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Billet de blog 12 juin 2023

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ENGLISH – HAITIAN CREOLE COMPUTER TERMS » / TÈM KONPYOUTÈ : ANGLÈ – KREYÒL

Le présent article expose l’évaluation lexicographique d’une publication d’Emmanuel W. Védrine intitulée « English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl » parue le 4 juin 2023 sur le site Potomitan.

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LA LEXICOGRAPHIE CRÉOLE À L’ÉPREUVE DE L’« ENGLISH – HAITIAN CREOLE COMPUTER TERMS » / TÈM KONPYOUTÈ : ANGLÈ – KREYÒL » D’EMMANUEL W. VEDRINE 

Par Robert Berrouët-Oriol

Linguiste-terminologue

Montréal, le 12 juin 2023

Le présent article expose l’évaluation lexicographique d’une publication d’Emmanuel W. Védrine intitulée « English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl » parue le 4 juin 2023 sur le site Potomitan. Cette publication fait partie d’un ensemble de références antérieures qui sont désormais regroupées sous l’appellation générique « Enfòmatize Ayiti, e estrateji pou sa fèt » et elles figurent en sous-rubrique « Annexed text : Tèks anekse ». Le titre du document objet de la présente évaluation lexicographique, « English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl », est suivi de la mention « Updated : 04-01-2006 », ce qui pourrait indiquer qu’il s’agit de la mise à jour d’une version précédente datée du 4 janvier 2006. Aucune information n’est toutefois fournie, sur le plan du contenu, entre la version originelle du 4 janvier 2006 et celle du 4 juin 2023. L’abondance des références regroupées sous l’appellation générique « Enfòmatize Ayiti, e estrateji pou sa fèt » interpelle d’autant plus le lecteur que l’auteur précise, quant à la légitimité présumée et à la durée de sa production tous azimuts, que « Nou pa nan voye wòch kache men paske nou bay egzanp travay nou fè pandan 30 ane san pran souf ». En effet, la lecture attentive de cette production trentenaire, surabondante et prolixe –en quête constante de son centre de gravité et d’une légitimité scientifique qui semble lui faire défaut depuis une trentaine d’années--, confère habituellement au lecteur des écrits d’Emmanuel W. Védrine le sentiment qu’une telle profusion de documents divers provient des généreuses fournées de la Boulangerie des Miracles sise au 13, rue des Pas perdus à Lodyans-Ville…  

Les critères méthodologiques de l’évaluation du « English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl »

L’évaluation de ce document repose sur les critères méthodologiques habituels en lexicographie professionnelle que nous avons auparavant utilisés pour analyser d’autres productions de la lexicographie créole dans nos articles parus en Haïti : « Le traitement lexicographique du créole dans le « Diksyonè kreyòl Vilsen », Le National, 22 juin 2020 ; « Le traitement lexicographique du créole dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative », Le National, 21 juillet 2020 ; « Le traitement lexicographique du créole dans le « Leksik kreyòl » d’Emmanuel W. Védrine », Le National, 11 août 2021 ; « Le traitement lexicographique du créole dans le « Diksyonè kreyòl karayib » de Jocelyne Trouillot » , Le National, 12 juillet 2022.

Les critères méthodologiques auxquels nous nous référons figurent dans le « Tableau 1 » : il s’agit (1) de l’élaboration de la politique éditoriale ; (2) de la détermination du corpus de référence à dépouiller ; (3) de l’établissement de la nomenclature du dictionnaire ou du lexique ; (4) du traitement lexicographique des termes de la nomenclature.

Tableau 1 - Modélisation du dispositif méthodologique de la lexicographie contemporaine : les différentes étapes de l’élaboration du dictionnaire ou du lexique 

Étape 1  :élaboration de lapolitique éditoriale : quel type de dictionnaire ou de lexique et quel public-cible ?

Étape 2  :détermination du corpus à dépouiller et mise en œuvre du dépouillement de diverses sources documentaires

Étape 3  :établissement de la nomenclature du dictionnaire ou du lexique : relevé systématique des termes attestés

Étape 4 : traitement lexicographique des termes de la nomenclature : équivalents lexicaux,catégories grammaticales +rédaction desdéfinitions, choix des exemples illustratifs et des notes pour les dictionnaires

Taille et format choisis : version papier et/ou version numérique

Rédaction de la « Préface » ou du guide d’utilisation du dictionnaire (exposé de la méthodologie)

Sources documentaires : dictionnaires antérieurs (Littré, Larousse, Robert, etc.), œuvres littéraires et scientifiques, journaux et revues, corpus lexicaux informatisés, banques de données lexicales et banques de données terminologiques en ligne

