire d’une frauduleuse affabulation dénuée de fondements historiques », Rezonòdwès, Madinin’Art et Médiapart, 17 novembre 2024.
- « La « soup joumou », pseudo « soupe de l’Indépendance » : les dessous d’une obscure fraude académique à l’Université Laval (Québec, Canada) », Rezonòdwès, Madinin’Art et Médiapart, 21 novembre 2024.
- « La fable de la « soup joumou», soi-disant « soupe de l’Indépendance », dans le brouillard de la patrimonialisation et de l’arnaque identitaire », Madinin’Art, 11 décembre 2024.
- « Le rôle des « intellectuels serviles» dans l’arsenal idéologique érigé par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste », Rezonòdwès, 22 novembre 2024. [Article de contextualisation de la « soup joumou » à l’intérieur du narratif idéologico-politique du PHTK néo-duvaliériste.]
Imposture et fraude identitaire à géométrie variable : retour ponctuel et factuel sur l’arnaque à la « soup joumou » instituée par Dominique Dupuy dans la gastronomie de l’UNESCO
L’argumentaire exposé dans le présent article contextualise l’arnaque à la « soup joumou » mise en oeuvre par Dominique Dupuy dans le cadre de la mission que lui a confié le PHTK néo-duvaliériste à la Délégation d’Haïti auprès de l’UNESCO. Cet argumentaire consigne des données documentaires et analytiques relatives à l’inscription de la « soup joumou » sur la « Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Cet argumentaire prendra donc en compte :
--le mandat général de l’UNESCO
--Haïti et l’UNESCO
--la « Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO » : un prestigieux marché international de légitimation
--le dossier de la « soup joumou » à l’UNESCO : du patrimoine gastronomique au triptyque /marqueur identitaire + fraude + arnaque/ : objectifs politiques
--la contestation de l’historicité de la « soup joumou » comme marqueur de l’identité haïtienne et « soup de l’Indépendance »
--la nécessité d’une réflexion épistémologique, analytique et critique, dans l’espace universitaire et dans la société haïtienne
--l’accréditation et la légitimation symboliques auprès d’institutions prestigieuses : l’arnaque de la « soup joumou » à l’UNESCO et la saga des Archives de Londres
Mandat général de l’UNESCO
« L'UNESCO, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, est un organisme spécialisé qui œuvre à renforcer les liens qui unissent l'humanité à travers l'éducation, la science, la culture et la communication. Nous établissons des normes, concevons des outils et partageons des savoirs pour relever les plus grands défis de notre époque, afin de promouvoir un monde plus juste et pacifique. Protéger la biodiversité, répondre aux enjeux de l'intelligence artificielle, garantir une éducation de qualité, préserver le patrimoine et assurer l'accès à une information fiable sont quelques exemples du travail que l'UNESCO accomplit avec ses 194 États membres à travers le monde. » (Source : site officiel de l'UNESCO ; voir aussi la « Convention créant une Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture » adoptée à Londres le 16 novembre 1945)
Haïti et l’UNESCO
La République d’Haïti est signataire de l’Acte constitutif de l’UNESCO (la « Convention créant une Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture »), convention adoptée à Londres le 16 novembre 1945.
« La Délégation permanente d’Haïti auprès de l’UNESCO, sous l’égide du ministère des Affaires étrangères et des cultes, collabore étroitement avec le ministère de l’Éducation nationale et la formation professionnelle (MENFP), le ministère de la Culture et de la communication, le ministère de l’Environnement, le ministère de la Jeunesse, des sports et de l’action civique (MJSAC) notamment. La société civile et divers organismes publics, tels que l’Institut de sauvegarde du patrimoine national (ISPAN), le Bureau national d’ethnologie (BNE), le Service maritime national d’Haïti (SEMANAH) et l’Université d’État d’Haïti (UEH), sont également des partenaires essentiels. Cette coopération multipartite reflète l’engagement de la Délégation à promouvoir les intérêts d’Haïti et à renforcer la présence du pays au sein de l’UNESCO, en exploitant les synergies et en mobilisant divers acteurs pour atteindre des objectifs communs en matière de culture, d’éducation, d’environnement et de développement durable. » (Source : Ayitiunesco.org)
« Selon un communiqué de la Délégation permanente d’Haïti auprès de l’UNESCO, Lilas Desquiron a officiellement pris ses fonctions en tant qu’Ambassadeur, Déléguée permanente d’Haïti auprès de l’Organisation. L’ancienne ministre de la Culture a présenté ses lettres de créance à la Directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, le 26 février 2025 à Paris. Elle aura pour mission de défendre les intérêts d’Haïti, notamment en matière d’éducation, de protection et sauvegarde du patrimoine. Lors de son entretien avec Audrey Azoulay, la diplomate haïtienne a exposé les priorités stratégiques de son mandat : la promotion de l’éducation, la sauvegarde du patrimoine, le développement des médias éducatifs et l’intensification des liens avec le Groupe Afrique au sein de l’UNESCO. Des enjeux cruciaux pour Haïti, confronté à de multiples défis. » (Source : « Lilas Desquiron, nouvelle déléguée permanente d’Haïti auprès de l’UNESCO », G@zette Haïti News, 28 février 2025).
La Commission nationale haïtienne de coopération avec l’UNESCO (CNHCU) -- « Tous les États membres établissent une Commission nationale afin d’assurer la mise en œuvre des programmes de l’UNESCO dans leurs pays respectifs. La Commission nationale haïtienne est présidée par le ministre de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle et travaille à la mise en œuvre des actions de coopération sur le terrain. La CNHCU est dirigée par un Secrétaire permanent et est divisée en secteurs thématiques (éducation, culture, science, communication), avec un chargé de dossier pour chaque secteur. » (Source : Ayitiunesco.org)
La « Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO » : un prestigieux marché international de légitimation
Le 16 décembre 2021, la « soup joumou » a été inscrite sur la « Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Nous reviendrons plus loin sur le cheminement idéologico-institutionnel de cette inscription.
« La Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO est une mesure de sauvegarde internationale du patrimoine culturel immatériel. Elle a été adoptée par l'UNESCO en 2003 et vise à assurer la visibilité, la prise de conscience de l'importance du patrimoine culturel immatériel et à favoriser le dialogue, reflétant ainsi la diversité culturelle du monde entier. (…) La liste comprend des pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire qui font partie intégrante du patrimoine culturel immatériel des communautés, des groupes et, le cas échéant, des individus. Les domaines couverts incluent les traditions et expressions orales, les arts du spectacle, les événements et rituels festifs, les savoirs et pratiques concernant la nature et l'univers, ainsi que les techniques artisanales traditionnelles. La liste est mise à jour régulièrement par le Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, qui évalue les candidatures et décide d’inscrire ou non les éléments proposés par les États parties à la Convention de 2003. (…) La liste est un outil essentiel pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et contribue à la protection et à la promotion de la diversité culturelle. (Source : UNESCO Patrimoine culturel immatériel)
NOTE -- « Les dossiers de candidature soumis par les États parties sont publiés par le Secrétariat de la Convention de 2003 sur son site Internet, conformément au paragraphe 54 des Directives opérationnelles concernant la procédure de candidature ; en outre, les informations contenues dans les candidatures sont reflétées dans les documents de travail du Comité afin de garantir la transparence et l’accès à l’information.
