Des décorations
Il m'est arrivé, dans un passé lointain, de m'entendre solliciter, en tant que responsable administratif, pour rédiger une lettre de demande de Légion d'honneur par un fonctionnaire qui dépendait de moi sur ce plan et rêvait de se voir ainsi décoré. Faut-il préciser que j'ai toujours trouvé aussi ridicule qu'insolite une telle démarche ?
Diverses raisons me conduisent toutefois aujourd'hui (car je ne me vois guère bloguant, après mille autres, sur Benalla ou les sociétés de production cinématographiques de Julie Gayet où il s'agit moins de films que d'avions de guerre !) ) à traiter de la question des décorations à propos de laquelle traînent diverses erreurs et fausses informations très communes.
Cette lubie aussi soudaine qu'inattendue m'a donc conduit à taper dans Google le mot "décorations" (par prudence au pluriel pour tenter d'éviter les pubs "damidotesques" ) ; j'y ai constaté qu'outre les propositions de services concernant la peinture et le papier peint qui se faufilaient quand même, en dépit de mes précautions orthographiques, on y trouvait une multitude de publicités pour d'obscures officines et de mystérieux sites qui proposent leurs services dans ce domaine avec force modèles de lettres de sollicitation de décorations parfaitement inutiles. L'escroquerie informatique généralisée sévit ici comme dans tous les domaines et n'épargne pas donc pas celui-ci !
Pour ce qui me concerne, je ne souviens pas avoir jamais donné suite aux sollicitations dont j'étais l'objet sur ce point, le simple fait de solliciter de cette façon une médaille ne me portant pas à favoriser la démarche en cause. En revanche, ce refus de ma part m'a brouillé avec certains, sans que je m'en sois moins bien porté !
J'ai généralement laissé à mon successeur le soin de prendre une décision sur ce point ; je m'en suis particulièrement félicité lorsqu'ayant été sollicité par un nouveau Secrétaire général, un "fils de la Veuve", Corse de surcroit, je lui ai conseillé de surseoir à cette demande et d'adresser cette même requête à l'un de mes successeurs ultérieurs. Il a suivi mon conseil et mon successeur, fine mouche, lui a suggéré de rédiger lui-même sa propre lettre de demande de la Légion d'honneur ; il a eu toutefois le soin d'en garder copie. Belle idée, car la lettre valait le détour, ne serait-ce que par sa première phrase ! En effet, ce fonctionnaire, qui faisait beaucoup de louables efforts pour atteindre le mètre soixante, taille digne à ses yeux de sa fonction, commença en effet en ces termes sa lettre de demande de la Légion d'honneur : « Fonctionnaire d'une envergure exceptionnelle… ». Mieux vaut en rire !
Il est vrai que j'ai été conduit à penser à ces affaires de décorations en lisant je ne sais où à propos du couple Badinter : « Elle et son mari Robert Badinter refusent toute distinction honorifique de l'ordre national de la Légion d'honneur ainsi que de l'ordre national du Mérite [sic] . Ils ont été proposés plusieurs fois, et ont toujours décliné. ». J'ai été toutefois étonné et même intrigué par le fait qu'Élisabeth Badinter se déclare, depuis 2011, "Commandeur de l'Ordre du mérite culturel de Monaco". Sur ce point, mon étonnement tient moins à la nature de la décoration, dont ses activités et ses mérites la rendre parfaitement digne, qu'au lieu même, un peu insolite et inattendu, d'où elle lui a été décernée. On va jaser !
En réalité, contrairement à une croyance fausse mais solidement établie et partout répandue, on ne demande jamais pour soi la Légion d'honneur. Certes, la demande est en effet nécessaire mais elle doit toujours être rédigée par un tiers, la seule condition expresse étant pour l'éventuel récipiendaire de justifier au moins vingt années d'activité ayant un intérêt général pour la France (les sportifs ne sont toutefois pas soumis à cette règle et en 1998 par exemple toute l'équipe de France de football avait été promue) ; par ailleurs la décoration elle-même doit être acquise, à ses frais, par la ou le récipiendaire et elle ne peut lui être remise que par une personne titulaire elle-même de la Légion d'honneur. On peut donc tout à fait, et c'est souvent le cas se voir décerner cette décoration "à l'insu de son plein gré".
Se voir attribuer cette décoration, lors d'une des deux promotions annuelles, n'a plus rien de très rare puisque qu'on attribue environ trois mille décorations chaque année. On fait, de temps en temps, quelque bruit autour d'une personne qui se voit décerner cette décoration et qui la refuse ; la chose étonne le bon peuple qui croit, à tort on l'a vu, que pour se voir offrir ce titre, il faut l'avoir demandé. , ce qui est faux comme on l'a vu !
L'explication est toute simple car, comme on demande jamais personnellement et directement une décoration, d'autres personnes, en situation de le faire, l'ont fait pour vous, sans nécessairement vous en informer personnellement. Auquel cas, sauf si l'on veut faire le "buzz" (pour diverses raisons), autour d'un tel refus, il n'est en rien nécessaire de refuser explicitement et publiquement la décoration; il suffit simplement de ne pas se faire décorer pour ne pas en être officiellement et légalement titulaire. CQFD !
Pour en finir avec ce sujet, je voulais reproduire ici, en forme de conclusion à ce blog, un projet que j'avais formé, je ne sais plus trop quand et je ne sais pas davantage où, pour la création d'un nouvel ordre de décorations qui viendrait s'ajouter à ceux dont nous disposons déjà (Légion d'honneur, Mérite national, Mérite agricole, Palmes académiques, etc.). Il s'agissait par là de récompenser ceux qui tentent de sauver l'honneur de la France sur le plan international par l'aide qu'ils apportent, sous toutes sortes de formes à toutes les formes de candidatures à la migration vers notre pays. Le coup d'œil que j'ai jeté sur la biographie de quelques-unes des figures les plus marquantes de ce domaine ne m'a pas convaincu de l'intérêt et de l'efficacité de leur action.
Je reprends donc ici très brièvement, rassurez-vous, mon idée de créer une décoration qui repose sur des justifications concrètes d'une action dans ce domaine et non sur de simples discours, si émus et éloquents qu'ils soient. Accueillir un migrant chez soi permettrait d'espérer se voir nommé "chevalier" dans cet ordre (la médaille de l'ordre de la migration serait bien entendu aux couleurs de l'arc-en-ciel) ; accueillir trois migrants permettrait de se voir nommé "officier" et prendre chez soi une famille entière ouvrirait directement le grade de commandeur !
À la différence des autres décorations nationales comme la Légion d'honneur ou le Mérite national, dont on doit acheter les insignes, la médaille de décoration de cet ordre serait, modestie oblige, en fer-blanc ; elle serait donc gratuite et offerte aux récipiendaires !