Application des critères de sélection des termes et des synonymes : attestations écrites, fréquence d’usage du mot, néologisme récent ou en cours d’implantation, terme doté d’un sens nouveau, niveaux de langue

Ce dispositif méthodologique modélisé, exposé en 4 étapes, est enseigné dans les universités à travers le monde et il est mis en œuvre dans l’élaboration des lexiques et des dictionnaires de la langue usuelle (Le Robert, Le Larousse, USITO, Le Littré, le Oxford English Dictionary, le Oxford Advanced American Dictionary, El Diccionario de la lengua española de la Real academia española, etc.). Sur ce registre, il est utile de formuler une remarque générale : qu’il s’agisse du domaine français (avec Le Robert, Le Larousse, USITO, Le Littré), du domaine anglo-américain (avec le Merriam-Webster Dictionnary, le Oxford Advanced American Dictionary), ou du domaine espagnol (avec El Diccionario de la lengua española de la Real academia española), ces ouvrages de référence s’arriment tous au socle méthodologique de la lexicographie professionnelle.

La question de fond à laquelle répond le présent article s’énonce ainsi : le « English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl » a-t-il été élaboré en conformité avec ce socle méthodologique ? La réponse est « non », et nous en faisons la démonstration. Cette publication est un court lexique de 4 pages, le nombre total d’entrées n’est pas spécifié et le document entier comprend environ 1 060 mots. Les données lexicographiques sont présentées sur deux colonnes par page, de la lettre A à la lettre Z, et les termes anglais sont suivis des équivalents créoles.

En ce qui a trait au premier critère méthodologique, l’élaboration de la politique éditoriale, politique qui aurait dû être identifiée et mise en œuvre en amont de ce lexique, le constat est édifiant : il n’y en a pas. À aucun moment l’auteur ne précise la nature de ce projet lexicographique, le lectorat visé, les critères méthodologiques retenus pour élaborer ce lexique et les objectifs de cette publication. 

Le second critère méthodologique, la détermination du corpus de référence à dépouiller, est lui aussi absent de cette publication. L’usager n’est en aucun cas informé de la provenance des termes à dépouiller en vue de l’établissement de la nomenclature de ce lexique.  L’absence d’un corpus de référence constitue l’une des très lourdes lacunes du travail d’Emmanuel W. Vedrine.  

Quant au troisième critère, l’établissement de la nomenclature, le constat est le même que pour le second : l’usager n’est en aucun cas informé de la provenance des termes rassemblés dans la nomenclature de ce lexique. L’absence de critères explicites ayant guidé l’élaboration de la nomenclature constitue l’une des très lourdes lacunes du travail d’Emmanuel W. Vedrine. L’absence de critères relatifs à l’établissement de la nomenclature du lexique confirme que l’auteur ignore en quoi consiste une nomenclature ainsi que son rôle dans toute démarche lexicographique. Et cette méconnaissance est la résultante de son ignorance avérée du protocole méthodologique du travail lexicographique : à l’instar des rédacteurs-amateurs de la « lexicographie borlette » qui ont bricolé le très médiocre « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative », Emmanuel W. Vedrine croit faire de la lexicographie en dehors du socle méthodologique de la lexicographie professionnelle. Ce constat se donnera à voir à l’étape du traitement lexicographique des termes du lexique, entre autres dans la totale confusion repérable, chez Emmanuel W. Vedrine, entre une unité lexicale (un terme simple ou complexe) et une phraséologie tenant lieu d’entrée dans une rubrique. Exemple : [terme anglais] « are you sure you want to » = [terme créole] « ou si (asire) ou vle ». Aucun lexique, aucun dictionnaire élaboré selon la méthodologie de la lexicographie professionnelle ne saurait véhiculer une si énorme confusion sur la nature même des entrées (des « vedettes ») dans un ouvrage lexicographique.