La responsabilité exclusive du contenu de chaque dossier de candidature incombe aux États parties soumissionnaires concernés. Les désignations employées dans les textes et documents présentés par les États parties soumissionnaires n’impliquent l’expression d’aucune opinion de la part du Comité ou de l’UNESCO concernant a) le statut juridique de tout pays, territoire, ville ou zone, b) le statut juridique de ses autorités, c) la délimitation de ses frontières ou limites, ou d) des références à des événements historiques spécifiques » (Source : site Web de l’UNESCO, rubrique « Consulter les Listes du patrimoine culturel immatériel et le Registre de bonnes pratiques de sauvegarde »).
En raison de la mission découlant de son mandat institutionnel, de son mode de gouvernance et de traitement des dossiers soumis par les États membres, en raison des rapports de force politiques ainsi que des enjeux culturels à l’œuvre dans les États membres, la « Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO » est le lieu d’intenses tractations politiques/symboliques… Ces intenses tractations politiques/symboliques sont monnaie courante en dépit des balises formulées dans les « Directives opérationnelles concernant la procédure de candidature ». Nous reviendrons plus loin sur le cheminement idéologico-institutionnel de l’inscription de la « soup joumou » sur cette Liste.
ARGUMENTAIRE / Le dossier de la « soup joumou » à l’UNESCO : du patrimoine gastronomique au triptyque marqueur identitaire + fraude + arnaque : objectifs politiques
La « soup joumou » qualifiée de « soupe de l’Indépendance » ou les dessous du charlatanisme historique et de la fraude intellectuelle
Ce qui s’apparente à un verbeux mantra, à une itérative et redondante prolifération de l’anecdotique –la ci-devant « soupe de l’Indépendance–, est aventureusement véhiculé d’année en année sur divers sites, alors même qu’aucune revue scientifique n’a jusqu’à aujourd’hui publié le moindre travail de recherche attestant la véracité d’une telle « fable mythologisée »… Ce que nous avons rigoureusement contesté dans nos articles, c’est l’historicité de la « soup joumou » comme marqueur de l’identité haïtienne au titre de la « soupe de l’Indépendance » : aucun des articles scientifiques, aucun des ouvrages de référence que nous avons consultés ne confirme un tel statut. L’on ne trouve nulle trace de l’affabulation identitariste « soupe de l’Indépendance » dans les ouvrages de référence suivants :
--« Genèse de l’État haïtien », par Laënnec Hurbon. C3 Éditions, 2024.
--« Comprendre Haïti. Essai sur l’État, la nation, la culture », par Laënnec Hurbon. Éditions Karthala, 1987.
« Ti difé boulé sou Istoua Ayiti », par Michel Rolph Trouillot. New York : Koléksion Lakansièl, 1987.
--« Les racines historiques de l’État duvaliérien », par Michel Rolph Trouillot. Éditions Henri Deschamps, 1986 [C3 Éditions, 2016].
Voici, à titre indicatif, quelques exemples de sites où il est question de la « soup joumou ». Nous les avons choisis, sans les hiérarchiser, pour donner à voir de quelle manière est exprimée l’itérative affabulation de la « soup joumou » frauduleusement hissée au statut de « soupe de l’Indépendance »
Premier exemple / « Chaque année, le 1er janvier, Marguerite Paul célèbre l’indépendance d’Haïti autour de la soupe joumou. Pour la Manitobaine originaire de Limbé comme pour tous les Haïtiens d’origine à travers le monde, cette tradition représente un devoir fraternel et révolutionnaire. (…) L’histoire raconte que, lors de la déclaration de l’indépendance, Marie-Claire Heureuse, qui était l’épouse du fondateur de la République d’Haïti, Jean-Jacques Dessalines, a servi la soupe joumou aux généraux. « La roue avait tourné », explique Pierre Ebert Delcy. Cette soupe est, selon lui, le symbole de la fraternité prônée par la devise qu’on trouve sur le drapeau de la République : L’union fait la force. La tradition veut aussi que cette soupe soit partagée avec tous les Haïtiens à travers le monde » (source : « La soupe joumou, symbole de révolution pour la communauté haïtienne », Radio-Canada, 7 février 2023).
Deuxième exemple / « La soupe joumou (ou soupe au giraumon, en français) est une soupe traditionnelle de la cuisine haïtienne. Elle fait partie du patrimoine culturel d’Haiti. Depuis le 16 décembre 2021, elle fait partie de la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité pour Haïti. Autrefois, Haiti était une colonie française et avant l’indépendance du pays cette soupe était servie uniquement aux maîtres de plantations français, elle représentait un idéal inaccessible aux esclaves, malgré le fait qu’ils étaient les seuls à semer et cultiver ce précieux fruit. La valeur historique et politique qui entoure cette soupe en Haïti vient du fait qu’au jour de l’indépendance du pays, c’est-à-dire le 1er janvier 1804, Claire Heureuse, la femme de Jean-Jacques Dessalines, dirigeant de la révolution haïtienne, autorisa la consommation de cette soupe à tous, aux esclaves comme aux passants dans le but de montrer au monde entier, particulièrement à la France, que Haïti était devenu un peuple libre et indépendant ! Désormais, elle fait partie du menu traditionnel du Nouvel An. Elle symbolise l’indépendance pour les Haïtiens2 car elle est cuisinée le 1er janvier de chaque année dans toutes les familles haïtiennes en mémoire du jour de la lecture de l’acte de l’indépendance aux Gonaïves par les Pères fondateurs » (Source : « Soupe joumou », Wikipédia, non daté. NOTE / Règle générale, les chercheurs évitent de faire appel aux données rassemblées sur Wikipédia, sorte de bazar protéiforme de l’information caractérisé par l’absence de sources documentaires fiables. Mais il arrive parfois qu’une information exacte soit consignée sur ce site.)
Troisième exemple / « En marge des célébrations de la Proclamation de l’Indépendance, tous les 1er janvier, l’OGDNH [l’Organisation de gestion de la destination Nord d’Haïti] veut attirer l’attention de ses adhérents et des internautes sur un fait important lié à cet évènement historique : La consommation de la soupe joumou le 1er janvier 1804.
Selon plusieurs historiens la consommation de la soupe de Giraumon était l’apanage des colons français et était interdite aux esclaves de la colonie ; sa consommation le 1er janvier 1804 par les nouveaux libres serait considérée comme une véritable « revanche des va-nu-pieds contre leurs anciens maitres … [NOTE DE RBO : « Selon plusieurs historiens » : lesquels ? Quelles sont les sources historiques consultables ?]
« La [frauduleuse] « Histoire de la soupe joumou (soupe au giraumon) » selon le site de l’Organisation de gestion de la destination Nord d’Haïti (OGDNH)… « Le professeur Agénor nous révèle aussi que c’est la femme de Dessalines, Marie Claire Heureuse Félicité Bonheur qui encourageait la préparation de la soupe joumou par chaudrons chaque 1er janvier, afin que tout le monde puisse en manger. Elle en a elle-même donné l’exemple. À son époque, nous dit la professeure Bayyinah Bello [voir plus bas les affabulations de cette présumée « historienne »], du premier au sept janvier de chaque année, des drums étaient placés à chaque carrefour, de six heures du matin à six heures du soir. Sa préparation était une obligation, de même que sa distribution entre voisins. Ce principe de partage est à la base de la fondation de la nation haïtienne, nous dit le professeur Bello. Plus de 200 ans après sa popularisation, la soupe joumou demeure un aliment patrimonial et constitue un symbole fort, indissociable de l’histoire et de l’identité du peuple haïtien. Cependant la tradition de partage de cette soupe chaque 1er janvier, entre les familles haïtiennes a beaucoup perdu de son intensité de nos jours » (source : « Soupe au giraumon – soupe joumou », site de l’Organisation de gestion de la destination Nord d’Haïti (OGDNH), non daté).
