Xyloglossolalie (n° 4 suite)
"Aujourd'hui, on me juge sur un acte, sans me connaître" proteste Alexandre Benalla ; comment pourrait-il en être autrement quand il s'emploie sans cesse à donner de lui-même une image aussi fausse que variable, jusque dans les détails les plus insignifiants de sa biographie. Rappelons ici d'un mot le mythe de « Cosette à l'école » pour ne pas chercher plus loin : "Ceux avec qui j'ai travaillé, eux, savent qui je suis et d'où je viens". Et d'ajouter : "J'ai grandi avec ma mère, mon petit frère et ma petite sœur dans 15 m² à La Madeleine, une ZUP d'Évreux (Eure). La fenêtre donnait sur la maison d'arrêt, on s'habillait au Secours populaire". ». Cette évocation n'est certes pas très agréable pour Madame sa mère qui était tout de même professeure certifiée ! Nous avons vu qu'il en estt de même pour sa scolarité comme pour son parcours universitaire.
Ces va-et-vient perpétuels entre vérité et mensonge rendent d'autant plus difficile à suivre le parcours comme les propos d'Alexandre Benalla ; c'est aussi ce qui permet de voir en lui , au gré des fantaisies de chacun, tantôt un agent des services secrets marocains (ce que semble fonder son origine marocaine comme son rôle d'un moment dans les affaires marocaines de la société Velours), tantôt une créature du Mossad (avec même une légère variante judéo-maçonnique), tantôt un agent secret de DAESH, etc.... Une vraie mine de « fake news » pour Google et les réseaux complotistes !
Il faut reconnaître que le rôle du mystérieux self-made-man ne déplaît pas à A.B. et qu'il lui convient assez bien. Il explique ainsi volontiers s'être souvent "fait détester par ceux qui pensent que les responsabilités dépendent surtout des diplômes". "Certains m'ont jugé illégitime à cause de mon parcours. Dans le monde du pouvoir, on aime les gens bien formatés et qui la ferment. Moi, j'ai toujours eu tendance à l'ouvrir. On me l'a fait payer". L'ancien "collaborateur" accuse "la haute hiérarchie policière", mais par là même il nous fait approcher d'une vérité essentielle.
On sait en effet qu'en France, au-delà de l'antagonisme constant et traditionnel entre les ministères "voisins" : l'Education nationale et l'Enseignement supérieur, les Affaires étrangères et la Coopération (autrefois le Quai d'Orsay et la rue Oudinot ; réunir boulevard Saint-Germain les services de ces deux ministères a déçu les espoirs mis dans ce rapprochement, chacun restant dans son quartier comme on disait là-bas, si pittoresquement, « dans sa culture » !), la Défense et l'Intérieur.
Dans le flot insipide des discours tenus lors des auditions des Commissions d'enquête parlementaires, je n'ai guère entendu qu'une seule réflexion pertinente ; elle soulignait qu'au-delà de ces vieilles oppositions entre ministères et administrations, la police et la gendarmerie s'opposaient sur un point essentiel. La gendarmerie, qui dépend du ministère de la Défense (les gendarmes sont des militaires) "n'a qu'une tête" , le général d'armée Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale) alors que sa rivale, la Police nationale qui dépend du ministère de l'Intérieur, si elle a bien une direction générale (le préfet Eric Morvan) ne comporte pas moins de 12 "directions", sans parler des "entités innombrables, et moins encore du GSPR qui ne figure d'ailleurs pas dans la liste des directions ou des « des entités » de la police nationale.
En effet, ce GSPR est à lui seul tout un programme et mérite un instant d'attention. Le "Groupe de sécurité de la Présidence de la République" (GSPR) est une unité de la Police nationale française et de la Gendarmerie nationale, rattachée administrativement au Service de la protection (SDLP), qui est lui- même une Direction de la Police nationale. Les policiers y sont issus du SDLP et les gendarmes de la Force Sécurité Protection du GIGN. Le GSPR a deux missions distinctes mais complémentaires :
- assurer la protection personnelle et immédiate du Président de la République française, de sa famille (dont l'épouse ... ou la compagne), de certaines personnalités (anciens présidents, candidats à la présidence, certains conseillers présidentiels) ainsi que de leurs résidences officielles (mission souvent conjointe avec la Garde républicaine), comme le Palais de l'Élysée ;
- mettre en œuvre l'ensemble des mesures nécessaires à l'organisation matérielle et à la sécurité des déplacements des personnes citées ci-dessus (mission conjointe avec l'Escadron de transport 60 lorsque le transport a lieu en avion ou en hélicoptère). Lors des voyages à bord de Cotam Unité, le personnel de sécurité entourant le Président se compose à la fois d'agents du GSPR et de fusilliers-commandos de l'armée de l'air.
L'histoire du GSPR mérite l'attention. Il a été créé, par le décret n° 83-14 du 5 janvier 1983 et mis en place par le chef d'escadron de gendarmerie Christian Prouteau, des failles ou des inadaptations dans le service de sécurité du Président de la République d'alors, François Mitterrand, ayant été mises en évidence vu sa situation familiale très particulière : la mission nouvelle - quoique non officielle - du GSPR était en effet la protection constante de Madame Pingeot et de Mazarine Pingeot, la fille cachée de Tonton.
(Suite et fin demain)