En ce qui concerne le quatrième critère méthodologique, le traitement lexicographique des termes de la nomenclature, nous sommes en présence d’un amateurisme trentenaire et récidiviste, et l’auteur, comme pour conforter cet amateurisme trentenaire, s’est cru obligé de revendiquer la longévité sinon la légitimité présumée de sa démarche prolixe en ces termes : « nou bay egzanp travay nou fè pandan 30 ane san pran souf ». Le « Tableau » 2 présente un échantillon de termes anglais suivis d’équivalents créoles souvent douteux, dont la provenance n’est pas attestée et qui dans un grand nombre de cas n’appartiennent pas en propre au domaine de l’informatique. L’auteur a manifestement élaboré son lexique en ignorant le principe de base de l’équivalence lexicale en lien avec l’équivalence notionnelle. Il est essentiel de bien comprendre que « Le principe élémentaire de la lexicographie bilingue est celui de l’équivalence : les mots d’une langue sont présentés comme les équivalents de ceux d’une autre langue, afin de permettre la traduction, la compréhension de la langue étrangère, ou l’expression dans cette langue. Cette notion d’équivalence est apparue spontanément dès les origines du dictionnaire et demeure naturellement et implicitement celle qui vient le plus souvent à l’esprit des utilisateurs de dictionnaires. C’est tout aussi naturellement que cette équivalence est envisagée au niveau du mot, les correspondances entre les deux langues étant décrites en fonction des éléments lexicaux. On sait que deux langues n’opèrent pas la même structuration de la réalité référentielle : il n’y a pas d’isomorphisme des langues ni dans leur structuration globale ni au niveau de leurs unités élémentaires » (Cosimo De Giovanni, Université de Cagliari, Laboratoire de lexicographie bilingue : « L’équivalence lexicographique dans la différence / Des réflexions pour l’avenir », Verbum University Press / Vol 2, 2011). (Sur la problématique de l’équivalence lexicale en lexicographie, voir aussi FOURMENT-BERNI CANANI, M., 2000 : « La notion d’équivalence en lexicographie bilingue », dans A. ENGLEBERT, Actes du XXIIe Congrès international delLinguistique et de philologie romanes IV. Max Niemeyer : Tübingen, 235–242 ; voir également Annaïch Le Serrec, « Analyse comparative de l’équivalence terminologique en corpus parallèle et en corpus comparable : application au domaine du changement climatique », thèse de doctorat, Université de Montréal, avril 2012. Sur l’axe central de la méthodologie de la lexicographie professionnelle, voir notre article « Lexicographie créole : retour-synthèse sur la méthodologie d’élaboration des lexiques et des dictionnaires », Le National, 4 avril 2023.)

Tableau 2 – Échantillon de termes anglais suivis de leurs équivalents créoles dans le « English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl »

Termes anglais

Équivalents créoles

Équivalent français pour une même notion et provenant d’une source différente [1 à 6]

Les équivalents créoles ne sont pas suivis de l’indication de catégorie grammaticale (nom, verbe, adjectif, etc.)

auto feeder [1]  *plen pou kont li   alimenteur automatique [1]

browser [2]   bwozè (tèm anglè ki kreyolize)   navigateur [2]

floppy disk [3]   dis flòpi   disquette [3]

folder [4]   katab   dossier [4]

search engine [5]   motè fouy   moteur de recherche [5]

formating toolbar [6]   ba zouti fòma [6]   barre d’outils de formatage [6]

Analyse de la conformité traductionnelle/notionnelle entre les termes anglais et les équivalents créoles

[1] « auto feeder » = « *plen pou kont li » : cet équivalent créole est erroné et aberrant. Le terme « feeder » désigne, dans le mécanisme d’une imprimante, l’« alimenteur », le dispositif assurant de manière automatique, sans intervention de l’usager, l’alimentation en papier dans le processus d’impression par imprimante à jet d’encre ou par imprimante laser. Le segment « auto » précédant « feeder » indique que le processus d’alimentation en feuilles de papier est automatisé et qu’il ne s’effectue pas de manière aléatoire, « plen pou kont li ». Le terme « auto feeder » est employé en bureautique dans l’environnement de l’imprimante, il n’appartient pas en propre au domaine de l’informatique. De manière générale, le terme bureautique s’entend au sens de l’« Ensemble des techniques informatiques qui facilitent le travail de secrétariat ». Le terme « alimenteur » a été proposé en 1987 par Téléglobe Canada pour traduire « feeder ». Le terme « auto feeder » appartient à la même aire sémantique que « automatic feeder », « feeding apparatus », « sheet-feeder » et « feed apparatus ». Dans le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française, le terme « auto feeder » est défini comme suit : « Mechanical appliance which lifts the sheet of paper from the pile and carries it to the feeding table ».