Quatrième exemple / En Haïti, un retentissant et délirant « cocorico identitaire » a retenti dans les pages du vénérable journal Le Nouvelliste de la manière suivante : « La soupe joumou, une fierté haïtienne » : « L’UNESCO a fait entrer dans le patrimoine culturel immatériel de l’humanité, le jeudi 16 décembre 2021, lors de la 16e session intergouvernementale, la Soupe joumou. Une bonne nouvelle pour tous les fils et filles d’Haïti, quel que soit l’endroit où ils se trouvent. Par cette grande décision [sic] au niveau de la plus haute sphère des Nations unies, notre Soupe joumou, une fierté nationale, jouit désormais d’une reconnaissance mondiale [sic] ». Le retentissant et délirant « cocorico identitaire » se donne à mesurer à l’aune du propos surréaliste de Dominique Dupuy alors ambassadrice d’Haïti auprès de l’UNESCO à Paris : « Le jeudi 16 décembre 2021 est historique [sic]. C’est la date à laquelle l’organe de l’évaluation de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a fait adopter l’inscription de la « Soup joumou » sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. La soupe traditionnelle de la cuisine haïtienne comme patrimoine de l’humanité a été quasiment adoptée à l’unanimité à la 16e session intergouvernementale de cette organisation internationale septuagénaire. À la suite de la décision classant ce mets hautement historique [sic] au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, l’ambassadeur d’Haïti auprès de l’UNESCO, Dominique Dupuy, n’a pas caché sa joie. Le diplomate a sauté au plafond et laissé parler son cœur. « J’aimerais exprimer avec grande émotion ma reconnaissance envers tous les États membres de l’UNESCO, les amis d’Haïti, pour leur solidarité sans équivoque, ainsi que celle du secrétariat et de la direction générale… Cette inscription de la Soup joumou, à ce sombre moment de notre parcours de peuple, à la clôture d’une année des plus éprouvantes, est un nouveau flambeau [sic] qui saura raviver nos élans solidaires, et notre foi dans des lendemains meilleurs. Haïti dit merci à l’UNESCO ! L’humanité dit merci à l’UNESCO ! Ayibobo ! », s’est [exclamé l’ambassadrice d’Haïti auprès de l’UNESCO, Dominique Dupuy », dans sa tonitruante et fantaisiste intervention, en dehors de la moindre référence à des travaux scientifiques relatifs à la « soup joumou ».
Ainsi donc, au motif d’un soi-disant « symbole historique », la frauduleuse et improbable mythologisation identitaire dont la « soup joumou » est l’objet totémisé, a été aveuglément et indistinctement reprise par différents sites, entre autres le New Canadian Media (« Symbole historique : les Haïtiens célèbrent leur indépendance avec la Soup joumou » : « Le plat est un symbole de l’histoire révolutionnaire d’Haïti », 5 janvier 2023) et par Africa News (« Haïti : la « soupe joumou », symbole d’indépendance et de liberté », 13 août 2024.
Du verbeux défilé des qualificatifs « historiques » accolés à la « soup joumou » au statut chimérique et imaginaire de la « soupe de l’Indépendance » : la fabrication d’une « fable mythologisée » en dehors de travaux de recherche scientifiques attestant la véracité d’une telle affabulation/mythologisation identitaire
Les exemples que nous venons d’évoquer sont éclairants et fort révélateurs. Nous faisons la démonstration de leur inanité et de leur caractère a-historique et fallacieux en intégrant, dans le présent article, les principaux arguments exposés dans nos échanges d’hier avec un universitaire haïtien à propos de la « soup joumou ». Mais auparavant il est utile d’exposer l’information consignée dans l’« Inventaire multimédia en ligne du patrimoine immatériel d’Haïti ». Cette référence documentaire est d’une importance majeure pour bien comprendre de quelle manière la fabrication d’une « fable mythologisée » en dehors de travaux de recherche scientifiques attestant la véracité d’une telle affabulation/mythologisation identitaire a bénéficié de la caution universitaire aveugle, fallacieuse, frauduleuse et démagogique de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique et de l’Institut du patrimoine culturel de l’Université Laval…
En effet, le site INVENTAIRE DU PATRIMOINE IMMATÉRIEL D’HAÏTI consigne « Le projet d’Inventaire du patrimoine immatériel d’Haïti ». Les objectifs de cet « Inventaire » sont définis comme suit :
« L’Inventaire multimédia en ligne du patrimoine immatériel d’Haïti est un moyen efficace de sauvegarder et de mettre en valeur le patrimoine culturel immatériel. C’est pour cette raison que l’Université d’État d’Haïti et le ministère de la Culture et de la communication d’Haïti ont décidé de démarrer le projet d’Inventaire du patrimoine immatériel d’Haïti (IPIMH), avec un soutien technique et financier de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique et de l’Institut du patrimoine culturel de l’Université Laval (Québec, Canada), dirigés par Laurier Turgeon.
Les retombées de l’inventaire sont de plusieurs ordres :
- permettre une meilleure visibilité du patrimoine immatériel haïtien en l’identifiant et en le mettant en valeur pour la société haïtienne et pour le monde entier;
- offrir une reconnaissance nationale et internationale du patrimoine immatériel haïtien ;
- former des spécialistes haïtiens dans le domaine du patrimoine culturel immatériel ;
- fournir des outils de développement culturel et touristique aux communautés locales ;
- offrir des sujets de recherche aux chercheurs en sciences sociales et humaines ;
- créer une base de données multimédia pour faciliter l’enseignement en ligne de la culture haïtienne ».
En ce qui a trait à la « soup joumou » frauduleusement affublée de l’étiquette « soupe de l’Indépendance », le site INVENTAIRE DU PATRIMOINE IMMATÉRIEL D’HAÏTI renferme une information de premier plan permettant d’identifier l’un des promoteurs-idéologues du mantra de la mythologisation de la « soup joumou » ainsi que le mécanisme de la fabrication d’une « fable mythologisée » en dehors de travaux de recherche scientifiques attestant la véracité d’une telle affabulation/mythologisation identitaire. L’information, que nous avons confirmée par la consultation de plusieurs autres sources documentaires, se lit comme suit :
« La soupe joumou », par Bayyinah Bello.
« Bayyinah Bello est professeure à l’Université d’État d’Haïti. (…) elle dirige la Fondation Marie Claire Heureuse Félicité Bonheur Dessalines appelée aussi Fondasyon Felicite (FF) pour la recherche historique ainsi dénommée en l’honneur de la femme de Jean-Jacques Dessalines. Cette fondation procède, le 1er janvier de chaque année, à une importante distribution de soupe joumou à travers plusieurs communes d’Haïti et permet à environ 4 à 5 000 personnes de déguster ce mets hautement symbolique [sic] pour le peuple haïtien.