[2] « browser » = « bwozè » (tèm anglè ki kreyolize) » : le terme « browser » est d’un usage courant en informatique. Son équivalent français habituel est « navigateur » [2], il désigne un « Logiciel qui permet de consulter sur Internet les pages Web et de circuler dans les différents moteurs de recherche » (Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française). Le terme anglais « browser » (synonyme : « Internet browser »), est défini comme suit dans TermiumPlus, la banque de terminologie du gouvernement fédéral canadien : « A software application for retrieving, presenting and traversing information resources on the World Wide Web ». Les traits définitoires explicites de cette notion en anglais n’ont certainement pas été pris en compte par Emmanuel W. Vedrine lorsqu’il s’est contenté de « traduire » le terme anglais « browser » par le calque fourre-tout de « bwozè ». Alors même qu’un lexique ne comprend pas, habituellement, des définitions ou des notes, l’auteur a cru bon de consigner la mention « tèm anglè ki kreyolize » à la suite de « bwozè ». Nulle part la mention « kreyolize » n'est définie dans le « English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl », de sorte que l’usager ne sait pas en quoi consiste « kreyolize ». S’agit-il d’un terme qui a été « créolisé » au sens de l’attribution d’une « enveloppe sonore créole » au terme anglais, ou d’un terme anglais ayant fait l’objet d’une adaptation morphosyntaxique conforme au système de la langue créole ? Le terme « bwozè » est-il un simple calque de l’anglais ou a-t-il le statut d’unité néologique ? L’absence d’une présentation du cadre méthodologique à partir duquel ce lexique a été élaboré ne permet pas de répondre à ces questions. Et comme c’est le cas pour de nombreuses rubriques de ce lexique –voir « file » = « dokiman », « fayèl » (tèm angle ki kreyolize) »--, le terme « browser » = « bwozè » (tèm anglè ki kreyolize) » renvoie à une problématique plus large, celle relative à une politique de l’emprunt lexical et à la création de néologismes en créole dans les domaines scientifiques et techniques. Sur cette problématique, voir notamment Christiane Loubier, « De l’usage de l’emprunt linguistique », Office québécois de la langue française, 2011 ; Renauld Govain, « Les emprunts du créole haïtien à l'anglais et à l'espagnol », L’Harmattan, 2014 ; Robert Berrouët-Oriol, « La valse des anglicismes dans la presse écrite en Haïti et la problématique des emprunts : pistes de réflexion », Le National, 9 décembre 2021 ; Robert Berrouët-Oriol, « La néologie scientifique et technique, un indispensable auxiliaire de la didactisation du créole » (pages 19 à 50), paru dans « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti », par Robert Berrouët-Oriol et alii., (Éditions Zémès, Port-au-Prince, et Éditions du Cidihca, Montréal, 2021.).

[3] « floppy disk » = « dis flòpi », a pour équivalent français « disquette », terme très largement passé à l’usage dans le domaine informatique. L’équivalent créole « dis flòpi » est erroné et aberrant, il est opaque et il prête à confusion : la notion de « disquette » dans l’environnement informatique est entièrement absente de cet obscur calque. L’usager ne sait pas s’il s’agit du numéral « dis » (le chiffre 10) et il ne peut pas faire le lien entre le segment « dis » et « flòpi » qui n’appartient pas à son univers culturel. Le terme « floppy disk » est attesté dans de nombreuses sources documentaires avec pour équivalent français « disquette », notamment dans le Cambridge Dictionary et le Collins French-English Dictionary. Emmanuel W. Védrine, comme nous l’avons précédemment noté, ignore aventureusement l’indispensable étape de la détermination du corpus de référence à dépouiller qui précède celle de l’établissement de la nomenclature. Ainsi ignore-t-il que le terme « diskèt / n. computer diskette, floppy disk » est attesté (page 176) dans le fameux Haitian Creole-English Bilingual Dictionary d’Albert Valdman (Indiana University, Creole Institute, 2007). Cette lourde lacune méthodologique caractérise également le très médiocre « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » dans lequel sont bricolés des équivalents « créoles » fantaisistes, erratiques et souvent non conformes au système morphosyntaxique du créole (voir notre article « Le traitement lexicographique du créole dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative », Le National, 21 juillet 2020 ; voir aussi notre « Plaidoyer pour une lexicographie créole de haute qualité scientifique », Le National, 14 décembre 2021).

[4] « folder » reçoit comme équivalent créole le terme « katab » (« cartable » ou « sacoche d’écolier » en français). En informatique, le terme « folder » a pour équivalent français « dossier », qui signifie « Élément d'un système de classement des données qui permet à l'utilisateur de ranger des fichiers, des documents, des logiciels d'application de façon cohérente » (Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française). Dans cette acception, le terme « dossier » a pour synonyme « dossier électronique », et cela nous permet de comprendre combien l’équivalent créole « katab » est douteux dans le domaine informatique. Le terme « katab » évacue entièrement le trait définitoire majeur de la notion de « folder » en informatique, celui de l’automatisation d’un système de classement : le « folder » / « dossier » permet en effet la systématisation des opérations de stockage des images, des textes et des fichiers.  Le terme « cartable » est défini comme suit dans le dictionnaire Le Robert : « cartableélectronique ou numérique : ensemble de contenus numériques conçus pour l'enseignement scolaire ». Ce sens spécifique désigne des contenus plutôt qu’un dispositif de classement.