Intérêt patrimonial
« L’intérêt patrimonial de la soupe joumou réside dans sa symbolique historique [sic], sa valeur d’âge, sa savante préparation –qui témoigne d’un savoir-faire–, et surtout dans son ancrage dans la société haïtienne. En effet, la préparation et la consommation sans discontinuité de la soupe joumou, appelée aussi « soupe du 1er janvier ou de l’indépendance », remonte à plus de deux siècles, soit au 1er janvier 1804, jour de la proclamation de l’indépendance d’Haïti, ce qui, de manière incontestable, contribue à faire de cet aliment un symbole fort, indissociable de l’histoire et de l’identité du peuple haïtien. »
« Elle est, en outre, familière à toutes les couches de la société haïtienne qui la consomment chaque 1er janvier par tradition. Dans les communautés haïtiennes à l’étranger, même si les gens n’ont pas de giraumont, même si les ingrédients manquent, ils s’organisent pour cuisiner la soupe à partir de la poudre de giraumont, ce qui, selon Mme Bello, témoigne de la force de la tradition. »
Historique général [Attestation écrite de la fraude historique et intellectuelle commise par Bayyinah Bello]
[Suite de l’exposé écrit de Bayyinah Bello] « Certains chercheurs prétendent que cette soupe existait déjà avant l’Indépendance et était interdite aux esclaves de la colonie ; sa consommation par les nouveaux libres serait considérée une véritable « revanche des va-nu-pieds de 1804 contre les anciens colons ». Cependant, la professeure Bello, qui dit avoir eu accès à certains écrits de Mme Dessalines, rejette cette assertion pour insuffisance de preuves. [NOTE DE RBO : L’épouse de Jean-Jacques Dessalines, Marie Claire Heureuse Félicité Bonheur Dessalines, était analphabète, elle ne savait ni lire ni écrire : aucun livre d’histoire, aucun article scientifique n’a répertorié ses prétendus « écrits »… Malgré cela, Bayyinah Bello prétend frauduleusement qu’elle « a eu accès à certains écrits de Marie Claire Heureuse Félicité Bonheur Dessalines »…] « Selon Bayyinah Bello, si tel était le cas, la soupe joumou aurait été encore consommée dans les anciennes métropoles colonisatrices comme la France, l’Espagne, ou encore l’Angleterre. Or, il n’y a rien de tel, constate-t-elle. Au lendemain de l’indépendance de la République d’Haïti, alors que le général en chef de l’armée révolutionnaire, Jean-Jacques Dessalines, s’attelait à la préparation de son discours de circonstance, sa femme, Marie Claire Heureuse Félicité Bonheur, souhaitait trouver un aliment riche en matières nutritives pour permettre au peuple haïtien de résister aux pénuries et aux difficultés de l’après-guerre. Elle a proposé aux nouveaux libres la soupe joumou, composée à base de giraumont, une plante présente dans nombre de pays du continent américain.
« Dans l’un de ses écrits, Marie Claire Heureuse Félicité Bonheur dit avoir d’abord utilisé le giraumont pour soigner des tuberculeux, précise la professeure Bello. C’est après avoir découvert la vertu de cette plante qu’elle a décidé de vulgariser la recette. Pour Marie Claire Heureuse Félicité Bonheur, ce mets, une fois consommé, devait permettre aux gens de résister à la faim pendant au moins quinze jours [sic]. La soupe est composée de giraumont, de carottes, de chou, de pommes de terre, d’igname blanche (dit yanm bòzò), de navet, de mirliton. [NOTE DE RBO : l’épouse de Jean-Jacques Dessalines était analphabète, elle ne savait ni lire ni écrire, aucun livre d’histoire, aucun article scientifique n’a répertorié ses prétendus « écrits »…. Malgré cela, Bayyinah Bello a eu accès à certains écrits de Marie Claire Heureuse Félicité Bonheur Dessalines…]
« Marie Claire Heureuse Félicité Bonheur encourageait aussi la préparation de la soupe joumou par chaudrons, afin que tout le monde puisse en manger. Elle en a elle-même donné l’exemple. À son époque, nous dit professeure Bello, du premier au sept janvier de chaque année, des drums étaient placés à chaque carrefour, de six heures du matin à six heures du soir. Sa préparation était une obligation, de même que sa distribution entre voisins. CE PRINCIPE DE PARTAGE EST À LA BASE DE LA FONDATION DE LA NATION HAÏTIENNE, nous dit professeure Bello ». [NOTE DE RBO : À l’époque, les « drums » n’existaient pas en Haïti, ils ont fait leur apparition beaucoup plus tard dans le contexte de la distribution des produits pétroliers. Au moment de la guerre de l’Indépendance, ce sont les tonneaux qui étaient en usage, ils étaient fabriqués par des tonneliers. Marie Claire Heureuse Félicité Bonheur, épouse de Dessalines, n’a donc pas pu –comme le prétend frauduleusement Bayyinah Bello—, placer des drums « à chaque carrefour, de six heures du matin à six heures du soir » pour faire cuire la « soup joumou »… Là encore, Bayyinah Bello, qui ne se réfère à aucune source historique vérifiable, invente de toutes pièces un récit affabulateur, mensonger et démagogique…]
Au chapitre de l’imposture intellectuelle et historique, nous avons passé en revue l’information accessible sur plusieurs sites. Nous avons constaté que (1) Bayyinah Bello se dit historienne et prétend frauduleusement avoir eu accès à certains écrits de Marie Claire Heureuse Félicité Bonheur Dessalines alors même que celle-ci était illettrée et qu’aucun livre d’histoire, aucun article scientifique n’a répertorié ses prétendus « écrits ; (2) Bayyinah Bello s’enfonce allègrement dans l’imposture intellectuelle et historique lorsque, en momifiant la « soup joumou », elle soutient l’idée lourdement dilettante que « ce principe de partage est à la base de la fondation de la nation haïtienne », rien de moins… Bayyinah Bello est-elle une historienne confirmée et reconnue pour la qualité de ses travaux en histoire ? Sur le site Web d’une renommée chanteuse haïtienne, il est mentionné que Bayyinah Bello aurait fait une maîtrise de linguistique au Nigeria et aurait enseigné l’anglais et… l’arabe au Togo… Hormis son livre « Jean-Jacques Dessalines : 21 pwenkonnen sou lavi li » (Éditions FF (auto-édition déguisée), novembre 2020), on ne lui connait aucun travail de recherche scientifique ayant le statut de référence en histoire ou… en gastronomie haïtienne. Sur le rachitique site de l’Université d’État d’Haïti nous n’avons trouvé aucune information sur l’enseignement que Bayyinah Bello aurait, semble-t-il, dispensé à son retour en Haïti…
NOTE / Le site INVENTAIRE DU PATRIMOINE IMMATÉRIEL D’HAÏTI, qui abrite « Le projet d’Inventaire du patrimoine immatériel d’Haïti », est-il crédible sur le plan scientifique ? L’on observe que ce site, avec une étonnante légèreté et un dilettantisme outrageux, cite en « référence historique »… un article de Huguette Jean-Simon, « Soupe joumou » de Haïti » . Vérification faite, à défaut d’être historienne ou anthropologue, Huguette Jean-Simon est une employée de la Santé publique de Toronto et membre de l’équipe d’intervention et de sensibilisation rapide pour la COVID-19. La deuxième « référence historique » sur laquelle prend appui « Le projet d’Inventaire du patrimoine immatériel d’Haïti » est un texte de… Liliane Pierre-Paul, « Haïti-Insolite : la soupe « joumou » ou la revanche des va-nu-pieds de 1804 ». À défaut d’être historienne ou anthropologue, la défunte Liliane Pierre-Paul était une journaliste expérimentée, fort respectée, et une exemplaire combattante opposée à la dictature des Duvalier père et fils.
Ainsi donc, le site INVENTAIRE DU PATRIMOINE IMMATÉRIEL D’HAÏTI , sous les auspices de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique et de l’Institut du patrimoine culturel de l’Université Laval, reprend à son compte une information frauduleuse, non attestée sur le plan scientifique, en faisant appel aux affabulations d’une pseudo historienne haïtienne, Bayyinah Bello. Hormis ses fabliaux imaginaires et autres racontars fictifs, l’on observe que cette pseudo historienne n’a publié durant les quarante dernières années aucun article scientifique issus de travaux de recherche sur le terrain et portant entre autres, sur la gastronomie et les habitudes alimentaires des habitants de Saint-Domingue puis d’Haïti. De surcroît, il est attesté que les deux doctorants haïtiens de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique et de l’Institut du patrimoine culturel de l’Université Laval –qui ont introduit les affabulations de Bayyinah Bello dans cette institution canadienne--, sont les mêmes qui, à titre d’employés rémunérés de la Commission nationale haïtienne de coopération avec l’UNESCO (CNHCU), ont préparé le « dossier technique » de la pseudo « soupe de l’Indépendance » dont se servira Dominique Dupuy pour entreprendre sa croisade affabulatrice à l’UNESCO. Nous sommes donc en présence d’une véritable « CHAÎNE DE L’ARNAQUE HISTORIQUE » dont les protagonistes sont repérables dans plusieurs institutions : l’Université Laval, la Commission nationale haïtienne de coopération avec l’UNESCO (CNHCU), le ministère des Affaires étrangères d’Haïti et la Délégation d’Haïti auprès de l’UNESCO. Les pseudo « travaux scientifiques provenant de cette « CHAÎNE DE L’ARNAQUE HISTORIQUE » ont été mis à contribution par Dominique Dupuy pour faire « ingérer » l’arnaque de la « soup joumou » aux gestionnaires de la « Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO » en dépit du protocole consigné dans les « Directives opérationnelles concernant la procédure de candidature ».
Données factuelles sur l’Inventaire du patrimoine immatériel d’Haïti
Le site officiel de l’Inventaire du patrimoine immatériel d’Haïti mentionne plusieurs références documentaires dans le descriptif de la mission de l’institution, entre autres « La technique de préparation traditionnnelle de la soupe joumou (soupe giraumon) ou soupe de l’independance » (21 décembre 2020, numéro de classement 015-21-DEC-2020). Ce document porte bien son nom puisqu’il s’agit du descriptif de la « technique de préparation traditionnelle de la « soupe joumou » et non pas de l’historique de ce mets (documents de référence attestant son apparition sur le plan historique dans la gastronomie haïtienne, justification, documents à l’appui, de la véracité et de la crédibilité de l’appellation « soupe de l’Indépendance)…
L’on observe que le site de l’Inventaire du patrimoine immatériel d’Haïti indique, à la rubrique « Notre équipe » le nom de plusieurs personnes-ressources qui ont autrefois collaboré à l’élaboration du projet d’Inventaire du patrimoine immatériel d’Haïti. Parmi ces personnes-ressources, certaines étaient à l’époque des étudiants haïtiens qui suivaient un programme de maîtrise ou de doctorat en Ethnologie et patrimoine à l’Université Laval. L’on y trouve entre autres le nom de Frantz Délice, à l’époque Directeur du patrimoine au ministère de la Culture et de la communication d’Haïti. « Il a travaillé au montage du dossier de la « soupe joumou » et a contribué à son inscription au niveau national, notamment au « Registre national du patrimoine culturel immatériel le 21 décembre 2020. Il a été l’un des co-coordonnateurs de l’équipe devant travailler et finaliser le dossier d’inscription de cet élément sur la Liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ». Toujours selon le site officiel de l’Inventaire du patrimoine immatériel d’Haïti, Frantz Délice a œuvré à ce que la « soupe joumou » soit le premier de nos éléments culturels à porter notre fierté de peuple à l’international ». Le site officiel de l’Inventaire du patrimoine immatériel d’Haïti précise également que Frantz Délice [était] « une ressource qui [intervenait] sur les dossiers du patrimoine culturel et de la communication culturelle au sein [du ministère de la Culture et de la communication d’Haïti] où il occup[ait] (…) le poste de « Directeur du patrimoine ». Il [a été] professeur et une ressource au cabinet général de l’École nationale des arts (ENARTS). Il enseign[ait] les stratégies de communication/publicité au sein du Département de communication de la FASCH [Faculté des sciences humaines de] l’Université d’État d’Haïti ».
Le site officiel de l’Inventaire du patrimoine immatériel d’Haïti énumère un grand nombre de contributeurs haïtiens, les « Membres de l’équipe de l’inventaire (facilitateurs) » sans préciser la nature de leurs prestations et le lieu de leur travail et sans préciser en quoi ils sont des « facilitateurs ». Il n’est pas non plus précisé si ces « facilitateurs » ont été chargés de recueillir en Haïti des témoignages oraux relatifs à la « soupe joumou » et si des éventuels témoignages oraux auraient été retranscrits puis stockés dans une base de données de l’Inventaire du patrimoine immatériel d’Haïti.
À ce niveau également, nous sommes en présence d’une véritable « CHAÎNE DE L’ARNAQUE HISTORIQUE » : les affabulations des « experts » haïtiens de l’Université Laval et celles de Bayyinah Belloont été frauduleusement mis à contribution par Dominique Dupuy pour faire « ingérer » l’arnaque de la « soup joumou » aux gestionnaires de la « Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO » en dépit du protocole consigné dans les « Directives opérationnelles concernant la procédure de candidature ».
Les Archives nationales (en anglais The National Archives) sont une agence exécutive britannique créé en avril 2003 par la réunion de deux institutions plus anciennes :
- le Public Record Office, fondé en 1838pour être les Archives nationales à la fois du Royaume-Uni, de l'Angleterre et du Pays de Galles ;
- la Historical Manuscripts Commission(« Commission des manuscrits historiques »), chargée de recenser et de préserver les archives privées.