[5] Le terme « search engine » est suivi de l’équivalent créole « motè fouy ». En informatique, le terme « search engine » est très largement répandu et il a pour équivalent français « moteur de recherche », qui signifie « Système d'exploitation de banque de données, et, par extension, serveur spécialisé permettant d'accéder sur la Toile à des ressources (pages, sites, etc.) à partir de mots clés » (Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française). L’équivalent créole « motè fouy » est erroné, fantaisiste et erratique dans le domaine informatique : il n’apporte aucun trait définitoire au locuteur créolophone puisqu’il ne circonscrit pas la notion d’un « moteur », d’un « système d’exploitation » dédié à la fonction de « recherche » sur la Toile. Le terme anglais « search engine » est défini comme suit dans TermiumPlus, la banque de terminologie du gouvernement fédéral canadien : « Any program that locates needed information in a database, but especially an Internet-accessible search service that enables you to search for information on the Net ». Les traits définitoires explicites de cette notion en anglais n’ont certainement pas été pris en compte par Emmanuel W. Vedrine lorsqu’il s’est contenté de « traduire » le terme anglais « search engine » par l’obscur et opaque équivalent créole « motè fouy ».

[6] Le terme « formating toolbar » a pour équivalent créole « ba zouti fòma ». Dans le domaine informatique, le terme « formating toolbar » a pour équivalent français « barre d’outils de formatage » selon le Dictionnaire anglais-français Linguee. L’équivalent français « barre d’outils de formatage » est correct au plan notionnel car l’idée centrale est celle du « formatage » informatique, qui signifie « Opération consistant à préparer la surface d'un support de stockage (disque dur, disquette, disque optique), afin qu'il puisse recevoir de l'information correspondant à un format donné » (Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française). Ces traits définitoires de « formatage » permettent de comprendre que l’équivalent créole « ba zouti fòma » est erratique, faux et opaque, d’autant plus qu’il peut mettre l’usager sur la piste d’une signification erronée du type « donner un outil au format » tout à fait opposée au terme anglais de départ. Le segment « ba zouti » met l’accent sur la « barre » alors même que la notion que recouvre « formating toolbar » désigne l’opération de « formatage » accessible depuis la « barre d’outils ». Celle-ci est un « Rectangle étroit habituellement affiché sous la barre de menus, qui contient les icônes ou les symboles représentant les fonctions les plus courantes d'un logiciel et qui est personnalisable par l'utilisateur » (Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française).

Au plan comparatif, entre le « English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl » et le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative », il existe une évidente parenté au creux de très lourdes carences méthodologiques. Il s’agit de l’absence totale du recours au corpus de référence à dépouiller ainsi que l’absence de critères d’établissement de la nomenclature de ces deux lexiques. En conséquence, le traitement lexicographique des termes rassemblés de manière aléatoire dans ces deux lexiques s’effectue dès lors à vue, dans la confusion des notions, dans les lourdes lacunes quant à l’exactitude lexicale entre les termes anglais et les équivalents créoles.  Ces lourdes lacunes s’affichent au chevet d’un amateurisme verbeux qui croit pouvoir se donner des allures de « science » lexicographique en dehors de la méthodologie de la lexicographie professionnelle. La « lexicographie borlette » prend ainsi l’allure d’une « lexicographie lamayòt » et elle bricole des équivalents « créoles » obscurs, opaques, incompréhensibles du locuteur créolophone et qui très souvent ne sont pas conformes au système morphosyntaxique du créole. En voici des exemples tirés du « English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl » : « plen pou kont li », « motè fouy », « ba zouti fòma », « detabez », « klip sou travay ar (da) », « estil font », « ou si (asire) ou vle ». Exemples similaires tirés du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » : « jiwèt », « piwèt », « palavire », « makonn atomik », « grafik ti baton », « entèferans fabrikatif », « an pwotonasyon », « pis kout lè », « pis ayere », « epi plak pou replik sou », « vitès chape poul », « analiz pou yon makonnay regresyon », « entegral sou liy ». Dans le « English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl »  comme dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative », la « lexicographie borlette » ou « lexicographie lamayòt » se caractérise donc, pour l’essentiel, par (1) l’absence d’un corpus de référence ; (2) l’absence d’une nomenclature provenant de sources documentaires attestées ; (3) le traitement lexicographique lourdement lacunaire des unités lexicales effectué en dehors de la méthodologie de la lexicographie professionnelle ; (4) la profusion de pseudo équivalents « créoles » fantaisistes, erratiques, opaques et souvent non conformes au système morphosyntaxique du créole ; (5) la promotion aventureuse, implicite ou explicite, de l’amateurisme en lieu et place du recours systématique à la méthodologie de la lexicographie professionnelle.