--solidarité clanique/patrimoniale
Le rôle central de l’action diplomatique dans la « fabrique du consentement politique » pro-PHTK à l’échelle internationale
L’on observe que l’action diplomatique joue un rôle central dans la « fabrique du consentement politique » pro-PHTK à l’échelle internationale : les discours et l’action de Dominique Dupuy, la « funambule vedette BCBG » du PHTK néo-duvaliériste, en témoignent de manière documentée. Il serait naïf de croire que Dominique Dupuy aurait aluni au miséricordieux Jardin des « bandits légaux » du PHTK sur un coup de dés, « comme par hasard » ou selon une vertueuse et œcuménique volonté de « servir son pays »… Les universitaires et analystes haïtiens que nous avons interrogés à plusieurs reprises sont unanimes : Dominique Dupuy est au cœur même du dispositif idéologique du « consentement politique » échafaudé par le PHTK néo-duvaliériste. Elle y joue le trémolo de la partition musicale qui lui a été dictée par les « caïds idéologues » du PHTK néo-duvaliériste avec une apparente candeur qui peut séduire bien des cœurs sensibles… L’envolée lyrique, le délirant « cocorico identitaire », sorte de mantra ritualiste de la « Diva funambule BCBG » à propos de la « soup joumou » en est l’évidente illustration. En voici une illustration, que nous avons précédemment signalé : « « L’UNESCO a fait entrer dans le patrimoine culturel immatériel de l’humanité, le jeudi 16 décembre 2021, lors de la 16e session intergouvernementale, la soupe joumou. Une bonne nouvelle pour tous les fils et filles d’Haïti, quel que soit l’endroit où ils se trouvent. Par cette grande décision [sic] au niveau de la plus haute sphère des Nations unies, notre soupe joumou, une fierté nationale [sic] jouit désormais d’une reconnaissance mondiale [sic] ». L’objectif stratégique de l’« opération soup joumou » est amplement repérable dans la séquence suivante : « Cette inscription de la soup joumou, à ce sombre moment de notre parcours de peuple, à la clôture d’une année des plus éprouvantes, est un nouveau flambeau [sic] qui saura raviver nos élans solidaires, et notre foi dans des lendemains meilleurs » (Le Nouvelliste du 17 décembre 2021). L’on observe en Haïti que l’« opération soup joumou » est destinée à installer à l’échelle internationale un regard consensuel préfabriqué et affabulatoire sur une Haïti dirigée par des « bandits légaux » au cœur même de la criminalisation/gangstérisation du pouvoir d’État, une Haïti où les néo-macoutes du PHTK ont « démantibulé » les institutions régaliennes de l’État, une Haïti livrée à la fureur des gangs armés réputés liés au cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste… Mais tout cela Dominique Dupuy le savait avant d’occuper les postes de représentante d’Haïti auprès de l’UNESCO et celui de ministre des Affaires étrangères d’Haïti sur recommandation insistante de deux poids lourds du PHTK néo-duvaliériste, les « caïds à cravate » Laurent Lamothe et Claude Joseph…
L’« opération soup joumou » était donc destinée à installer à l’échelle internationale un regard consensuel préfabriqué et affabulatoire sur Haïti à l’aune de la « fabrique du consentement politique ». L’on observe toutefois que l’« opération soup joumou » participe d’un phénomène socio-économique et politique beaucoup plus large, celui d’un système de gouvernance de l’État haïtien selon le « modèle » promu par les auto-proclamés « bandits légaux » du PHTK : la corruption et la vassalisation de l’ensemble des institutions de l’État et la banalisation de cette corruption invisibiliée. À cet égard, il faut prendre toute la mesure que la configuration structurelle de l’État haïtien s’est considérablement modifiée depuis une douzaine d’années –« l’État patrimonial et rentier » devenant de plus en plus, au fil des ans, un « État gangstérisé/criminalisé », un « État en voie de somalisation » comportant plusieurs pôles en lutte pour l’hégémonie politique : « les micro-États des gangs armés » en concurrence avec des reliquats structurels de l’« l’État central patrimonial et rentier ». Mais tout cela, Dominique Dupuy le savait déjà au moment où elle a choisi de mettre sa présumée « expertise » en promotion du patrimoine culturel haïtien au service de la propagande du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste… (NOTE – Sur la gangstérisation/criminalisation de l’État haïtien, voir l’étude de Frédéric Thomas « Haïti : la gangstérisation de l’état se poursuit », Cetri, Université de Louvain, 7 juillet 2022 ; sur les auto-proclamés « banditslégaux » du PHTK, voir l’article de Rorome Chantal de l’Université de Moncton, « L’ONU, le PHTK et la criminalité en Haïti », AlterPresse, 25 juillet 2022 ; voir aussi l’article de Laënnec Hurbon, « Pratiques coloniales et banditisme légal en Haïti », Médiapart, 28 juin 2020 ; voir « Haïti dans tous ses états » : halte à la duvaliérisation des esprits ! », par Arnousse Beaulière, AlterPresse, 19 février 2020 ; voir également l’entrevue de Jhon Picard Byron, enseignant-chercheur à l’Université d’État d’Haïti, « Gangs et pouvoir en Haïti, histoire d’une liaison dangereuse », Radio France internationale, 23 septembre 2022 ; et « L’« État de dealers » guerroyant contre l’« État de droit » en Haïti », par Robert Berrouët-Oriol, Médiapart, 18 janvier 2024. Sur la « somalisation d’Haïti », voir l’entrevue de Laurent Giacobbi, enseignant à l’Université des Antilles et chercheur associé à l’IRIS, l’Institut de relations internationales et stratégiques, « Haïti, un an après… encore un an ? », IRIS-France, 14 octobre 2024.)
Le faux-fuyant de Stéphane Martelly, écrivaine haïtienne et enseignante à l’Université de Sherbrooke, à propos de la « soup joumou »
Le 30 novembre 2025, en réponse à une collègue qui voulait avoir mon point de vue sur la controverse ayant entouré la saga de la « soup joumou » l’an dernier, j’ai remis en circulation les articles que j’ai publiés en 2024. Ces articles ciblent l’arnaque identitaire traficotée par le PHTK néo-duvaliériste à propos de la « soup joumou » frauduleusement élevée au statut hallucinatoire de « soupe de l’Indépendance » et de « soupe de l’identité haïtienne ». L’actualisation de mes articles a été communiquée à plusieurs collègues et amis.
Cédant aux sirènes d’un indéfendable délire pavlovien et à l’appel d’une obscure et complaisante solidarité clanique/patronymique, Stéphane Martelly, écrivaine haïtienne et enseignante à l’Université de Sherbrooke, s’obstine à voir dans mon interpellation publique de l’arnaque identitaire de la pseudo « soupe de l’Indépendance » traficotée par le PHTK néo-duvaliériste, une obsessionnelle « cabale » contre la personne de Dominique Dupuy, porte-parole missionnée à l’UNESCO par les auto-proclamés « bandits légaux » PHTKistes. Loin de contribuer à une réflexion publique par un article dédié, loin d’apporter le moindre argument crédible et vérifiable, loin d’esquisser la moindre analyse du contenu de mes articles pour en démontrer l’inanité présumée, Stéphane Martelly a délibérément choisi d’enfouir sous une chape de plomb et de fantaisiste déni la prétendue « cabale » qu’elle est la seule à me prêter : déni des faits observables, déni sectaire et refus de l’esprit critique-analytique adossé au culte de l’entre-soi complaisant, clanique et borgne, « à l’haïtienne ». Dans l’espace verbeux, réducteur et mystificateur de la pensée unique, qu’une universitaire cultive la « solidarité » patronymique et idéologique en lieu et place d’une rigoureuse réflexion épistémologique et politique et qu’elle s’enferme dans le poussiéreux grenier d’une obscure et complaisante solidarité clanique/patronymique revient, objectivement, à supporter le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste sur le registre d’une arnaque identitaire démagogique etmystificatrice au motif de récuser une pseudo « cabale sans fin » dont Dominique Dupuy serait la « victime » vertueuse et intouchable… Pareille errance idéologico-politique n’est pas chose rare de nos jours. L’extinction programmée et volontaire de la pensée critique/analytique loge invariablement au creux de la subjectivité idéologique, et la mutité en tant que posture se mue de fil en aiguille en imposture… La montée de l’extrême droite en Amérique latine, en Europe et en Afrique n’est-il pas le signe de la revitalisation d’une sous-culture de la pensée unique, signe annonciateur du retour programmé du fascisme ? Diantre ! Il nous faut relire, toutes affaires cessantes, « Pour une sociologie d’Haïti au XXIe siècle – La démocratie introuvable » de Laënnec Hurbon (C3 Éditions, 2024), ainsi que « Le fascisme mystique du docteur François Duvalier en Haïti » de Gérard Aubourg (Éditions du Cidihca, 2021).
DEUXÈME PARTIE
Dans la seconde et dernière partie du présent article, nous reproduisons intégralement l’article de Patrick Tardieu, conservateur de la Bibliothèque haïtienne des Spiritains, paru en Haïti dans Le Nouvelliste du 3 octobre 2025, « Un séjour aux Archives de Londres ». Le dispositif narratif de cet article permet à Patrick Tardieu, conservateur général de bibliothèque, spécialiste reconnu et réputé pour sa haute rigueur professionnelle et son intégrité, d’exposer les faits. Quels sont -ils ? Il s’agit de l’irruption manœuvrière et arnaqueuse de Dominique Dupuy dans le dossier des « deux impressions originales de l’Acte de l’Indépendance (datés de janvier 1804) » conservés aux Archives nationales à Londres. Par-delà le ton « diplomatique », donc courtois, de l’article de Patrick Tardieu, l’on observe que Dominique Dupuy est intervenue dans un dossier pour lequel elle n’avait pas été officiellement mandatée par le ministère haïtien de la Culture ou par celui des Affaires étrangères. Elle ne disposait d’aucun mandat officiel de la République d’Haïti l’autorisant à intervenir dans ce dossier et encore moins d’annoncer fallacieusement qu’elle allait entreprendre de… « rapatrier » en Haïti la version numérisée de l’Acte de l’Indépendance du 1er janvier 1804… Après la scabreuse et arnaqueuse saga de la « soup joumou » à l’UNESCO, Dominique Dupuy --en réserve de la République pour le compte du PHTK néo-duvaliériste en vue de la prochaine « élection/sélection » présidentielle--, a entrepris une nouvelle « croisade politico-identitaire » pour revenir sur le devant de la scène politique en tentant de s’emparer d’un dossier qu’elle ne maîtrisait manifestement pas et pour lequel elle n’a aucune compétence professionnelle connue. L’arnaque manœuvrière était fort grossière, et Dominique Dupuy n’était même pas en mesure de comprendre qu’un musée –administré selon un protocole strict et des règles encadrant des fonds documentaires historiques--, ne « déplace » pas « à la bonne franquette », sur simple vœu déclaratoire d’une experte en manœuvres culinaires, des documents historiques ou des objets protégés et relevant des prérogatives régaliennes d’un État souverain. « Formatée » sur les bancs d’école du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste, Dominique Dupuy est familière des interventions anticonstitutionnelles, impunitaires, aventureuses et contre-institutionnelles du PHTK : son irruption verbeuse et illégale dans le dossier des « deux impressions originales de l’Acte de l’Indépendance relève des pratiques macoutiques des « bandits légaux » du PHTK auquel elle appartient et dont elle a été la porte-parole compulsive et manœuvrière.
Article de Patrick Tardieu paru en Haïti dans Le Nouvelliste du 3 octobre 2025
« Conservateur de la Bibliothèque haïtienne des Spiritains, j’accueillais régulièrement des étudiants et des chercheurs. C’est ainsi que Julia Gaffield, doctorante en histoire à Duke University, nous visita à la fin des années 2000 pour approfondir ses recherches sur Jean-Jacques Dessalines. Par la suite, elle se rendit en Jamaïque pour poursuivre ses investigations. C’est là qu’elle apprit que la correspondance entre Dessalines et le gouvernement britannique avait été transférée en Angleterre.
En janvier 2010, dans les Archives nationales à Londres, elle mit la main sur plusieurs documents d’une importance capitale sur les débuts de l’État haïtien. Il y avait notamment deux impressions originales de l’Acte de l’Indépendance (datant de janvier 1804) ainsi que des proclamations, des manuscrits et des imprimés datant de cette période. Le journal américain The New York Times révéla cette trouvaille dans un article publié le 31 mars 2010. Il me fit l’honneur de solliciter mon avis sur la possibilité de rapatrier ces documents en Haïti. Je répondis que ce serait un rêve.
Le 8 avril 2010, le journaliste Daly Valet publia un article intitulé « Eurêka » dans le journal
haïtien Le Matin dans lequel il présentait une copie scannée de l’Acte en in-4º. Le lendemain, l’historien Georges Michel réagit à cette trouvaille dans le quotidien haïtien Le Nouvelliste.
Peu après, le gouvernement britannique invita alors celui d’Haïti à envoyer une délégation
d’experts à Londres, dans le but d’analyser le fonds et de trouver la manière de bien l’exploiter. Mais cette visite n'eut pas lieu : le séisme du 12 janvier 2010 avait profondément bouleversé le pays qui ne put répondre à cette offre.
En janvier 2012, la New-York Historical Society organisa un symposium intitulé : The Age of Revolution : A Whole History (L’ère des révolutions : une histoire globale). J’y fus invité pour participer à une table ronde autour archives des révolutions. À cette occasion, fut exposé un montage virtuel de l’Acte de l’Indépendance, au format in-4º, traduit en créole haïtien.
En 2013, un panel fut organisé à l’initiative du Robert H. Smith International Center for Jefferson Studies. En 2016, les Presses de l’Université de Virginie publièrent, sous la direction de Julia Gaffield, les actes de cette rencontre sous le titre : The Haitian Declaration of Independence : Creation, Context and Legacy 1. Ce fut l’occasion pour des universitaires américains, français et haïtiens de débattre de la portée historique de l’Acte imprimé et de l’Indépendance d’Haïti elle-même ainsi que sa signification à l’échelle occidentale. En outre, l'Acte de l'Indépendance a retenu l’attention de la Société haïtienne d'histoire, de géographie et de géologie. En effet, la plus ancienne société savante des Caraïbes lui consacra un numéro spécial de sa revue2. Ce dossier, remarquablement fouillé, démontre que, depuis l’aube du XXe siècle, les historiens et les hommes politiques haïtiens avaient entrepris des démarches dans le pays et ailleurs pour retrouver les documents fondateurs de l’État d’Haïti. Il est donc évident que, depuis une quinzaine d’années, les recherches autour de l’Acte de l’Indépendance gagnent en visibilité dans les milieux académiques et intéressent également le grand public.
En novembre 2019, le professeur Malick Ghachem du Massachusettes Institute of Technology (MIT) a organisé une rencontre de travail à Harvard. Durant une semaine, archivistes, bibliothécaires et professeurs d’universités des deux rives ont présenté les fonds d’archives contenant les documents haïtiens conservés de part et d’autre de l’Atlantique. Malheureusement, le contexte de la pandémie de la Covid-19 a interrompu les discussions engagées sur la question.
En septembre 2024, l’ancienne ministre haïtienne des Affaires étrangères et des cultes, Madame Dominique Dupuy, a visité les Archives nationales à Londres. Elle a eu accès au registre contenant l’Acte de l’Indépendance. Elle en a profité pour évoquer publiquement des démarches qu’elle compte entreprendre en vue de son rapatriement en Haïti. Son cabinet n’était peut-être pas au courant des recherches et discussions engagées autour de ce dossier sensible. Sa déclaration, bien que portée par une intention louable, semblait prématurée. En l’absence d’un encadrement technique et scientifique approprié, cette prise de parole a suscité des interrogations quant à ses objectifs réels et à la pertinence de la démarche adoptée.