Le « English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl » comprend d’autres incohérences. Par exemple, un certain nombre de termes de la langue usuelle figurent dans ce lexique sans que l’on n’en sache la raison puisqu’ils n’appartiennent pas au domaine de l’informatique. Exemples : « power » = « kouran », « table » = « tab », « tools » = « zouti »… D’autres termes sont encore plus fantaisistes dans un lexique anglais-créole de l’informatique. Exemples : « top » = « tòp », « go » = ale », « X » = « ti kwa »…

Le naufrage de la lexicographie créole à l’aune de la « lexicographie borlette » : tableau comparatif des équivalents créoles provenant de deux lexiques

Tableau 3 – Éclairage comparatif : échantillon de termes anglais suivis de leurs équivalents créoles dans le « English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl » et dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative ».

Termes anglais du English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl 

Équivalents créoles

Équivalents français (à titre comparatif)

auto feeder

*plen pou kont li

alimenteur automatique

browser

bwozè (tèm anglè ki kreyolize)

navigateur

floppy disk

dis flòpi

disquette

folder

katab

dossier

search engine

motè fouy

moteur de recherche

formating toolbar

ba zouti fòma

barre d’outils de formatage

Termes anglais du Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative

Équivalents creoles (**) Remarque générale : les équivalents créoles sont rarement suivis de l’indication de catégorie grammaticale (nom, verbe, adjectif, etc.). Ils ne comportent pas non plus de mention des domaines d’appartenance générique (par ex. : physique, électricité, etc.)

gyration   jiwèt, piwèt, palavire [1,3,4]

atomic packing   makonn atomik [1,2,3,4]

bar graph   grafik ti baton [1,3,4]

constructive interference   entèferans fabrikatif [1,2,3,4]

protonated   an pwotonasyon [1,2,3,4]

air resistance   rezistans lè [1,3,4]

air track   pis kout lè ; pis ayere [1,2,3,4]

and replica plate on   epi plak pou replik sou [1,2,3,4]

escape velocity   vitès chape poul [1,3,4]

multiple regression analysis   analiz pou yon makonnay regresyon [1,2,3,4]

center of mass   sant mas yo [1,2,3,4]

checkbox   bwat tchèk [1,2,3,4]

flux meter   flimèt [1,3,4]

line integral   entegral sou liy [1,2,3,4]

how many more matings would you like to perform ?   konbyen kwazman ou vle reyalize ? [1,4,5]

Remarque pour ce type d’équivalents créoles : confusion entre une unité lexicale et une phrase

(**) Remarques analytiques relatives aux équivalents « créoles » : 1 = équivalent faux et/ou fantaisiste et/ou qui ne constitue pas une unité lexicale ; 2 = équivalent non conforme à la syntaxe du créole ; 3 = équivalent présentant une totale opacité sémantique ; 4 = équivalent dont la catégorie lexicale n’est pas précisée ; 5 = confusion entre une unité lexicale et une phrase : en lexicographie, une phrase ne peut constituer une entrée dans un lexique ou dans un dictionnaire.

Tableau 4 - Équivalents français consignés dans le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française pour le même échantillon aléatoire de termes relevés dans le « Glossary » du MIT Haiti Initiative 

Terme anglais     Terme français

 air resistance      résistance atmosphérique (n.f.)

 perméabilité à l'air (n.f.) résistance à l'air (n.f.) 

[domaines d’emploi : astronautique, industrie papetière, physique]

air track     rail à coussin d'air (n.m.)

[domaine d’emploi : chemin de fer]

escape velocity      vitesse de libération (n.f.)

[domaine d’emploi : astronomie, astronautique]

multiple regression analysis      analyse de régression multiple (n.f.), régression multiple (n.f.)

 [domaine d’emploi : statistique]

center of mass / Terme associé :  barry center      centre de masse, centre de gravité (n.m.)

[domaine d’emploi : physique]

check box / checkbox button      case à cocher (n.f.)

[domaine d’emploi :  informatique > écran d'ordinateur]

flux meter / fluxmeter     fluxmètre (n.m.)

[domaine d’emploi :  électricité, physique]

line integral     intégrale de ligne /  intégrale curviligne (n.f.)

[domaine d’emploi :  mathématiques]

Les équivalents français consignés dans le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française pour le même échantillon aléatoire de termes relevés dans le « Glossary » du MIT Haiti Initiative montrent bien, en termes de comparaison des champs notionnels, que les rédacteurs du MIT ne connaissent même pas l’aire sémantique des termes traités dans leur « Glossary » et pour lesquels ils ont bricolé des pseudo équivalents « créoles » en dehors de la méthodologie de la lexicographie professionnelle.

Le bilan analytique du « English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl » est riche d’enseignements et la comparaison avec le très médiocre et fantaisiste « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » est fort éclairante.

LE PREMIER ENSEIGNEMENT MAJEUR de ce bilan analytique est que la lexicographie est une activité scientifique fortement codifiée, elle s’élabore dans l’ancrage sur un socle méthodologique modélisé qui en garantit la scientificité et la crédibilité. Le « English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl », tout comme le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative », a été élaboré dans la totale ignorance de la méthodologie de la lexicographie professionnelle. Emmanuel W. Védrine a œuvré sur le registre de l’amateurisme élevé au statut fictif de « modèle » lexicographique et cet amateurisme alimente la « lexicographie borlette » aussi bien dans le « Diksyonè kreyòl karayib » de Jocelyne Trouillot que dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative ». Ce même amateurisme était déjà à l’œuvre dans le « Leksik kreyòl: ekzanp devlopman kèk mo ak fraz a pati 1986 » d’Emmanuel W. Védrine publié en 2000. Et comme nous l’avons démontré dans notre article paru en Haïti dans Le National du 11 août 2022, « Le traitement lexicographique du créole dans le
« Leksik kreyòl » d’Emmanuel W. Védrine
 », cette publication fantaisiste –qui est en réalité un glossaire et nullement un lexique--, ignore totalement les règles méthodologiques de base de la lexicographie professionnelle.

LE DEUXIÈME ENSEIGNEMENT MAJEUR issu de l’analyse objective de ce lexique est que le « English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl » --en raison de ses lourdes carences méthodologiques et du caractère fantaisiste et erratique de ses équivalents créoles--, ne peut en aucun cas être utile à la didactisation du créole. Or les travaux de recherche et l’expérience ont montré que les lexiques et les dictionnaires créoles ont un rôle de premier plan à jouer au cœur de la didactisation du créole. La didactisation du créole est indispensable et incontournable, elle se situe en amont de la production d’outils didactiques de qualité pour l’enseignement en créole de toutes les matières scolaires en Haïti. (Sur la problématique majeure de la didactisation du créole, voir le livre collectif de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti », par Robert Berrouët-Oriol et alii., (Éditions Zémès, Port-au-Prince, et Éditions du Cidihca, Montréal, 2021.)