L’Acte de l’Indépendance, comme les autres documents du fonds, avait été livré au représentant de la Couronne britannique sur ordre de Jean-Jacques Dessalines. Ce dernier a voulu informer cette grande puissance coloniale qu’un État souverain venait de naître dans la Caraïbe. On ignore s’il a pu expédier d’autres imprimés originaux à des puissances européennes. De toute façon, dans ces conditions, on ne peut prétendre alors à une restitution.
Soulignons ici que l’on n’extrait jamais un objet d’un musée, d’une bibliothèque ou d’une archive patrimoniale. Todd Arrington, directeur de la Dwight D. Eisenhower Presidential Library and Museum, a démissionné le 29 septembre 2025 après avoir refusé de céder à la demande du président Donald Trump d’offrir une épée ayant appartenu au général Eisenhower au roi Charles III. Pour Arrington, cette épée ne peut être extraite des collections du musée car elle reste la propriété du peuple américain. Le gouvernement américain s’est finalement résolu à offrir une épée de cadet provenant de l’Académie militaire de West Point au souverain britannique3.
À la suite de cette visite officielle de Dominique Dupuy, il m’est apparu nécessaire de relancer la réflexion autour de ces imprimés originaux conservés à Londres. J’ai examiné ce fonds documentaire dans ses moindres détails. Mon attention s’est particulièrement portée sur les pièces couvrant surtout la période de 1802 à novembre 1806 car elles renseignent les derniers moments de la guerre de l’Indépendance et l’administration du gouvernement de Jean-Jacques Dessalines. Après ce travail, j’ai soumis quelques propositions aux autorités haïtiennes. Je souhaite aujourd’hui les porter à la connaissance du grand public.
Analyse du Fonds
Ce fonds documentaire conservé aux Archives Nationales de Londres revêt une importance capitale pour plusieurs raisons. D’une part, il témoigne de la lutte héroïque d’Haïti contre l’esclavage. D’autre part, il retrace les premières décisions d’organisation de l’État haïtien ainsi que ses efforts pour s’intégrer sur la scène internationale. La révolution haïtienne est un événement majeur de l’histoire moderne. Elle ouvre la voie aux indépendances latino-américaines et inspire les populations opprimées. Le 1er janvier 1804, Haïti acquiert son indépendance après une guerre épuisante contre les forces expéditionnaires françaises. Cet acte fondateur marque son entrée tumultueuse dans le concert des nations. Il bouleverse un ordre esclavagiste vieux de quatre siècles.
À cette époque, les puissances occidentales se montrent réticentes à collaborer avec Haïti. Elles redoutent les revendications antiesclavagistes, antiracistes et anticoloniales de sa révolution. Elles craignent que son écho ne stimule les mouvements de libération dans les Amériques. L’historien Alejandro Gomez a justement évoqué « le syndrome de Saint-Domingue » pour illustrer cette crainte4.
Témoin de ces bouleversements, la Grande-Bretagne conserve dans ses archives et bibliothèques publiques des documents originaux et inédits – jusqu’à preuve du contraire– d’une valeur historique considérable. Ces pièces illustrent les défis initiaux auxquels le jeune État haïtien est confronté. Parmi ces documents originaux figurent deux impressions de janvier 1804 de l’Acte de l’Indépendance d’Haïti et des récits des dernières batailles victorieuses de l’Armée Indigène contre les troupes expéditionnaires françaises.
Ces sources sont essentielles pour les chercheurs. Leur diffusion, par le biais d’expositions muséales et de plateformes numériques, permettrait de sensibiliser et d’éduquer sur cette histoire riche et inspirante.
Ces archives ne sont pas seulement des témoins du passé ; elles constituent des clés pour
comprendre les défis auxquels Haïti a été confrontée et la persévérance de son peuple. Leur préservation et leur mise en valeur sont cruciales pour honorer l’histoire et inspirer les générations futures. Certains documents, datant de 1802, révèlent aussi que le conflit pour le contrôle des Antilles s’inscrit dans une dynamique globale dans la mer des Caraïbes. Trois empires –français, britannique et espagnol– s’y affrontent dans ce que d’autres appellent la « Méditerranée Américaine ». Deux grandes affiches (broadsheet), l’une en français et en anglais (17 décembre 1802) et l’autre en français et en espagnol (29 décembre 1802), imprimées sur ordre du général français Rochambeau, montrent que les dirigeants de Saint-Domingue, puis d’Haïti, cherchent des appuis partout.
Possibilités d’exploitation du Fonds
Conservé aux Archives de Londres, ce Fonds exceptionnel est essentiel pour mieux comprendre les fondements de l’État haïtien à ses débuts. Par l’intermédiaire de son ministère de la Culture, l’État haïtien pourrait initier une demande d'inscription et, par les canaux diplomatiques, convaincre les Archives de Londres d’accepter ce dépôt – par exemple au Registre Mémoire du Monde de l’UNESCO. À noter que, sous ma direction, Haïti a pu y déposer la collection d’Odette Mennesson-Rigaud en 2017.
La diffusion de ces documents via des expositions et des plateformes numériques contribuerait à faire connaître cette inspirante histoire. Ce trésor documentaire comprend une copie originale (impression de janvier 1804) de l’Acte d’Indépendance nationale, plusieurs Proclamations gouvernementales, et même la reproduction d’une chanson en l’honneur du premier chef d’État haïtien.
À la demande du conseiller présidentiel Leslie Voltaire, j’ai passé deux semaines aux Archives de Londres (16 février - 2 mars 2025). Sur place, j’ai examiné le dossier ainsi que les pièces qu’il contient avant de formuler les propositions suivantes :
- Créer une exposition virtuelle à partir des documents les plus importants.
- Mettre en ligne les documents les plus significatifs.
- Réaliser un inventaire exhaustif du fonds et, si nécessaire, les rendre accessibles sur une plateforme dédiée.
4. Suggérer aux Archives de Londres d’inscrire ce fonds – ou une sélection dedocuments pertinents – au Registre Mémoire du monde de l’UNESCO.
En attendant la réalisation de ces objectifs, je recommande vivement aux lecteurs désireux d’approfondir le sujet de visiter le site web de la professeure Julia Gaffield5. Je les invite à prêter une attention particulière à la section consacrée à ce fonds d’archives conservé aux Archives nationales de Londres. En attendant, Gaffield est disposée à faire ajouter deux fenêtres sur son site, l’une en français, l’autre en créole haïtien, afin de permettre au lecteur du pays d’avoir un accès privilégié.
Il revient maintenant au ministère de la Culture et aux Archives nationales d’Haïti de prendre le flambeau et de faire avancer le dossier dans le bon sens. »
Patrick Tardieu, conservateur général de bibliothèque, le 3 octobre 2025.
NOTES
1-- Julia Gaffield (dir). The Haitian Declaration of Independence: creation, context and legacy. University of Virginia Press, Charlottesville, 2016.
2-- « Autour de l’Acte de l’Indépendance d’Haïti ». Revue de la Société d’histoire, de géographie et de géologie d’Haïti. Nos 253-256, janvier-décembre 2014. Dossier dirigé par Lewis A. Clorméus et Gaétan Mentor, respectivement secrétaire et trésorier de cette société savante.
3-- https://www.bbc.com/news/articles/cx2xkygxpy1o
4-- « Le syndrome de Saint-Domingue. Perceptions et représentations de la Révolution haïtienne dans le Monde atlantique, 1790-1886 ». Thèse de doctorat en Hhstoire. Paris : École des hautes études en sciences sociales (EHESS), 2010.
5-- haitidoi.com/dessalines-reader/Dessalines-documents/