LE TROISIÈME ENSEIGNEMENT MAJEUR issu de l’analyse objective de l’« English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl » consiste en la nécessité de contribuer au développement d’une vision rassembleuse de l’aménagement du créole, aux côtés du français, fortement arrimée aux sciences du langage. Il y a lieu d’insister sur ce point car le discours essentialiste, sectaire et dogmatique des « créolistes » fondamentalistes et des Ayatollahs du créole, quoique minoritaire, promeut un erratique petit catéchisme selon lequel il suffit de prêcher en faveur de l’enrichissement lexical du créolepour que son aménagement soit garanti. Cette approche trouve sa plus explicite formulation dans l’argumentaire fantaisiste et frauduleux du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative ». Ainsi, les rédacteurs-bricoleurs du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » soutiennent –sur le site du MIT – Haiti Initiative et au chapitre « Kreyòl-English glosses for creating and translating materials in Science, Technology, Engineering & Mathematics (STEM) fields in the MIT- Haiti Initiative »--, que « (...) l’un des effets secondaires positifs des activités du MIT-Haïti (ateliers sur les STEM, production de matériel en kreyòl de haute qualité, etc.) est que nous enrichissons la langue d’un nouveau vocabulaire scientifique qui peut servir de ressource indispensable aux enseignants et aux étudiants. Ces activités contribuent au développement lexical de la langue » créole. [Ma traduction] Nous avons amplement démontré que ces assertions relèvent de l’« arnaque lexicographique » et, il faut le rappeler, ayant compris qu’il s’agit d’une « arnaque lexicographique » dénuée d’assises scientifiques, à notre connaissance aucun linguiste haïtien, aucun enseignant –de 2015 jusqu’à aujourd’hui--, n’a pris le risque de recommander le « Glossary » du MIT Haiti initiative en vue de l’enseignement en créole des sciences et des techniques (voir notre article « « Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative », Le National, 15 février 2022). Selon les données de terrain dont nous disposons, de 2015 à 2023, aucun linguiste haïtien, aucun enseignant à travers le pays n’a accordé le moindre crédit scientifique au « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » et n’a intégré dans l’enseignement scolaire un tel lexique « créole » comprenant des termes aussi farfelus et fantaisistes que « jiwèt », « piwèt », « palavire », « makonn atomik », « grafik ti baton », « entèferans fabrikatif », « an pwotonasyon », « pis kout lè », « pis ayere », « epi plak pou replik sou », « vitès chape poul », « analiz pou yon makonnay regresyon », « entegral sou liy ». Comme pour le « Glossary » du MIT Haiti Initiative, l’analyse objective de l’« English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl » conforte l’incontournable obligation de s’en tenir aux sciences du langage et singulièrement au socle méthodologique de la lexicographie professionnelle toutes les fois que l’on veut contribuer au développement lexical de la langue créole. À cet égard, il y a lieu de revisiter les différentes étapes de l’élaboration des dictionnaires et des lexiques en langue de spécialité : elles sont explicitées dans le remarquable article de Jean-Louis Trouillon (Université de Perpignan), « Approche de la lexicographie en langue de spécialité », Cahiers de l’APLIUT, vol. XXIX N° 1 | 2010 ; voir aussi le dossier de la revue Circuit, « Les langues de spécialité », publié par l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec, numéro 98, hiver 2008. Le domaine de l’informatique est l’un de ceux où de nombreux lexiques et dictionnaires, unilingues et/ou bilingues, ont été publiés ces trente dernières années. Les principales banques de données terminologiques à travers le monde –UNterm, la base de données de l’ONU ; FRANCEterme ; GDT, le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française ; TERMIUMPlus, la banque de données terminologiques du gouvernement fédéral canadien ; IATE (« Interactive Terminology for Europe », en français, « Terminologie interactive pour l'Europe »), la base de données terminologiques de l'Union européenne etc.--, rassemblent des données terminologiques de premier plan (lexiques, vocabulaires) dans le domaine de l’informatique que tout lexicographe peut gratuitement consulter en accès direct sur le Web. Au format papier et à titre d’exemple, les Éditions Maxima ont publié en 2005 leur « Dictionnaire de l'informatique (français-anglais/anglais-français » qui comprend 415 pages. L’éditeur annonce avoir consigné « 35 000 termes et traductions répertoriés par ordre alphabétique : toutes les notions informatiques y passent, des plus simples aux plus complexes, des rares aux usuelles, des françaises aux anglaises et des anglaises au françaises. Outre les mots du langage courant employés dans le quotidien de l'informatique et de la micro-informatique, on y retrouve le vocabulaire des ordinateurs (matériels, logiciels, programmation, périphériques, réseaux, etc.), celui des applications multiples se rapportant au traitement des données (télécommunications, infographie, PAO, etc.), et des innovations plus récentes (CD ROM, messagerie électronique, Internet, etc.) ». Il est fort révélateur que de 2006 à 2023, l’auteur de l’« English – Haitian Creole computer terms » / Tèm Konpyoutè : Anglè – Kreyòl » n’ait pas consulté ces nombreuses sources ainsi que des documents techniques divers (notices techniques, guides de l’utilisateur, tutoriels descriptifs etc.) afin de produire un lexique créole de l’informatique autrement plus consistant et crédible et dépassant l’étroite surface de… 4 pages. 

Enfin il est essentiel de rappeler que la lexicographie créole dispose d’indéniables acquis sur le plan méthodologique et quant à la qualité des travaux menés par des linguistes et des lexicographes. Les œuvres lexicographiques suivantes ont été élaborées en conformité avec la méthodologie de la lexicographie professionnelle : « Ti diksyonè kreyòl- franse » de Pierre Vernet, Henry Tourneux et al. (Éditions Caraïbes, 1976) ; le « Petit lexique créole haïtien utilisé dans le domaine de l’électricité » d’Henry Tourneux (Éditions du CNRS/Cahiers du Lacito, 1986 ; le « Leksik elektwomekanik kreyòl, franse, angle, espayol » Pierre Vernet et Henry Tourneux (dir.), Fakilte lengwistik aplike, Inivèsite Leta Ayiti, 2001 ; le Haitian Creole-English Bilingual Dictionary d’Albert Valdman (Indiana University, Creole Institute, 2007), le « English-Haitian Creole bilingual dictionnary » d’Albert Valdman, Marvin Moody, Thomas E, Davis, édité au Creole Institute, Indiana University, en 2017. La lexicographie créole a donc indiscutablement des acquis solides depuis les travaux pionniers de Pradel Pompilus en 1958.

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